lundi 10 novembre 2025
No menu items!
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Plus d'infos cliquez ci-dessousspot_img
Accueil Blog Page 207

Un 20 000 lieues sous les mers sans fosse note 

0
20000 Lieues sous les mers © Fabrice Robin

Et soudain le noir. Celui des abysses et de l’inconnu. Ainsi s’ouvre l’adaptation du roman de Jules Verne, 20 000 lieues sous les mers donnée ce 16 mars au Liberté à Toulon. Nous voici dans le Nautilus, ce sous-marin construit par le capitaine Nemo pour fuir la terre ferme, et les hommes qui l’occupent. Il recueille à son bord le professeur Aronnax, son domestique Conseil et Ned Land, un harponneur chasseur de baleine. Tous trois étaient à bord de l’Abraham Lincoln, navire amiral de la flotte américaine pour chasser un monstre marin. Mais c’est sur le sous-marin qu’ils tombent, et dans lequel ils se retrouvent coincés, à tout jamais peut-être.

Super-marionnettes 

De scènes en scènes, nous suivons la vie des trois captifs, du capitaine et de sa servante interprétée par l’excellente Pauline Tricot, seule femme au casting. Et s’il ne se passe pas grand-chose ici bas, on est bien dans ce salon cosy du fond des mers, et l’on partirait volontiers pour un tour du monde en leur compagnie. Il faut dire que les décors, sublimes, laissent un goût de sel, de rouille, et d’aventure dans la bouche. 

Puis viennent les ballets de marionnettes. Le moment plus vibrant du spectacle. D’abord depuis le hublot, et le passage impromptu de quelques poissons à la chorégraphie aussi maîtrisée que drôle. Elle devient ensuite poétique, quand le professeur et le capitaine s’essaient à la plongée, et que le marionnettiste mime jusqu’à la pesanteur des objets lancés sous l’eau. Spectacle saisissant signé Valérie Lesort, qui a valu à la pièce le Molière de la création visuelle en 2016. 

Il a fallu de l’audace pour présenter sur scène l’œuvre de Jules Verne, et l’on est admiratif du rendu : tout est fluide, et la magie opère toujours. Peut-être que l’on pourrait regretter le manque de profondeur de la pièce… qui reste sagement dans son XIXe siècle originel, loin des préoccupations contemporaines. Mais il faut prendre ce 20 000 lieues sous les mers pour ce qu’il est : du grand et beau spectacle, dont on rechigne à refaire surface.     

NICOLAS SANTUCCI 

20 000 lieues sous les mers était donné les 15 et 16 mars au Liberté, scène nationale de Toulon

Nicolas Philibert : des soins de toute beauté 

0
Averroes et Rosa Parks © LES FILMS DU LOSANGE

Ours d’or avec Sur l’Adamant en 2023, Nicolas Philibert revient à la Berlinale avec son nouveau film, Averroès et Rosa Parks. Le second volet de son triptyque sur la psychiatrie, qu’il nomme lui-même le contrechamp du premier, où il filmait un centre de jour installé sur une péniche dans le centre de Paris : « Il ne fallait pas que le bateau soit considéré comme un lieu isolé. C’est un peu comme si, après avoir filmé ce qui est sur le devant de la scène, je montrais cette fois les coulisses, les soubassements. » 

Il nous emmène pendant plus de deux heures à l’hôpital Esquirol, dans deux pavillons de Paris centre, Averroès au rez-de-chaussée et Rosa Parks à l’étage. Il nous permet de rencontrer une douzaine de patients, des personnes différentes des gens dits normaux ainsi que leurs  soignants. Des rencontres qui peuvent nous surprendre, nous questionner, nous dérouter, nous ouvrir les yeux. Des gens qui n’ont pas de filtres face à la violence du monde, ce qui les fait dérailler. Tel Noé, un professeur très cultivé qui parle près d’une douzaine de langues, qui a eu son premier « pétage de plombs » à 28 ans, en plein burn-out.  

