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Oyez pitchounes  

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La grande parade de Festo Pitcho avec les marionnettes géantes de la compagnie Archibald-Caramantran © X-DR

Avec les animaux de La Fontaine en ombres tutélaires de cette nouvelle édition, l’écologie se taille la part du lion pour une sensibilisation en douceur, autour des mésaventures d’une jeune ourse polaire (Ricochet(s), du 5 au 14 avril, Grand Avignon), ou d’un conte musical dans une réserve naturelle d’animaux marins au Brésil (Voyage au-delà des mers, le 10 avril, Châteaurenard). Les expérimentations sensorielles immergent dans le cycle du vivant : les compositions électro-acoustiques de Simon Kansara accompagnent les dessins animés réalisés en direct par l’artiste peintre Émilie Tarascou, donnant vie à paysages naturels mouvants – fil des saisons, vol des oiseaux, scintillement des étoiles… (Versant Vivant, le 9 avril au Grenier à Sel, Avignon). Pour les plus petits, place aux formes courtes, mêlant théâtre d’ombres (Le Tout Petit Voyage, 25mns, dès 1 an, le 10 avril à Sauveterre) ou fable musicale évoquant le vol d’une raie manta dans l’atmosphère onirique de vitraux colorés, bercée par les trois musiciennes de la Compagnie Klankennest, aux percussions et violoncelle (Manta, 40mns, de 4 à 24 mois, du 11 au 13 avril à La Garance, Cavaillon). 

Pas de côté 
Pour les plus grands, la programmation ose le pas de côté. Création in situ à la Maison Jean Vilar, Bazar Vilar retrace la vie du grand homme – les escabeaux se muent en tréteaux, et c’est la grande histoire du théâtre qui prend vie sous nos yeux ! (du 11 au 13 avril). Avec Méandres, la chorégraphe Sara Pasquier ressuscite le Minotaure pour une initiation à la danse contemporaine (les 12 et 13 avril au Théâtre Golovine, Avignon), tandis que Moi c’est Talia nous plonge dans la psyché d’une collégienne, confrontée à son surmoi récalcitrant. Apaiser les cavalcades de pensées à l’orée de l’adolescence, tout un programme (le 16 avril au Théâtre des Halles, Avignon) ! La compagnie Les Traversées s’attelle au deuil, sujet ardu mais nécessaire : deux jeunes orphelins s’épaulent dans la découverte intuitive de la résilience, jugulant chacun à sa manière l’immense chagrin de la perte d’un parent (Le chant de la baleine, les 13 et 14 avril au Théâtre Transversal, Avignon). Plus léger, le concert de Coeur de Louve met le rock à hauteur des petits, autour de thèmes qui leur sont chers : la perte du doudou, l’apprentissage du non… (à l’Isle-sur-la-Sorgue le 12 avril). Les plus téméraires oseront la musique improvisée, autour des “chimères syllabiques” de Baby Jotax (les 19 et 20 avril à l’AJMI, Avignon). Enfin, deux rendez-vous de plein air : le 15 avril, la chorale Pitchoun scelle l’aventure collective menée par le musicien Thomas Pitiot avec une cinquantaine d’enfants scolarisés à Avignon. Et dès le 6 avril, les animaux mènent la sarabande dans les rues de la ville, pour un lancement en fanfare auprès des marionnettes géantes de la compagnie Archibald-Caramantran (départ à 15h du Square Agricol Perdiguier, clôture à 17h autour d’un grand goûter). 

Julie Bordenave 

Festo Pitcho
Du 6 au 24 avril
Avignon et alentour,
festopitcho.com

Biennale d’Aix, un festival de propositions 

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Aux lendemains de la crise covidienne, Sophie Joissains, maire d’Aix-en-Provence, contrant les propos jugeant la culture non-essentielle, décidait de renouer avec le souffle de la culture par l’élaboration du projet fou. Une biennale ayant pour « terrain de jeu » toute la ville d’Aix-en-Provence, du cœur historique aux quartiers plus excentrés et les villages au pourtour de la ville. « Il s’agit de mettre l’art au cœur de la cité, de le rendre accessible à tous », expliquait Sophie Joissains lors de la présentation de la première étape.

