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Joyeux Débarras : accords de libre-échange

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Ce 10 février aux 8 Pillards, Les Pas Perdus exposent donnent des œuvres d’art

En 2019, un collectif d’artistes, architectes, artisans investissaient l’ancienne usine de métallurgie Pillard, dans le 14 e arrondissement de Marseille. Un lieu immense, qu’ils réhabilitent depuis avec un espoir en l’expérimentation collective et une inventivité qui ne se démontent pas face aux obstacles. Car obstacles il y a eu ! En juillet dernier, Les 8 Pillards se sont vus signifier leur éviction de l’appel à projets porté par l’Établissement Public Foncier, actuel propriétaire du site, qui décidera de son avenir. Comme souvent, restent en lice de gros investisseurs, avec des propositions sans valeur culturelle et sociale. Le collectif a toutefois obtenu un répit un an encore, et ne renonce pas à sa vocation, maintenir un espace de création, de production et de vie, dans un quartier trop souvent délaissé par les artistes.

Tout ou rien

Occupants depuis la première heure, Les Pas Perdus, groupe d’art contemporain collaboratif, s’investissent dans la programmation et initient sur place Joyeux débarras, un cycle de douze expositions au cours desquelles seront données des œuvres d’art créées à plusieurs mains. « En échange de rien ou au contraire de tout ce qui vous plaira : une chanson, une poésie, une danse, une recette, une plaisanterie, une lecture d’un compte rendu de la coupe du monde de rugby, une performance, un toast, une histoire, une coiffure, un mot, un mets… ou toute autre immatérialité. »
Chaque exposition prendra une forme événementielle singulière : Playing with life, le 10 février, celle d’une tombola. Les suivantes, celle d’un loto ou d’un karaoké… Joyeux débarras -2 (Insolentes joyeusetés & Club de rencontres pour objets) et -3 (La Joliette des Songes) auront lieu respectivement les 9 mars et 4 mai.

GAËLLE CLOAREC

Joyeux débarras -1 Playing with life
10 février
Usine Pillard, Marseille
lespasperdus.com

Manouchian, l’honneur de la France 

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Le 7 février, les associations Promemo et Coudes à Coudes s’associent pour organiser une après-midi autour de la thématique : « Les étrangers dans la résistance ; et la figure de Missak Manouchian ». Un événement qui s’inscrit dans le cadre de la panthéonisation prochaine du poète arménien et de sa compagne, tous deux résistants, le 21 février. Le coordinateur local de Coudes à Coudes en charge d’animer ces rencontres, Michel Potoudis, n’a d’ailleurs pas manqué de souligner le caractère paradoxal de l’actualité politique. « On honore un étranger qui est mort pour la France et dans le même temps on restreint les droits des sans-papiers ! », s’offusque-t-il. 

Transmettre à la jeunesse 

Selon Michel Potoudis, l’intervention de l’historien Jean-Marie Guillon constitue « le noyau intellectuel de la demi-journée ». L’enseignant à Aix-Marseille Université parlera du rôle des étrangers dans la Résistance à partir de 15h45. Plus tôt, à 14 h, l’archiviste au musée de la Résistance nationale Xavier Aumage projettera des archives du groupe Manouchian. Ces horaires ne conviennent pas à tous les publics, mais il s’agit d’un choix délibéré de la programmation qui a décidé de se tourner vers les jeunes. « Il y aura une centaine d’élèves qui viennent du lycée Victor Hugo, Simone Veil et Marie Curie », indique Michel Potoudis. Une démarche salutaire dans le contexte actuel de montée de l’extrême droite. 

RENAUD GUISSANI 

Les étrangers dans la résistance
7 février
Bibliothèque de l’Alcazar, Marseille

Entre ici, Manouchian, pour l’honneur de la France 

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Le 19 décembre 1964 André Malraux, Ministre de la Culture, prononçait, pour accueillir au Panthéon les cendres du héros de la Résistance un discours historique d’une voix vibrante : « Entre ici Jean Moulin … ». De Gaulle, Pompidou et VGE laissaient l’écrivain faire son oraison, accompagnée par des roulements de tambours discrets, retransmise en direct par l’ORTF devant 5 millions de Français possédant une télévision.