Une image soignée

La caméra bienveillante dePhilibert filme les entretiens individuels où se dévoilent les fragilités, les obsessions, le passé qui a conduit ces hommes et ces femmes à franchir la frontière de la « normalité ». Les soignants ont aussi toute leur place : ils écoutent, questionnent, rassurent, font émerger la parole. « Filmer la parole c’est filmer des visages, des regards, des mimiques, des gestes, des silences, des rires, des hésitations, des raccourcis, des associations, des extrapolations, des manières d’occuper l’espace et d’en ouvrir de nouveaux », explique Nicolas Philibert. Un film sur l’écoute, la nôtre aussi, celle de spectateur enfermé dans la salle de cinéma, plongé dans un univers « un peu flippant, comme un pénitencier » qui peut refléter nos peurs de la solitude, de la maladie ou de la mort, qui nous renvoient à nos propres vulnérabilités. 

En 1996, Nicolas Philibert avait tourné La Moindre des choses sur la clinique psychiatrique de La Borde, nichée dans les environs de Blois : il y filmait patients et soignants qui préparaient la traditionnelle pièce de théâtre du 15 août. Il vient de finir son quatrième film sur la psychiatrie : La machine à écrire et autres sources de tracas où il a accompagné des soignants bricoleurs au domicile de quelques patients, troisième volet du triptyque. Car comme l’explique le réalisateur, « la psychiatrie est une loupe, un miroir grossissant qui en dit beaucoup à la fois sur l’âme humaine et sur l’état d’une société. »

ANNIE GAVA

Averroès et Rosa Parks, de Nicolas Philibert
En salles le 13 mars 

Aimer, coudre et fricoter 

0
Laissez-moi © EUROZOOM

Découvert à Cannes l’an dernier (en ouverture de l’Acid 2023), le premier long métrage de Maxime Rappaz, Laissez-moi, se déroule dans le Valais natal du réalisateur. Le paysage épuré, presqu’abstrait, largement symbolique, structure le film autant que Jeanne Balibar, de tous les plans dans le rôle phare, lui donne chair et sensibilité.

Il y a la montagne, la beauté du Val d’Hérens. Un village de vallée. Un hôtel d’altitude perché à 2500 mètres, grand parallélépipède austère gris bleu, près du prodigieux barrage de la Grande Dixence. Des millions de tonnes de béton. Pas plus lourd que ce qui pèse sur  Claudine (Jeanne Balibar). Des millions de mètres cubes d’eau. Tout aussi retenus que ses désirs. En bas, la base. En haut, l’échappatoire, le possible d’un jour, l’impossible d’une vie.

Claudine, la cinquantaine élégante, est couturière à domicile. Elle s’occupe seule de son fils déjà « grand » comme elle dit, handicapé psychomoteur privé d’autonomie (Pierre-Antoine Dubey). Tous les mardis, elle le confie à sa voisine, revêt sa robe blanche, son trench, peint ses lèvres de rouge, chausse ses bottines, et prend le bus pour l’hôtel du barrage. Avec la complicité d’un employé, elle choisit au restaurant des hommes de passage, seuls, se fait raconter les villes d’où ils viennent, couche avec eux sans demander d’argent, et redescend. Avant de rentrer, elle poste une lettre bleue pour son fils, qu’elle signe papa. Elle la lui lira plus tard, reprenant les mots de ses amants d’une fois, inventant un père voyageur qui décrirait les villes où il passe. 

Le sens du détail

Le réalisateur nous installe dans cette routine et dans les rôles multiples de Claudine. Mère dévouée, exemplaire, sacrificielle. Travailleuse modeste, sérieuse dans l’intimité de son atelier, à l’écoute de ses clientes : la très vieille femme qui renonce à se faire belle ou la jeune fille qui confie à Claudine la confection de sa robe de mariée. Claudine encore, lunettes noires, séductrice mystérieuse puis amante sensuelle. Une femme à mi-chemin de l’existence qui semble maîtriser sa double vie jusqu’au jour où elle rencontre Michael (Thomas Sarbacher) un ingénieur en mission qui pourrait ouvrir la cage où elle s’est elle-même enfermée. Car construire sa propre prison, ce n’est pas être libre. 