Une initiative politique

Deux temps seront déclinés cette année au lieu des « quatre saisons » de la première biennale qui tentait – avec le succès que l’on connaît – à rompre avec les années de restrictions liées à la pandémie. « Il était important de ne pas mélanger la biennale et les autres festivités traditionnelles de l’année, telles le festival de Pâques ou le festival d’art lyrique » ajoute l’édile. En revanche, le lien patrimonial est renforcé, mettant à contribution, non seulement les lieux institutionnels, comme les divers musées de la ville, les théâtres et lieux de spectacle, les bibliothèques, les écoles d’art, le conservatoire, mais aussi les centres sociaux, les parcs, jusqu’au Gymnase de Val de l’Arc : quarante espaces où seront jouées, interprétées, projetées, performées, exposées, commentées, les 80 propositions de la première partie des festivités. 

 « Croiser patrimoine et création est un pari passionnant auquel sont associés les partenaires du territoire » explique Stéphanie Lelouarn, chargée de mission à la Biennale d’Aix. « La biennale existe comme une, chance une opportunité pour valoriser et développer les propositions de l’École d’Art d’Aix, et prend une place importante dans la politique d’insertion professionnelle des élèves de l’école », affirme l’historienne de l’art et directrice de cette institution, Barbara Satre. Christel Roy, coordinatrice des musées d’Aix-en-Provence, souligne combien le lien entre la ville et l’art contemporain est symbolisé par Beyond consciousness, « tissages oniriques et organiques » qui constituent l’installation immersive de l’artiste Chiharu Shiota. 

Du local et de l’international

Suivant le principe d’accueillir lors de chaque édition un nouveau pays, la biennale 2024 offre son écrin aux artistes du Liban en écho à l’anniversaire de l’accord de coopération avec Baalbeck, jumelée avec Aix-en-Provence depuis 2003. Le « cinéma comme force vitale » mettra à l’honneur ce pays par plusieurs projections et débats grâce à l’Institut de l’Image. Le Couvent des Prêcheurs recevra la soirée musicale Galbi Galbi et l’Auguste Théâtre y proposera une lecture théâtralisée, Beyrouth 2020, Journal d’un effondrement tandis que dans la cour du musée Granet l’autrice, actrice et metteure en scène libanaise Chrystèle Khodr interprètera la performance théâtrale et musicale Ascension et chute de la Suisse de l’Orient

Axée aussi sur la jeunesse, la Biennale reconduit sa collaboration avec lAix-Marseille Université pour Before-Campus de nuit#2. Les manifestations comme l’agitation foraine de Cosmogonos de la compagnie Titanos ou le Manège d’Andréa de François Delarozière investiront les espaces urbains pour des émerveillements partagés. Expositions collectives, installations sonores, lien fort avec les Rencontres du 9e art, la première édition du festival pluridisciplinaire Lips #1, théâtre, danse (dont un somptueux programme concocté par la compagnie Grenade), arts de la rue, déambulations, impossible de tout citer tant la ville foisonne de propositions toutes plus inventives et intéressantes les unes que les autres… Indubitablement, l’art est le lien privilégié et essentiel qui fonde notre humanité.

MARYVONNE COLOMBANI

Biennale d’Aix
Du 6 avril au 29 juin
biennale-aix.fr

Ni repaire, ni perspective

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Horizon rocade-T. Fourneau © Olivier Quéro

L’École régionale des acteurs de Cannes et de Marseille (Eracm), formation d’excellence de notre région, présente régulièrement des étapes de travail des apprentis comédiennes et comédien. C’est le cas de la pièce, Horizon Rocade, du prometteur auteur anglais Simon Langman, récompensé en son pays par des prix qui l’ont fait connaître dans toute l’Europe. Pièce choisie dans le cadre de l’Atelier de Recherche des Écritures Contemporaines qui met en place une collaboration entre l’Eracm et l’Université. 