Le 21 février 2024. Il aura fallu près de 60 ans pour que Missak Manouchian, le chef des Partisans Main d’Oeuvre Immigrée, le FTP MOI, entre dans le bâtiment national qui porte au fronton, depuis l’invention de la République (avec quelques trous pendant les périodes de restaurations monarchiques) la devise « Aux Grands Hommes la Patrie reconnaissante ». 

Soixante ans de plus, pour que l’on dise enfin la reconnaissance de la Nation à cet Arménien qui, orphelin, avait fui le génocide turc, et s’était engagé dès les premières heures contre l’Occupation nazie. Soixante ans de plus, alors que la Résistance employait massivement pour sa guérilla urbaine les unités de Francs Tireurs et Partisans étrangers, communistes, que les Nazis qualifiaient de terroristes et de métèques. 

Nos frères (et soeur) pourtant

Ils étaient très majoritairement juifs, d’Europe de l’Est, « Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant »  écrira Aragon, chantera Ferré. Notre soeur aussi, puisqu’Olga Bancic était parmi eux, juive roumaine du Groupe Manouchian torturée et exécutée par les Nazis, par pendaison quant à elle, parce qu’elle ne valait pas une balle.

Les « Vingt et trois » immigrés, qui « criaient La France en s’abattant » n’auraient-ils pas dû entrer ensemble au Panthéon d’une France enfin reconnaissante des Grands Hommes (et Femme) étranger.e.s qui l’ont défendue ? Un seul suffirait, « parce qu’à prononcer leurs noms sont difficiles » ? Manouchian est le symbole de tous, mais 23 places n’auraient pas été de trop au Panthéon. 

Qui enjoindra, comme Malraux l’a fait pour Jean Moulin, à penser à tous ces hommes (et femme) qui étaient « le visage de la France  » ? Qui honorera leurs portraits « hirsutes, menaçants » placardés par les Nazis comme autant d’affiches rouges transformant ces « libérateurs » en « armée du crime » ?  Qui fera aujourd’hui leur oraison ?

La mémoire et les actes

Rachida Dati, qui 60 ans après occupe le poste d’André Malraux, n’est sans doute pas prévue dans ce rôle, et c’est le Président d’une République qui, après avoir tenté de promulguer une loi illégale sur les étrangers, honorera Manouchian et sa femme. Parlera-t-il des autres M.O.I., du rôle du P.C.F. dans la Résistance, des 60 ans écoulés entre la panthéonisation de Jean Moulin le Gaulliste et de Missak Manouchian le Communiste ? 

Ce serait peu dans sa  logique. Les cérémonies mémorielles rendent hommage, mais elles ne sauront camoufler le gouffre immense entre une Ministre et l’autre. Elles ne sauront excuser l’attitude d’une France qui veut se débarrasser de ses étrangers en oubliant qu’ils l’ont défendue et construite. Qu’arriverait-il aujourd’hui à Marie Curie la Polonaise, Milan Kundera le Tchèque, Andrée Chedid l’Egyptienne? Comment un étranger apatride arrivé du Liban clandestinement serait-il aujourd’hui accueilli dans notre pays ? Calculerait-on son âge osseux et mesurerait-on son poignet pour attester que Missak Manouchian, dix-huit ans quand il a débarqué à Marseille, n’était pas mineur et devait être renvoyé vers sa Turquie natale, qui avait tué son père ? 

