À la fermeture de Montévidéo s’ajoutent cette année de nombreuses déconvenues pour les lieux culturels
L’échec d’une politique culturelle court-termiste.
Hubert Colas et toute l’équipe de Montévidéo quittent le camp de base d’un festival unique à Marseille, un lieu phare de la vie culturelle marseillaise qui a vu naître et vivre tant de soirées théâtrales, musicales, de débats. Un tel lieu qui ferme, ce n’est pas seulement un lieu de moins, mais le symbole d’un véritable échec.
Les causes de cet échec sont multiples, et dues à la demande faite aux artistes, durant vingt ans, de s’installer dans des lieux privés, et de payer le loyer et les investissements liés à cette installation avec les subventions que la Ville, mais aussi d’autres collectivités, leur allouaient, et ce malgré le rachat de ces lieux par des propriétaires peu scrupuleux. Jean-Marc Coppola, adjoint à la Culture, nous expliquait déjà non sans tristesse que l’état des finances actuelles de la ville ne lui permet malheureusement pas de préempter tous ces lieux privés, lieux dans lesquels les compagnies marseillaises ont été poussées à s’installer non pas par la municipalité actuelle, mais par ses prédécesseurs. Cependant, l’annonce de deux autres fermetures de lieux culturels à Marseille interroge sur les priorités de la municipalité.
La fin d’une culture de proximité ?
La première d’entre elles n’est que temporaire : il n’y aura pas de saison, cette année, au Théâtre Silvain. Sophie Camard, maire des 1e et 7e arrondissements, annonçait lors de ses vœux sa fermeture pour des « travaux nécessaires dans les coulisses et la maison du gardien ». On peut se demander pourquoi lesdits travaux ont lieu durant la saison estivale, entraînant ainsi la fermeture du plus grand amphithéâtre de Marseille, l’annulation de tout ou partie de certains festivals, et la frustration inévitable de 30 000 spectateurs sans lieu de repli.
Ce même 11 janvier, Benoît Payan annonçait que la Maison du Figaro, bâtiment célèbre situé au 42 Canebière, centre du centre-ville de Marseille, allait perdre sa vocation culturelle historique, pour devenir une maison de la Police Municipale.
Dans cet Espace Culture abandonné, les Marseillais ont trouvé jusqu’en 2015, année de sa fermeture définitive, une information culturelle de qualité, des lieux d’expositions et de débats mais aussi pour les professionnels un lieu idéal, central et ouvert, pour leurs réunions et conférences de presse. Lors de sa dernière année de fonctionnement, il était fréquenté par 165 000 visiteurs, sans compter les passants qui s’arrêtaient à ses vitrines d’exposition. Les services culturels de la Ville y étaient en contact avec les professionnels et les artistes.
Le transformer en commissariat bis sur la Canebière, dans l’intention louable de réhabiliter la notion de police de proximité au service des habitants, comme l’annonçait le maire Benoît Payan lors de ses vœux, témoigne d’une vision de la sécurité qui, pour se prémunir des émeutes et de la criminalité, parie sur la police plutôt que sur la culture. Culture de proximité qui, pourtant, comme toutes les études sérieuses le montrent, est un facteur important d’apaisement social sur le long terme.
Pour (interminables) travaux.
Ce signe inquiétant n’est pas isolé : il est l’héritage d’un abandon des bâtiments culturels durant les dernières années des mandatures de Jean-Claude Gaudin. D’un abandon qui a poussé à ouvrir des tiers lieux temporaires, tels que Coco Velten et Buropolis, aujourd’hui fermés ; d’un abandon qui a conduit à la très longue fermeture pour travaux du Gymnase, pour plus de trois ans, après la fermeture du Théâtre de Lenche et du Gyptis, qui ne sont aujourd’hui plus des salles de spectacle, et un Théâtre de la Friche aujourd’hui sans programmation.
Pour couronner le tout, la fermeture du métro à 21h30 en semaine, redoutée par la municipalité mais passée en force par la Métropole, durera au moins deux ans. Forçant ainsi les lieux culturels à concentrer leur programmation sur le week-end, cette fermeture promet de diminuer fortement le nombre de spectacles à l’affiche sur les saisons à venir, et menace de transformer de nouveau la deuxième ville de France en cité fantôme.
Premier motif de satisfaction dans les sondages marseillais, motivation importante pour les visiteurs qui passent un week-end ou leurs vacances dans la cité phocéenne, la vie culturelle marseillaise souffre pourtant d’un manque criant de lieux de spectacle, de répétition et d’information. Et risque de se voir dans l’impossibilité de tenir ses belles et sincères promesses.
SUZANNE CANESSA