Portraits d’une jeunesse désorientée

Le metteur en scène Thomas Fourneau en a proposé une mise en espace, déjà très aboutie, avec quatre comédiennes et deux comédiens qui jouent les trois personnages. En effet, et c’est une première particularité de ce texte, chacun des rôles est partagé par deux acteurs. Procédé original qui souligne les égarements des jeunes de 15 ans, enfants de familles pauvres qui sont dans la détresse de l’alcool et du chomage. Pas d’avenir dans ces petites villes sans âme pour les enfants qui reproduisent ce qu’ils voient et entendent, blagues débiles, délires bêtes. Ils parlent parfois de famille, d’amour dont ils ne connaissent rien, d’enfant qu’ils auront peut-être. Mais un jour, un drame éclate. Kate emmène ses deux amis dans la voiture de son père et sera la seule survivante d’un accident. Le texte du début revient alors comme reviennent les fantômes dans l’esprit de Kate. Pour autant, malgré leur désespérante noirceur, les dialogues crus, d’un humour caustique, nous accrochent. Les comédiens restituent parfaitement l’univers d’une jeunesse égarée.

CHRIS BOURGUE

Horizon Rocade a été du 19 au 23 mars à l’IMMS-Friche de la Belle de mai, Marseille. 
La traduction de Mirabelle Ordinaire et Marion Schartz n’est pas encore éditée

DIASPORIK : Le monde est babil 

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La musique n’a pas de frontières et les répertoires s’acculturent au contact des uns des autres. Ils voyagent, s’interpénètrent pour se renouveler, bousculer les catégories, emprunter rythmes et instruments et surprendre les publics. C’est à partir de ce constat que la conversation a commencé entre les personnalités artistiques engagées dans la valorisation de répertoires qui comptent dans la « world music ». 

Pour Élodie Le Breut, directrice et programmatrice de l’AMI, Amine Soufari, compositeur, pianiste, Issiaka Kouyate, directeur artistique du festival Nuits des Griots et Manu Théron, programmateur du Pôle des musiques du monde (Cité de la Musique), de faire la promotion et d’assurer la diffusion de répertoires authentiques mais aussi de musiques syncrétiques, qui fusionnent les influences, sans exclusive.

L’appellation « world music » transposée en France en « musiques du monde » est apparue dans les années 1980, quand le chanteur britannique Peter Gabriel crée le label musical Real World chez Virgin Records pour promouvoir la world par des enregistrements et une diffusion mondiale. Au-delà d’une catégorisation qui rend visible ces musiques dans le rayonnage des disquaires, l’appellation a permis de promouvoir des artistes ayant participé aux différents festivals WOMAD.

C’est l’enjeu de cette diffusion mondiale, davantage que la volonté de circonscrire et catégoriser ces musiques, qui a prévalu et permis de structurer scènes, marchés et diffusion. Comme le rappelle Issiaka Kouyate, au-delà de l’hégémonie des maisons de disques que cela génère, les mondialités culturelles restent aujourd’hui contraintes par l’économie fragile des festivals, et la mobilité culturelle soumise à l’obstacle endémique des visas. Pour Élodie Le Breut, les résidences d’artistes sont autant d’occasion de diffuser les musiques actuelles, telles que le rap algérien ou l’afrotrap, que de revisiter les répertoires traditionnels. 

Mais Amine Soufari et Manu Théron soulignent aussi l’importance de la circulation des répertoires dans leur authenticité : ces répertoires par leurs instruments, leurs rythmes, la qualification des terroirs de production, leur harmonies modales, assouplissent les règles et élargissent les possibilités musicales. Sont aussi évoquées les distinctions entre musiques populaires et musiques savantes,: ainsi les musiques populaires, de transes (raï, kabyles, hadra, gnawa, aissaouas…) ou musiques savantes (chaâbi algérois ou constantinois) qui interrogent aussi le rapport de classe dans les pays de provenance, n’ont pas ce trait sur les scènes en Europe. 

Nos piafs et leur poésie

Alors qu’en France, certains contestent le droit à la chanteuse Aya Nakamura de représenter la France à l’ouverture des JO 2024, le chemin semble encore jalonné d’incertitudes sur la légitimité des répertoires diasporiques qui empruntent aux cultures urbaines autant qu’aux cultures d’origines ! Connaître les parcours biographiques des artistes aujourd’hui consacrés comme « français » paraît pour le moins nécessaire : « la môme », le « piaf » avait des origines marocaines, et un usage très urbain de la langue. 