Maxime Rappaz qui vient de la mode a le sens du détail, du motif, du style. Il nous offre ici un film délicat. Mélancolique comme un voyage immobile. Du cousu main pour la grande Jeanne dont le verbe rare, le phrasé un peu traînant, la voix douce et vibrante laissent brûler un feu dévorant sous la placidité du lac.

ÉLISE PADOVANI

Laissez-moi, de Maxime Rappaz
En salles le 20 mars

La sculpture dans tous ses états 

0
Photo de l’installation JEAN(S) 1-74 © M.V

Sous ce titre énigmatique Cendrer ses sculptures, l’artiste trentenaire, qui vit et travaille entre Paris, Marseille et Mexico, expose des œuvres réalisées entre 2014 et 2024. Dans les deux premiers espaces de Vidéochroniques, ce sont des sculptures constituées d’objets et de matériaux de récup à prédominance métallique, qui ont des allures d’assemblages, de jeux d’équilibre rêveurs, à la fois minimalistes et fantaisistes. Des bouts de cadres, étagères, supports, plaque découpée, barre, tige, grilles de rayonnages, associées à des rouleaux de revêtements décoratifs, bande de protection pour le cou, sac plastique, hublot, soucoupe en métal, tissu. Et même une branche d’arbre, servant de jambe de bois à une étagère esseulée. Trois ou quatre éléments associés, des sortes de calligraphies brèves et précaires, en trois dimensions.

Traduction des formes

Pas de cartels sur les murs, mais un livret de visite avec le plan de l’exposition, où l’on apprend que cette série de sculptures est regroupée par l’artiste sous le terme de « Misensemble ». Le texte d’Edouard Monnet, directeur de Vidéochroniques, donne plus d’informations sur la démarche artistique de Victoire Barbot : ses recherches portent sur différents états possibles d’une même sculpture. Elle a mis en place un protocole de création, qui part de la collecte et de l’assemblage, qu’elle fait suivre du dessin de cet assemblage, puis de sa version démontée et rangée, puis de la boite de rangement, de la mise en plan de la boîte, et finalement d’une mise en ligne « obtenue par l’addition des périmètres de chaque polygône figurant sur le plan ». Sept états différents pour une même sculpture, la mise en exposition de l’un des états excluant la mise en exposition des autres.

Adaptations de portes

Changement d’échelle avec les œuvres monumentales présentées dans les trois autres salles de Vidéochroniques : deux œuvres murales, chacune dans une salle, l’une en plaques de métal dorées embossées (5m de haut, 3m de large), l’autre un bas-relief en brique de mousses gravées (6m de haut, 4m de large). La première, Sans titre pour Paradis fait référence à La Porte du Paradis de Lorenzo Ghiberti, face à la cathédrale Santa Maria del Fiore à Florence, l’une des œuvres magistrales de la Renaissance. La seconde, Touchée, coulée, en briques de mousse gravées, est une adaptation de La Porte de l’Enfer de Rodin, d’où furent extraites pendant plus de 30 ans ses plus fameuses sculptures individuelles, dont le célèbre Penseur. Enfin l’installation, titrée JEAN(S) 1-74, est une sorte de jardin fragile, occupant tout l’espace, dans lequel on se déplace comme dans un magasin de porcelaine. Une démultiplication des mêmes matériaux, en l’occurrence : des tubes en cuivre, accueillant des épis de blé, dans les tiges desquels sont prises des cartes à jouer.

MARC VOIRY

Cendrer ses sculptures – Victoire Barbot
Jusqu’au 4 mai
Vidéochroniques, Marseille

Le commerce, lien pragmatique avec l’Algérie

0

La participation de plus de 150 entreprises françaises et algériennes au Palais de la Bourse de Marseille illustre l’enjeu d’un marché stratégique. Quatrième puissance économique d’Afrique selon le dernier rapport du FMI, l’Algérie poursuit son développement. Son PIB, indicateur économique de production de richesse du pays, équivaut à 224,11 milliards de dollars pour 2023.

Ces rencontres ont mobilisé de nombreux membres de la diaspora algérienne de Marseille, et se sont tenues en présence de Stéphane Romatet, nouvel ambassadeur de France en Algérie, et du consul d’Algérie à Marseille, Imed Selatnia. Elles constituent une opportunité pour le renforcement des relations économiques, malgré des relations diplomatiques complexes sur d’autres dossiers : immigration, Sahara Occidental, rapport Stora relatif aux questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie. 