AGNES FRESCHEL

Bourdieu au prisme du neuvième art

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De gauche à droite. Manon Cheminat, Pascal Génot, Tiphaine Rivière, Michel Potoudis et Charles Bosvieux-Onyekwelu

Située tout en haut de la Canebière, la librairie Maupetit propose régulièrement des rencontres dans son enceinte

Le 20 janvier à la librairie Maupetit à Marseille, il était question de « Pierre Bourdieu en BD ». Autour de la table Tiphaine Rivière autrice de la BD La Distinction, librement inspirée du livre de Pierre Bourdieu, Pascal Génot auteur de Bourdieu, une enquête algérienne, Manon Cheminat professeure de SES et le sociologue Charles Bosvieux-Onyekwelu. Michel Potoudis, coordinateur local de l’association Coudes à Coudes qui organise la rencontre, s’occupe de la modération. « Notre but est de partager les savoirs critiques et de donner les outils pour sortir de la domination », explique-t-il en introduction. Rien que ça !

Faire émerger les représentations
« J’ai fait lire l’adaptation de Tiphaine Rivière à mes élèves de seconde. C’est à la fois un outil et un support pour faire émerger les représentations. La BD est une voie d’entrée beaucoup plus efficace car elle est incarnée », explique Manon Cheminat dans sa première prise de parole. L’autrice Tiphaine Rivière a dû faire un choix face à la complexité des idées brassées dans La Distinction. Elle a ainsi volontairement grossi le trait des personnages qu’elle met en scène, au risque de frôler la caricature. « En même temps, ça nous arrive souvent de rencontrer des gens et de se dire qu’ils sont caricaturaux », ironise-t-elle.

Pour le sociologue du CNRS Charles Bosvieux-Onyekwelu, les adaptations artistiques de la pensée bourdieusienne sont nécessaires pour la faire connaître. Il salue la dimension didactique du roman graphique de Tiphaine Rivière et souligne la profondeur de celui de Pascal Génot. Ce récit à double hélices alterne entre des moments où l’on suit le personnage principal qui s’aventure sur les pas de Bourdieu en Algérie, et des passages de reconstructions historiques où l’on voit l’enfance du sociologue et son ascension sociale.  

RENAUD GUISSANI

La rencontre « Pierre Bourdieu en BD » s’est tenue le 20 janvier à la librairie Maupetit, Marseille.

[SPÉCIAL SAISON] : L’Alpilium donne à voir

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La petite ville de Saint-Rémy-de-Provence, avec ses deux musées de France, so site archéologique, son cinéma et son théâtre municipal, a tout d’une grande ville culturelle. L’Alpilium laisse l’embarras du choix dans sa programmation 2024. Inauguré en 2013, il sort aujourd’hui de ses murs, comme pour Ranger (le  10 février), à l’occasion de la venue de Jacques Weber au théâtre d’Arles, affrétant un bus ; ou programme au lycée professionnel agricole des Alpilles le spectacle Seuil (le 18 avril à 14h30 et 20h). Une pièce de la compagnie Grande Marée qui sensibilise au harcèlement et interroge la virilité. Et où le public va deviner ce qui se trame, à la manière d’un roman policier. 

L’éclectisme dit « Bingo ! » 

Il y a de la danse avec le chorégraphe Sébastien Ly qui présente Sidéral (le 28 février). Ce ballet suspendu dans les airs et accompagné de musique invite au lâcher-prise, à la contemplation et à l’introspection. 

Du théâtre avec L’Occupation jouée par Anne Consigny (le 22 mars), adaptation du roman d’ Annie Ernaux qui met en scène la jalousie obsessionnelle d’une quadragénaire envers son ex-compagnon. 
Place au cirque avec A simple space, un spectacle de la compagnie australienne Gravity and other myths(le 13 avril). Au cours de cette représentation les acrobates vont repousser leurs limites sous les yeux d’une assistance qui pourra choisir de se tenir à proximité des athlètes.
La musique de chambre a aussi sa date, avec le concert de Vincent Mussat et Joë Christophe (le 18 mai). Ce duo clarinette-piano est respectivement nommé dans la catégorie « révélation, soliste instrumental » des Victoires de la musique classique 2023, ainsi que dans la catégorie « révélation classique » de l’Adami 2019. 
Enfin, l’humour tire aussi son épingle du jeu avec Bingo ! en la présence d’Igor Bouin, Martial Pauliat et Yann Rolland (le 16 mars). Les trois chanteurs y organisent un véritable loto déjanté, où certains auront la chance de remporter un prix…