Samia Chabani

La rencontre s’est déroulée à la Friche La Belle de Mai le 28 mars dans le cadre de Babel Music XP

DIASPORIK : Le Théâtre de l’Œuvre rompt le jeûne avec des dates 

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El Besta © X-DR

À l’occasion des longues soirées ramadanesques, les femmes pratiquent le jeu de la boqala en Algérie. Les participantes récitent de courts poèmes qu’elles interprètent ensuite comme des présages. À Marseille, Les Lunes du Ramadan, le rendez-vous annuel du Théâtre de l’Œuvre – en partenariat avec l’association Cultur’all Massalia – invite le public à une série de concerts de musiques d’Afrique du Nord. Un véritable voyage sensoriel révélant les intrications délicates entre héritage de répertoires musicaux et chansons à texte métaphorique et parfois subversif. 

La programmation alterne les répertoires savants et populaires, dans un savant dialogue qui réjouit les amateurs marseillais. D’abord avec le chaâbi de Fouad Didi le 5 avril, on attend ensuite El Besta, qui débarque à Marseille pour un concert inédit le samedi 6 avril. Issu de Mostaganem, le groupe offre un embarquement immédiat dans l’univers mélancolique de l’accordéon et de la poésie populaire. Inspirés par les ambiances des qaadates de l’ouest algérien, le quatuor réincarne en live les grands noms et rythmes du Raï en offrant une expérience live immersive unique et intimiste. Sofiane Merabet, avec sa voix puissante et émotionnelle, incarnant l’âme et l’expression authentique du raï est accompagné de Laredj à l’accordéon, Dadi à la derbouka et du bassiste Abed. Issu des nouvelles générations et bien ancré dans notre époque, chantant l’agonie amoureuse, les interdits, la trahison, la fatalité, la passion ou l’ennui, El Besta, entre traditions et modernité, fait du raï un témoignage, à la manière des anciens.  

Une musique reconnue

Le raï est une chanson populaire d’Algérie d’origine rurale qui a véhiculé la réalité sociale sans tabou ni censure. Il aborde des thèmes tels que l’amour, la liberté, le désespoir et les pressions sociales. Au début du XXe siècle, les prima donnas y ajoutent des idées transgressives, en chantant la liberté d’aimer et de désirer, tout en glorifiant dieu et les saints. Au fil du temps, le raï s’est progressivement imposé, d’abord au niveau local, lors des rituels et des mariages, puis au niveau mondial grâce à des artistes tels que Chikha Remitti, Khaled, Mami, et aujourd’hui DJ Snake et son fameux Disco Maghreb. Depuis 2022, cette musique est inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’Unesco.

SAMIA CHABANI

Les Lunes du Ramadan
Fouad Didi
5 avril

El Besta
6 avril
Théâtre de l’Œuvre, Marseille

Feelgood, pass et manque

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– Oh  dis donc, encore le pass culture ? Tu pourrais pas faire un édito feelgood pour une fois ? 

– Mais j’essaye j’essaye, face aux grandes catastrophes du monde menaçant !! Regarde regarde, j’ouvre les perspectives de la paix, je parle de Matisse et de sa Joie de vivre, je remarque toutes les flammes qui s’allument…

– C’est ça que t’appelles feelgood ? T’as entendu parler du journalisme de solution ? Tu peux pas pour une fois mettre l’accent sur ce qui marche ? Franchement, regarde, dans les librairies, sur les plateformes de streaming, mêmes dans les bibliothèques, les programmes des théâtres parfois aussi, la rubrique feelgood apparaît partout partout. Il est plus question de divertir, de passer un bon moment en mettant les douleurs du monde en veilleuse, mais de prendre enfin du bon temps avec une bonne tranche de comédie, un truc qui finit bien quoi.  C’est pas du luxe en ce moment. Tu vas encore nous emmerder avec ton pass culture et ta politique de la demande et de l’hégémonie culturelle de masse ?