Les deux pays ont cependant toujours maintenu des échanges économiques et commerciaux importants et la France reste le deuxième partenaire économique de l’Algérie après la Chine. Mais suite à la « Déclaration d’Alger pour un Partenariat renouvelé »en août 2022, les échanges entre les deux pays ont connu une croissance régulière pour atteindre 11,8 milliards d’euros en 2023, soit une augmentation de 5,3 % par rapport à 2022. Les entreprises françaises sont présentes en nombre en Algérie, avec un intérêt accru pour un marché en croissance, avec des avantages significatifs. Une main d’œuvre de qualité et bon marché, une proximité géographique avec l’Europe, des infrastructures portuaires et aéroportuaires importantes, un bon réseau autoroutier et un prix de l’énergie défiant toute concurrence. 

Repatriation ? 

Ces rencontres ont pour objectif d’accompagner les entreprises françaises, notamment celles de la Région Sud, dans leurs projets d’investissement en Algérie. On peut citer, à titre d’exemple, le potentiel de développement pour le Grand Port Maritime de Marseille et le Marché d’Intérêt National (MIN) des Arnavaux dans le domaine de l’agroalimentaire. Didier Ostré, nouveau directeur du MIN, s’est montré disposé à accompagner les entreprises, des deux côtés de la Méditerranée, à la mise sur le marché français des produits agricoles algériens. Les enjeux euro-méditerranéens de décarbonation de l’économie et de transition énergétique et numérique ont également été évoqués. 

Il est à souligner la présence nombreuse des membres de la diaspora algérienne de Marseille. S’appuyant sur les récentes mesures incitatives en faveur de la création du statut d’auto-entrepreneur, beaucoup de binationaux y voient l’occasion de participer au développement économique de leur pays d’origine. Cette dynamique donnera-t-elle l’occasion d’assister au renouvellement des échanges entre les deux rives, ou à une forme de repatriation, cette migration de retour actuellement en hausse, même si elle reste très marginale ? L’avenir le dira.  

SAMIA CHABANI

DIASPORIK : Contrôler les corps et les âmes

0
Isabelle Merle © S.C

Autrefois appelée Nouvelles-Hébrides, le Vanuatu est un État insulaire situé dans le sud-ouest de l’océan Pacifique. Cet archipel d’environ 80 îles devient indépendant que le 30 juillet 1980 tandis que la Nouvelle Calédonie, après trois référendums, reste à ce jour au sein de la République Française. L’exposition, qui revient sur les conditions de vie en colonie dans le Pacifique francophone, offre l’opportunité d’une immersion dans la période coloniale à travers 110 photographies prises entre 1880 et 1950, mettant en scène la vie quotidienne des acteurs en présence, des populations autochtones aux colons, en passant par les condamnés au bagne libérés et les travailleurs engagés et importés. 

Divisions durables

Comme le rappelle l’historienne Isabelle Merle, à l’initiative de l’exposition avec l’anthropologue Marie Durand, « la colonisation, ça commence par la guerre et cela génère des divisions durables » ! Comme partout dans l’Empire, la période de pacification occasionne la création de corps supplétifs qui participent à la colonisation, après avoir eux-mêmes été réprimés. L’empire autorise l’éloignement de résistants vers d’autres territoires sous domination, comme on peut le constater sur l’une des photos où l’on peut voir des mokranis, résistants kabyles, bannis en Nouvelle Calédonie. 

Ces « algériens du Pacifique » sont issus de l’aristocratie guerrière. La révolte des Mokranis de 1871 est mentionnée sur le monument des Mobiles à Marseille. Elle illustre les sanctions attribuées aux insurgés ayant participé à la résistance contre la colonisation. Séquestration de biens et terres des tribus, bannissement et jugement en Cour d’assise sous l’Algérie française. Plus de 200 Kabyles sont internés et de nombreuses déportations ont lieu à Cayenne ou en Nouvelle Calédonie.