RENAUD GUISSANI

Alpilium
Saint-Rémy-de-Provence
04 90 92 70 37
mairie-saintremydeprovence.com

D’une candeur bestiale

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Ludor Citrik ©Philippe Laurençon

Le premier opus de Grrrrrrr !, dernière création de La Factory,  s’est ouvert à Avignon et se poursuit jusqu’au 11 février

La première édition du festival de férocité Grrrrrrr ! rugit depuis le 25 janvier au Théâtre de l’Oulle à Avignon. Derrière ces journées qui mettent le personnage du clown en avant, il y a la volonté de critiquer la société, sans se prendre au sérieux. A cet égard, le directeur de La Factory Laurent Rochut rappelle les mots de Montesquieu : « La gravité fait le bonheur des imbéciles ». Il faut entendre par là que la naïveté et l’humour seraient plus efficaces que des discours politiques pour révéler les absurdités du monde. « Je m’inscris dans une filière qui va des dessinateurs de presse comme ceux de Charlie Hebdo, à des chanteurs comme Didier Super », indique Laurent Rochut. La programmation du festival s’est donc dotée de grands clowns tels Ludor Citrik et Fred Blin, qui représentent tous cette innocence féroce que la fabrique d’art vivant a en grande estime. Pour la suite des festivités, Grrrrrrr ! joue à nous faire peur avec le clown Typhus Bronx et son show caustique et déjanté qui promet de nous « faire flipper [notre] race » (le 3 février). Le stage de recherche initialement prévu avec le clown Gilles Defacque, a dû changer de nature puisque le comédien a malheureusement subi une opération chirurgicale. C’est Ludor Citrik qui le remplace, pour un séminaire qui laisse certes moins de place à l’introspection, mais au profit d’une extraversion bienvenue (du 2 au 4 février).

Catharsis carnavalesque
Ce festival s’inscrit aussi dans la tradition du Roi Carnaval. Selon cette coutume qui remonterait au Moyen-Âge, un habitant lambda devient le roi le temps de la fête lors de laquelle les rôles sociaux s’inversent. « On veut retrouver cet esprit de Catharsis qui est au cœur du carnaval, où on brûle tout, y compris les maux de la société, symboliquement », explique Laurent Rochut. Mais dans tout ça, où sont les femmes ? Leur absence totale de la programmation est pour le moins intrigante, si ce n’est dérangeante. L’équipe programmative justifie cette carence de deux manières. Tout d’abord car la première édition du festival s’est basée autour du trio Ludor, Fred et Typhus et leurs solos respectifs. Et ensuite car il n’y aurait eu que des hommes disponibles avec un projet mobilisable à trois mois de l’événement. Cependant, Laurent Rochut l’affirme, la prochaine édition de Grrrrrrr ! ne conviera que des artistes femmes. D’ici là, il faut se tourner vers GIRL, GIRL, GIRL, festival de la nouvelle scène féminine prévu pour mi-avril et sous le marrainage de l’artiste Emma Daumas.

RENAUD GUISSANI

Du 25 janvier au 11 février
Théâtre de l’Oulle, Avignon

Fest’hiver programme du neuf 

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Pendant ce temps, à Montreal © Philippe Hanula

Les Scènes d’Avignon offrent une ou deux soirées chacune à de jeunes compagnies régionales. Parfois.