Déso, et oui, encore. Et les solutions, celles que souligne notre journalisme, ce sont les artistes qui les portent. Que l’État consacre plus de 250 millions à fournir aux jeunes des coupons d’achat pour les grands groupes de produits industriels numériques et audiovisuels, et diminue d’autant le budget qu’il allouait à la culture publique, à la création, à la décentralisation des moyens, n’est pas acceptable. Rachida Dati le constate aujourd’hui, il faut qu’elle aille au bout, et arrête la gabegie. La réformer ne suffit pas, la politique est injuste et inefficace, ne rapportant qu’aux industries culturelles, du livre Bolloré au streaming Spotify. S’il s’agit de financer la culture publique avec les impôts de tous, autant donner les moyens à ceux qui la fabriquent, en cessant de diminuer les budgets de la création. 

Car le constat est là : les salles sont pleines. C’est assez miraculeux, étant donnée la concurrence exercée par les industries culturelles et le lavage de cerveau médiatique. Partout, carton plein. À l’Opéra de Marseille pour Massenet, à La Criée pour un Molière, à Babel Music XP pour le monde, au Festival de Pâques, à Martigues pour Pommerat, au Vidéodrome 2 pour un festival trans, au Zef et à Klap pour Rigal, le public est là, divers pour peu qu’on aille à la fois voir de l’opéra et des musiques du monde, du théâtre classique ou contemporain, de la danse, des films, des débats. 

– C’est plein, mais plein ne viennent jamais. 

– Évidemment. Mais ce constat forcément juste de l’échec de la démocratisation culturelle est l’arme avec laquelle l’État et certaines collectivités publiques coupent le trop maigre budget alloué à la création, aux compagnies, aux artistes et à ceux qui les diffusent.

Un constat qui se renouvelle année après année, trimballant avec lui le reproche d’élitisme : la culture publique ne touche pas tous les citoyens. Les publics sont trop blancs, trop féminins, trop âgés…

– Ok ok, mais que faire ?

– Exactement ce que nous faisons. Proposer, avec obstination, une alternative au stade, au streaming, à la VOD, au feelgood, à la culture de masse qui impose ses produits en les rabâchant. Garder vivants ces lieux où les artistes fabriquent un regard vivant sur le monde que l’on peut partager avec eux, dans la proximité chaleureuse du spectacle. Comprendre combien ils nous sont nécessaires. Comprendre qu’ils ne sont pas là pour nous livrer du feelgood. Retrouver Aristote. 

– Ah non là non pas Aristote dans un édito. Déjà que tu te la joues pseudo Platon avec ton dédoublement dialogique

– Et pourtant 

– Vraiment la catharsis ?

– Faire éprouver les douleurs du monde pour mieux les combattre n’est-il pas le but essentiel des artistes ? 

– Et la comédie ? 

– Depuis toujours elle ridiculise les puissants ce n’est pas le feelgood. L’apparition de cette catégorie est le signe d’une société dépressive réduite à l’apathie. Plutôt que de détourner le regard des publics vers des bonheurs illusoires, les artistes peuvent, doivent, découvrir les chemins qui leur feront combattre l’impuissance.

AGNÈS FRESCHEL ET ALCIBIDON

#Puzzled : pièces d’artifice

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#Puzzled, Pierre-François Blanchard

Concocté avec la complicité du clarinettiste Thomas Savy#Puzzled offre en dix morceaux, ou paragraphes, un cheminement tendre, triste, émerveillé, espiègle, déployé comme les pages d’un journal intime qui se feuillette avec délices. En ouverture, Backtrack, pose ses notes avec une simplicité rêveuse qui s’orientalise, sinuosités délicates de la clarinette de Thomas Savy sur les ostinatos du piano de Pierre-François Blanchard. Les sonorités s’emballent en un foisonnement étonné avant de revenir, comme dans un poème symphonique qui se referme sur lui-même. Les notes liquides de Fears, écho au chatoiement de certaines pièces de Debussy, se tendent d’une insondable tristesse. Chaque pièce est un tableautin finement ciselé où les instruments complices tissent des mélodies peuplées de réminiscences. Ici, l’on croit reconnaître un écho de Darius Milhaud, là Satie, Fauré, Michel Legrand… On sourit aux accents mutins de C’est par où ? ou d’Asmara, on se laisse emporter par les mouvements introspectifs d’Afterglow ou de Foreshadow, les fantaisies contrapuntiques de #Puzzled, titre éponyme.
Mouvements envoûtants, mélancolies, joies, irriguent cet album qui mêle les influences classiques et jazz. Conservant la liberté de ton apprise aux côtés de Pierre Barouh, « sorte de chaman, initiateur, poète », dont il a été le pianiste durant cinq ans, Pierre-François Blanchard laisse sa musique vagabonder au fil de pensées qui s’orchestrent au fur et à mesure qu’elles naissent, abolissant les frontières entre improvisation et partition écrite pour un voyage hypnotique. Les compositions lumineuses nous emportent vers les ailleurs. L’ultime morceau de l’album, Lullaby for freedom, ne referme pas le propos mais ouvre de nouvelles portes par lesquelles la pensée s’évade. Poudroiements oniriques…  