Ville de Marseille/Bilbiothèques de Marseille – expositions Vivre en colonies : l’expérience photographiée en Nouvelle-Calédonie et au Vanuatu © Archives de Nouvelle-Calédonie

Habiter côte à côte

Conçues en quatre sections, comprenant la présentation de la population dans sa diversité, colons, bagnards ou autochtones, les habitats concomitants (camps d’internement ou d’infanterie, case en torchi, maisons coloniales), la mise au travail et enfin la fête, les photos égrainent des éléments de contexte caractéristiques de la colonie de peuplement. Pour l’homme « blanc », partir aux colonies, c’était obtenir des terres mais aussi devenir patron, gagner un statut social, et mettre au travail forcé les indigènes, au service des entreprises exploitant les matières premières (café, coprah, coco, cacao, coton…).

Et contrôler les corps et les âmes.

Les Vanuatais et les Kanaks étaient considérés comme des primitifs dangereux … ils seront une cible privilégiée de la mission civilisatrice légitimant l’enjeu de « sauver les âmes de ces peuples supposés sans croyance ni conscience ». Une visite s’impose pour se faire une idée sur la façon dont ces iles ont abrité l’illusion coloniale. 

SAMIA CHABANI

Vivre en colonies 
l’expérience photographiée en Nouvelle-Calédonie et au Vanuatu
Jusqu’au 24 avril
BMVR l’Alcazar, Marseille

L’exposition valorise les fonds anciens patrimoniaux de la BMVR, Bibliothèque municipale à vocation régionale, et des ANOM, Archives Nationales d’Outre-Mer

Au cœur de L’ImpruDanse

0
THE TREE © X-DR

Conventionné scène art et création, Le Théâtre de l’Esplanade est porté par un axe historique de travail autour de la danse contemporaine, renforcé depuis huit ans par la création du festival L’ImpruDanse : toute une semaine de programmation de danse contemporaine, au début de chaque printemps. Un festival qui rencontre un tel intérêt du public que, à partir de cette édition 2024, Maria Claverie-Richard, la directrice du théâtre, a pris la décision de le faire passer à trois semaines ! Au programme, une grosse journée d’ouverture (23 mars : de 10h à 1h du matin), des expositions, un cabinet de projection, des rencontres avec les artistes, des brunchs dansants et musicaux, des workshops, un concours de jeu vidéo, des docus danse au Musée des Beaux-Arts. Et au cœur de cette nouvelle éditions, quatorze spectacles, signés notamment Angelin Preljocaj, Carolyn Carlson, Jean-Claude Gallotta, Marion Motin, Ousmane Sy… 

Femmes et artistes associé·e·s

Trois artistes associé·e·s à Théâtres en Dracénie sont programmé·e·s : l’artiste circassien Damien Droin avec Le poids des nuages, inspiré du mythe d’Icare, échelle (démesurée) et trampoline pour explorer la relation de deux hommes suspendus entre ciel et terre. Le chorégraphe Nacim Battou, qui crée Notre dernière nuit, un « voyage initiatique entre la folie, la grâce et le désespoir supposé d’un dernier instant de vie ». Une dernière nuit du monde en trois épisodes (L’Effondrement, L’espoir, Voir pour la première fois) proposés dans trois lieux différents, à trois dates différentes, accompagnée d’une exposition numérique et immersive conçue par le chorégraphe. 

Il y a aussi Émilie Lalande avec Petrouchka ou le choix d’Holubichka, proposition jeune public (à partir de 7 ans), revisite du conte Petrouchka de Stravinsky. Mais Émilie Lalande n’est pas la seule artiste femme de cette édition, loin de là, et heureusement. Ainsi Carolyn Carlson, figure historique de la danse contemporaine, sera présente avec The Tree, sa dernière pièce, ode à la nature, Joanne Leighton avec les interprètes de la formation Coline, pour Traces, Marion Motin avec Le Grand Sot, « pièce tonitruante pour huit danseurs exaltés », et Anne Nguyen, figure de la danse issue du hip- hop au féminin, avec l’urbain et explosif Underdogs.

MARC VOIRY

L’ImpruDanse
23 mars au 13 avril
Théâtres en Dracénie, Draguignan

Mikado artistique 

0
Raoul Lay © Groundswell

Zébuline. En avant-propos vous dites qu’il y a « une envie, un songe, une fantaisie ». 