Le Fest’hiver a été fondé il y a bientôt quinze ans par les théâtres dits historiques (théâtres des Carmes, des  Halles, du Chêne noir, du Chien qui fume, du Balcon), qui se sont autoproclamés depuis 2003 Scènes d’Avignon. L’événement affiche pour vocation première la découverte de jeunes compagnies issues de la région Sud, et la plupart du temps avignonnaises. Cependant, au fil des éditions, les critères d’émergence et de proximité se sont quelque peu réduits. La preuve en est, cette année, la programmation de Black Boy, par le Théâtre du Mantois, implanté depuis les années 70 dans les Yvelines.

Nouveau-né, nouveaux adoubés
La jeunesse reste pourtant au rendez-vous au Chien qui fume, où Hugo Valat, signe et met en scène Pendant ce temps, à Montréal. Victimes d’un accident, Nina et son frère Sam se perdent dans une forêt. Les rescapés croisent des « autochtones » : elfes, faunes, chasseresses.., ou des « étrangers », venus camoufler leurs inclinations intimes sous la frondaison. Dense, débordante comme un premier texte, la partition conjugue, farce et déclamation, errance mentale et illusion comique. La compagnie s’appelle Bromios, Au bruyant cortège, en  grec ancien, de Bromios, terme choisi par la troupe pour servir des formes d’aujourd’hui sans délaisser les épistoliers d’hier.
Adoubée, il y a deux ans, dans le cénacle des Scènes d’Avignon, Laetitia Mazzoléni confie son Théâtre Transversal à la Cie vauclusienne Divine Quincaillerie. Rompus aux arts de la rue, Vanessa Clément et Thierry Hett, s’aventurent à l’intérieur d’une boîte noire. Dans un espace entre décharge et vide grenier, deux bricoleurs-sampleurs bidouillent des mécanismes à partir de rebus recyclés. « Le mieux est l’ennemi du bien », tel pourrait être le codicille de L’Effet Goldberg, installation engagée et joueuse, sur les notions d’accumulation et de récupération.

Néo-arrivants
Aux nouveaux-nés s’ajoutent des nouveaux-venus. Raouf Raïs ayant transféré dans la Cité des Papes, sa compagnie Sortie 23. Présentées lors du Off 2019, Les FrustréEs ont repassé une soirée au Théâtre des Halles. Adaptation de la série humoristique publiée par Claire Bretécher (1940-2020), la proposition féminise son titre et puise son intérêt dans les extraits d’interviews données par la seule femme de l’âge d’or de la BD française des années 70.
« Les gens de droite suivent une voie toute tracée, les gens de gauche ont des itinéraires beaucoup plus sinueux. »La dessinatrice, qui ne souriait  jamais, expliquait ainsi son attention amusée pour la bourgeoisie post soixante-huitarde, qu’elle disséquait e au fil des planches. Appréhender les femmes, le féminisme et le patriarcat,en retrouvant cette ironie caustique, relève, par les temps qui courent, d’une démarche ravigorante.

MICHEL FLANDRIN

 Ces représentations se sont données dans le cadre du Fest’hiver qui se poursuit jusqu’au 2 février à Avignon

Anatomie du bien parler

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Valérie Paüs © Serge Gutwirth

Écrit et interprété par Valérie Paüs, Crache !  tisse un dialogue dialogue intérieur où des bourrasques créoles bousculent le bon français.

Une jeune comédienne quitte la métropole pour rejoindre la Réunion de son enfance. A la fois quête d’un langage originel et chronique d’une passion pour les grands textes, Crache ! tient de la confession, enrobée dans un crescendo oratoire, au fil duquel s’agrègent désarrois intimes et appétit de la déclamation.

Zébuline : Peut-on définir Crache comme un spectacle à la première personne ?
Valérie Paüs : Absolument, j’ai grandi à la Réunion, j’y ai effectué mes études, dont un doctorat de littérature et une classe-théâtre. Puis j’ai décidé de poursuivre ma formation d’actrice à Avignon. Je suis venue au théâtre par la langue française académique, les grands auteurs, avec une passion particulière pour Racine. Mais, peu à peu, je me suis focalisée sur la littérature réunionnaise et les récits créolophones. C’est ce va-et-vient passionné entre deux langues et ma difficulté à parler le créole d’une façon libérée, que je tente d’exorciser dans le spectacle.