MARYVONNE COLOMBANI

#Puzzled, Pierre-François Blanchard avec Thomas Savy, Les rivières souterraines

Le CD a été joué en concert au Petit Duc, lieu de résidence des artistes

Concert de sortie du CD #puzzled à Marseille au Cri du Port le 11 avril à 20h00

« Katika Bluu », les enfants soldats du Congo

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Katika Bluu/@Helicotron

Dans la compétition des longs métrages, Katika Bluu, tourné dans la région de Goma par le duo belge Stéphane Vuillet et Stéphane Xhroüet, objet de polémiques au Congo, est un film  qui  travaille le réel comme une fiction pour en extraire l’impensable, quitte à brouiller un peu les pistes. Un film qui colle à la rétine et interroge sans conforter ni réconforter.

Katika bluu (du swahili, dans le bleu) désigne cet état d’incertitude  pour les enfants soldats exfiltrés des groupes armés rebelles et accueillis dans des Centres de Transit et d’Orientation ( C.T.O) subventionnés par l’UNICEF. Là, on tente de les réinsérer dans un collectif bienveillant, de retrouver leurs familles auxquelles ils ont été enlevés.  Mission difficile, voire impossible. La durée des séjours en C.T.O est limitée à 3 mois. Dérisoire au regard des traumatismes de ces enfants et adolescents, contraints au pillage et aux assassinats, et que par ailleurs, leurs parents refusent de reprendre.

Stéphane Vuillet raconte la genèse du projet. Etape par étape. D’abord, l’Atelier cinéma animé par son ami  Stéphane Xhroüet dans ce C.T.O de Goma. L’idée de le clore par un court métrage qui mettrait en avant le fonctionnement de cette petite démocratie participative, associant les Jeunes à la gestion matérielle et humaine du lieu, loin de  la terreur des milices. Puis, son désir de passer à un long métrage, le travail avec une petite équipe sur place, et le financement inespéré permettant de le finaliser.

Katika Bluu relève ainsi, à la fois du documentaire : les acteurs sont les résidents du Centre et le tournage se fait sur leur lieu de vie. Et de la fiction : le scénario est un montage des souvenirs récoltés auprès des enfants, et s’écrit autour d’un personnage central, Bravo.

Portrait d’un enfant perdu

Bravo a 16 ans et il incarne tous ceux dont on a violé l’enfance et qui ne parviennent plus à revenir au monde. « Je voudrais être un serpent, confie l’adolescent, pour changer de peau ».  C’est cette mue que raconte le film. On suit son arrivée au Centre, le visage marqué par des peintures de guerre bleues, bouillonnant de violence, fier de son statut de lieutenant chez les Rebelles, refusant de participer aux tâches matérielles. Il rejette les mamans, les papas et les familles d’enfants qui structurent la communauté, lorgne sur les barbelés qui défendent le Centre et cherche à s’enfuir. Son acclimatation progressive passe par son ouverture aux autres : l’amour, l’amitié. Francine, une jeune fille qui vient donner des cours de capoeira. L’arrivée de Paul, un autre enfant encore plus perdu que lui, encore plus fragile qu’il prend sous son aile.

