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Fièvre méditerranéenne, le mal d’un peuple

Avec son dernier film, Maha Haj réussit à décrire avec compassion les fragilités de la condition masculine et de la société palestinienne. Une comédie dépressive sur fond de conflit israélo-palestinien

« J’hésite entre prendre une tasse de thé et me tuer » (Tchekhov). C’est bien la problématique de Walid (Amer Hlehel),  la quarantaine, écrivain – en devenir ! – dépressif chronique. Il ne prend pas le traitement médical prescrit, se dispute souvent avec sa femme Ola (Anat Hadid), mais s’occupe de la maison et de ses enfants. Il emmène fréquemment à l’hôpital son fils à qui on a diagnostiqué une maladie héréditaire, la fièvre méditerranéenne, spécifique à cette région, qui donne son titre au film. On est à Haïfa (Israël) et, quand on est palestinien, ce n’est pas facile. Ni psychologiquement, ni socialement, ni politiquement. Au mur du salon des portraits de Ghassan Kanafani et Mahmoud Darwich, et à la télévision, les scènes d’affrontements en Cisjordanie nous suggèrent que son mal être est un peu celui de tout un peuple. 

Nom d’un chien
Walid va se lier d’amitié avec son nouveau voisin, Jalal, (Ashraf Farah), qu’il a d’abord agressé : la musique qu’il écoutait trop fort le gênait pour écrire. Jalal ne lui ressemble pas du tout. Très extraverti, c’est un petit escroc qui a des dettes contractées au jeu. Il fréquente des gens peu recommandables mais il est très féru de littérature, en particulier de poésie. Ses chiens portent le nom de poètes arabes classiques. Une aubaine pour Walid qui veut s’en inspirer pour le roman qu’il est censé écrire. Ou, peut-être pour une autre raison…Peu à peu cet homme sombre et replié sur lui-même se transforme face aux gens qu’il côtoie. Mais jusqu’où ? La comédie douce-amère-noire, Fièvre méditerranéenne, deuxième long métrage de la réalisatrice palestinienne, Maha Haj, nous tient en haleine jusqu’au bout. Si la cinéaste nous raconte une belle histoire d’amitié, improbable au départ tant Walid et Jalal sont en désaccord sur tout, elle pose avec humour un regard incisif et bienveillant sur la fragilité masculine et sur la société palestinienne. La caméra d’Antoine Héberlé a su capter l’atmosphère mélancolique des quartiers délabrés d’Haïfa qui participe à la dépression de Walid. « Par le biais de ce personnage, confie Maha Haj, j’ai poussé à leurs extrêmes des pensées qui peuvent m’être familières. Je connais intimement sa personnalité et son caractère. J’ai ainsi tourné en dérision mon propre côté sombre à travers un homme qui me ressemble sur certains points, tout en étant différent de moi. »

ANNIE GAVA

Fièvre méditerranéenne, de Maha Haj
Sorti en salle le 14 décembre
Prix du scenario à Un Certain Regard, ce film représentera la Palestine aux Oscars 2022. 
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