Dans Crache ! l’on découvre l’autrice.
En bonne étudiante littéraire, j’étais persuadée d’être incapable d’écrire quoi que ce soit. Puis je me suis dit qu’il fallait en finir avec cet a priori. Lors d’un stage d’écriture animé par Ricardo Montserrat, j’ai ébauché un texte sur l’écriture réunionnaise, que j’ai développé durant le confinement.

Crache ! se déroule durant un voyage en avion.
C’est le cadre fictionnel. D’Avignon, je retourne à La Réunion. Dans les airs, les souvenirs ressurgissent, de même que mes empêchements vis à vis du créole. Je suis entourée de plaques réfléchissantes qui déforment les reflets donc l’identité. Les masques, chaussures vont dans le même sens. Les plantes en pot symbolisent l’exotisme à bon marché.

Le récit a un côté Jekyll et Hyde, sans la fantasmagorie…
Il y a de ça. Le rapport au français m’a un peu policée. Le désir de bien parler, sans accent, a gommé ma part créole, plus terrienne et viscérale. J’essaie de  montrer un corps qui se libère par les mots et le théâtre. C’est un texte que je joue et qui parle de moi. On peut parler de catharsis.

A quel moment est venu l’idée de porter vous-même le texte au plateau ?
Elle a émergé durant l’écriture, jusqu’à devenir une nécessité autour de mes questionnements mais aussi mon plaisir à dire le français, le créole et à manier la langue, l’organe, d’où le sous-titre, Physiologie d’une langue encombrée.

Entretien réalisé par Michel Flandrin

Crache ! physiologie d’une langue encombrée
Texte, mise en scène et jeu Valérie Paüs

Le 2 février à L’Entrepôt, Avignon
Le 10 février à L’Astrolabe, Sorgues
Les 6 et 7 avril au Théâtre des Sabliers, Orange

Les Variétés : temple de la lose ?

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The Big Lebowski © DR

Du 31 janvier au 4 février, la troisième édition du festival Total Recall convoque au cinéma Les Variétés de Marseille les losers magnifiques

En prenant pour nom le titre du film de Verhoeven, le festival Total Recall nous invite à retrouver notre mémoire de cinéphile, le plaisir éprouvé aux premières fois et pour les plus chanceux à le découvrir. Après le Body Horror et la rétrospective Cronenberg en 2023, place cette année, à la comédie et aux losers sublimes ! Des anti-héros fragiles, décalés, ridicules, attendrissants. Ils sont tous là, dessinés sur l’affiche cartoonesque de la manifestation qui se déroulera au cinéma Les Variétés du 31 janvier au 4 février.

En ouverture, le mercredi 31 janvier à 20 heures, introduit par Denis Alcaniz, The Big Lebowski de Ethan et Joel Coen avec Jeff Bridges en peignoir et savates, mythique Dude victime d’un malentendu sur sa propre identité. Trois autres films, programmés les 2 et 3 février, complèteront cette mini-rétrospective de l’œuvre des deux frères : O’Brother (Homère à la sauce américaine avec Georges Clooney en bagnard gominé), Burn after reading (caustique critique des travers de la société américaine) et, présenté dans le cadre d’une soirée Mauvais Genres par Guy Astic, Fargo (polar glacé irrésistible à l’humour très noir où on ne se lasse pas de l’inénarrable Frances McDormand)

Sssplendide

Par ailleurs, deux invitées animeront les soirées du 1er et du 2 février. D’abord Nine Antico qui parlera de la figure de la « loseuse », après la projection de son premier long métrage en 2021 : Playlist (avec Sara Forestier et Lætitia Dosch), suivie de sa « carte blanche » : Ghost World de Terry Zwigoff. Puis, le lendemain, Flore Maquin, qui nous dira tout sur son métier de graphiste pour le cinéma, avant de revoir Jim Carrey et Cameron Diaz dans The Mask de Chuck Russel.