Peu à peu, il accepte le manque qu’il ressent de sa mère et que les horreurs reçues et infligées n’ont pas pu effacer. Tourné au format 4/3,  accompagné par la subtile partition du compositeur Thomas Faure, Katika Bluu est un portrait saisissant d’adolescent et un hommage au travail remarquable de ceux qui croient en l’humanité, essaient de réparer l’irréparable. Stéphane Vuillet avoue avoir pensé à un épilogue bien plus sombre que celui qu’il nous propose in fine. Pour autant, l’espoir pour tous ces jeunes gens est bien mince. Rejetés de tous, ils seront livrés à eux-mêmes, à leur sortie du Centre. Et la guerre entre les Rebelles M23 et l’armée gouvernementale dans le Nord-Kivu, depuis février 2024 plonge à nouveau le pays dans le chaos.

ELISE PADOVANI

Le festival Music et Cinéma se poursuit jusqu’au 6 avril

Music & Cinema : une ouverture, coup de poing

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C’est dans la salle-amiral de l’Artplexe, comble pour l’occasion, que s’est ouvert ce lundi de Pâques le festival Music et Cinéma (MCM), marseillais depuis trois ans déjà. 25 ans d’existence : des noces d’argent, symbole d’une relation durable au socle solide. Un anniversaire commenté avec l’accent canadien par la pétillante et irrésistible maîtresse de cérémonie, venue de Montréal, Geneviève Venne. Puis, en duo, par la déléguée générale de MCM, Gaëlle Rodeville et le président d’Alcimé, Jacques Sapiega. Intervention de Jean-Marc Coppola, adjoint à la Culture. Présentation du foisonnant programme, des jurys, rappel des rendez-vous, remerciements et expression d’une légitime fierté rétrospective pour avoir rendu possibles tant de confluences « cinémato-musicales » depuis tant de temps.

Si le film de la soirée, Dissidente de Pier-Philippe Chevigny projeté en sa présence, ne donnait pas beaucoup de place à la musique, il s’inscrivait dans la veine humaniste, sociale et politique, chère au festival. Premier long métrage du réalisateur québécois, un vrai coup de poing qui nous a laissés KO !

Dissidente : qui rompt avec une autorité établie. Synonyme : insoumis, révolté, rebelle. La dissidente, c’est Ariane (Ariane Castellanos) qui revient dans son milieu d’enfance où elle commence un emploi de traductrice espagnole pour une entreprise québécoise employant des ouvriers guatémaltèques. Comme la jeune femme, suivie au plus près par la caméra, nous voilà plongés, dans un univers impitoyable que nous découvrons à ses côtés. Immersion dans la violence de l’exploitation au travail. Gestes répétitifs et harassants de l’ensilage, heures supplémentaires imposées, droits élémentaires déniés. Ces hommes, venus là dans le cadre d’un programme d’immigration saisonnière, ne savent pas ce qu’ils ont signé, ne maitrisant pas la lecture. Ils sont surveillés, menacés par les chefs et même exploités par leurs propres collègues. Ariane doit payer ses dettes pour sauver sa maison, et comme ces travailleurs, elle est prise dans un étau, soumise au chantage du licenciement. Au départ, elle obéit  à son chef à l’oreillette greffée sur l’oreille, un de ses anciens collègues d’apprentissage, « une des brutes de l’école, devenue directeur d’usine !», lui  même astreint à la logique du rendement, des actionnaires et du système capitaliste.

La conscience d’Ariane

Peu à peu, Ariane prend conscience, essaie de faire changer les choses, de soulager les corps meurtris en modifiant l’organisation du travail. Elle se rapproche de ces hommes, invitée à leurs fêtes, initiée à la musique de son père, guatémaltèque comme eux, qu’elle n’a pas connu. Et un jour, tout comme dans La Promesse des Frères Dardenne, un accident fait craqueler  le système : un ouvrier sommé de se remettre au travail, alors que son corps est meurtri, absorbe des cachets anti douleur pour tenir le coup. Trou dans l’estomac, vomissements de sang, des soins très douloureux et un lien qui le raccroche à la vie : les mains d’Ariane tentant de l’apaiser. Une scène très dure qui fait vivre au spectateur la souffrance de ces nouveaux esclaves.

Ariane Castellanos,tout en retenue,  incarne à la perfection cette femme « dissidente ». On pense à Zita Hanrot dans Rouge de Farid Bentoumi ou à Isabelle Huppert dans La Syndicalistede Jean- Paul Salomé (https://journalzebuline.fr/scandale-nucleaire/)

Ce film sous tension, nourri d’une réalité documentaire, qui s’inscrit dans la lignée de Ken Loach ou des Frères Dardenne ne laissera personne indifférent.

ANNIE GAVA ET ÉLISE PADOVANI

« Un lieu tourné sur le monde et ses multiples facettes »

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Anne-Sophie Crespin au 3 rue Vincent Scotto, devant les plans de la librairie © R.G.

Zébuline. Pourquoi avoir décidé d’ouvrir cette librairie internationale dans le quartier populaire de Belsunce ?  

Anne-Sophie Crespin. Le désir de librairie internationale est né fin 2021, puisqu’il y avait alors un appel à projets sur ce local qui était préempté. J’avais l’idée de créer une librairie dans mon quartier, mais ce n’était pas assez abouti. Cela a mûri quand j’ai vu le local qui est très grand et permettait de faire toutes les activités que je voulais faire. Je ne vais travailler qu’en langue étrangère – en anglais, italien, espagnol et arabe – pour commencer. Après, j’étendrai à l’allemand, le portugais et le chinois. Le tout sur un fond féministe et LGBTQIA+, qui transparaîtra dans tous les rayons, même s’il y aura des parties spécifiques sur ces sujets-là. Je veux que la librairie soit un lieu convivial et safe, où les queers et les personnes qui parlent des langues étrangères puissent se sentir en sécurité. La photographie m’intéresse beaucoup, il y aura donc aussi un côté galerie. Les 5 et 6 avril j’organise avec Yohan Brandt un projet de studio photo dédié aux habitants de Belsunce, qui donnera lieu à l’expo in situ Nous sommes Belsunce représentant celleux qui y vivent, y travaillent et y étudient. Dès le premier article qui est paru sur la librairie internationale, il y a eu des déchaînements de haine raciale et anti-pauvreté qui étaient absolument affreux, ce qui m’a encore plus renforcée dans le fait qu’il fallait rester là et qui m’a aussi donné l’idée de l’expo parce qu’il y en a marre de se faire stigmatiser. Le but, c’est de faire de cette librairie un lieu tourné sur le monde et ses multiples facettes, et qui soit accueillant pour les personnes du quartier.

Comment cette ouverture sur le monde va se refléter dans la librairie ?

J’espère arriver rapidement à un stock de 16 000 références, avec 4 000 dans chaque langue. J’ai en tête des spécialités pour les langues aussi. Par exemple pour la littérature anglaise, c’est la littérature anglophone d’Afrique ou afro-descendante qui sera l’un des sujets principaux. Pour l’espagnol, il va plutôt être question des nouvelles publications d’Amérique latine. Quant à l’italien, le focus va se faire sur les publications de jeunes auteurs qui abordent les sujets de migration, parce que ce sont des sujets qui sont émergents en Italie, qui n’était pas du tout un pays lié à ces questions-là. Et pour l’arabe il va essentiellement s’agir de féminisme et de mouvements LGBT, qui sont des thèmes très difficiles à trouver. La question palestinienne sera bien entendu présente.

L’ouverture a été retardée, il y a eu plus de deux ans d’attente et les travaux sont encore en cours. Mais cette fois-ci c’est la bonne ?

Je suis toute seule, je ne peux pas tout faire… De plus, je ne suis pas subventionnée par la mairie. J’ai juste eu un financement de l’Agence Régionale du Livre avec la Drac [Direction régionale des affaires culturelle, ndlr] et la Région, une subvention à laquelle toutes les librairies ont droit. C’est difficile, oui, mais j’ouvrirai bien le 1er avril même si tout n’est pas fini. Je peux aussi compter sur mes confrères et consœurs libraires qui sont mes premiers soutiens. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR RENAUD GUISSANI 

La grande librairie internationale, Marseille
Ouverture le 1er avril