Le dimanche 4 février, la journée de clôture commence à 14 heures par les anti-héros, ados boutonneux, un peu bêtes, moustaches naissantes et hormones en ébullition, imaginés par Riad Sattouf dans Les Beaux Gosses. Dans la foulée, Adrien Dénouette donnera une conférence sur la figure du loser dans le cinéma américain, suivie du film de Mary à tout prix de Peter et Bobby Farrely. Puisque les temps sont anxiogènes et que le monde ne tourne pas bien rond, allons au cinéma pour prendre un peu de recul et en rire… même jaune.

ÉLISE PADOVANI

Total Recall
Du 31 janvier au 4 février
festival-recall.fr

De l’amour et pas un téléphone !

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EP à la clé, spectateurs en salle et sur écrans (la chaîne du Petit Duc permet une multiplication exponentielle du public), la soirée programmée par l’irrésistible duo Myriam Daups et Gérard Dahan affichait complet. Il est vrai que l’annonce de la venue de Cathy Heiting, une fidèle du lieu, est toujours attendue, tant cette artiste inclassable a su séduire par sa verve et la qualité irréprochable de son travail. Avec sa voix qui arpente sans effort apparent les trois octaves, la chanteuse se meut avec autant d’aisance dans le jazz, le funk, le lyrique (on a toujours un souvenir ému de Bizet était une femme où virtuosité vocale et instrumentale subjuguaient jusqu’aux zygomatiques mis à rude épreuve !), et explore tous les genres, accorde sa lecture de standards de la pop (sa reprise de « 1/2/3drink »  (Chandelier de Sia) a fait date), écrit, crée, sait réunir autour d’elle la fine fleur des musiciens et créer avec et entre eux une complicité sensible. 

Pour l’occasion elle réunit Sylvain Terminiello (double bass), Samuel Bobin (batterie), Renaud Matchoulian (guitare électrique), Ugo Lemarchand (piano et saxophone ténor). Chacun apporte sa contribution aux arrangements, aux compositions rêvées à deux ou trois. L’écoute de l’autre, la liberté laissée à l’improvisation, la sûreté des ensembles qui jouent sur les textures, les harmonies, les contre-chants, les variations, offrent une palette pailletée profondément ancrée dans l’inspiration jazzique. Les solos ne cherchent pas à éblouir par leur virtuosité technique, elle semble si naturelle, mais travaillent les couleurs, abordent l’intime avec une sobre élégance. 

Le thème de la nouvelle création tient de la gageure tant l’époque est troublée : articuler tout un répertoire sur le thème de l’amour peut aussi prendre des allures révolutionnaires alors que le monde se déchire ! Cet amour est inconditionnel, réunit certes les amoureux, mais aussi les familles, les êtres, le monde. « Nous allons évoquer l’amour sous toutes ses formes, explique en introduction l’espiègle musicienne, carré, rond, rectangulaire… ». On commence par des roses, celles qui évoquent les personnes empathiques, The rose, puis on remonte une histoire d’amour depuis sa fin jusqu’à ses débuts en trois chansons, un texte est dédié à France, la sœur disparue l’an dernier de la chanteuse, deux morceaux sont consacrés à ses deux fils, un passage « quizz » reprend My Funny Valentine ce qui donne l’occasion d’un magnifique duo contrebasse, voix… On passe par tous les registres avec fluidité. On se laisse porter par les mélodies, happer par les rythmes, surprendre par les enchaînements. Le morceau de rappel est le seul en français, sur un poème de Samuel Bobin, sublime… 

Cathy Heiting choisit ici un retour à l’épure, à un jazz lumineux qui nous touche. Et c’est très beau.

MARYVONNE COLOMBANI

26 janvier, Petit Duc, Aix-en-Provence

EP Unconditional