Raoul Lay. C’est une œuvre imprévue, planifiée nulle part comme telle. C’est le Conservatoire de Toulon qui a fait naître le rêve en me faisant l’honneur d’être son « grand invité » pour le trimestre Transmission #8 après des artistes comme Preljocaj ou Macha Makeïeff. La particularité de ce conservatoire, unique sur la Région est d’être conservatoire de musique, mais aussi de danse, d’art dramatique et de cirque. Multidisciplinaire donc et d’un remarquable niveau ! Pour ma part, j’ai vu cela comme une occasion fantastique de réconcilier les arts de la danse, du jeu, du chant, et du cirque : d’où un projet de création qui fasse travailler toutes ces disciplines. À l’époque – le projet de « grand invité » se prépare depuis deux ans –, j’étais tombé sur un livre d’Octave Santoro, Le tournoi des Sixtes, roman qui met en scène des gamins de collège dans les années 1970 et qui sont impliqués dans un tournoi scolaire de sixte. Il y a le sport, le foot, mais aussi le racisme, un enfant de la classe est noir. J’ai adapté le roman au théâtre en un livret qui j’espère rendra compte de tout cela et permettra la jonction entre les diverses disciplines. 

Vous avez conçu un dispositif les réunissant toutes ?

Je me contente de la partie musicale avec neuf musiciens de l’Ensemble Télémaque et soixante de l’Orchestre symphonique du Conservatoire TPM. Pour la partie chorégraphique, Héla Fattoumi et Éric Lamoureux, qui a aussi été footballeur avant de se consacrer à la danse, du CCN de Belfort, dirigent neufs danseurs (huit filles et un garçon). Carole Errante a accepté de prendre en charge la mise en scène, Thomas Fourneau, la création vidéo afin de convoquer sur le plateau les années 1970. Les danseurs et acteurs sont issus des départements danse et théâtre du Conservatoire. En trait d’union entre tous les éléments de ce multi-opéra, il fallait un coryphée [chef de chœur, ndlr] que j’ai souhaité entre David Bowie et Roger Lanzac, ce sera Agnès Audiffren avec des talons de danseuse flamenco. Pour le final, un fantastique chœur d’enfants s’élèvera. Je garde le mystère sur son apparition… Il n’y a pas de cirque, mais tout de même un chapiteau. On rit beaucoup même s’il s’agit d’une comédie dramatique. Nous sommes impatients et bourrés de trac pour ce mikado qui est en train de se construire. C’est un projet un peu fantasmagorique, j’espère que tout tiendra debout. 

Il y a aussi une dimension de transmission ?

Oui, et c’est très émouvant : il y a des pros mais aussi des élèves en passe de se professionnaliser. L’expérience se transmet. Les comédiens sont confrontés à la danse, à la musique, et pour eux c’est aussi très formateur : il n’y a plus de tour d’ivoire enfermant chacun dans sa discipline. C’est pourquoi transmission et création se mêlent ici fortement. C’est sans doute pour cela que cette création, aidée par la Région et la Ville de Marseille, est labellisée Olympiade culturelle par Paris 2024. 

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR MARYVONNE COLOMBANI

Le tournoi des Sixtes
23 et 24 mars
Chapiteau Circoscène, La Seyne-sur-Mer

Sócrates sur le terrain de la philo 

0

Au Théâtre Joliette à Marseille, Frédéric Sonntag imagine la rencontre entre un philosophe, Socrate, et son homonyme Sócrates, célèbre joueur de foot brésilien des années 1980. Trop grand et trop maigre, ce dernier a dû inventer son propre style, innover. Jouer avec le talon était devenu sa marque de fabrique : « Le talon de Sócrates ! Sa force, l’inverse du talon d’Achille ! », s’enthousiasme celui qui incarne Socrate sur scène. Pourtant il n’est pas que question des forces de la légende du football, bien au contraire. Ses faiblesses, ses zones d’ombres sont aussi passées au crible au travers des questions incessantes du philosophe. Pourquoi boit-il ? Que cherche-t-il à fuir ? Pourquoi être parti du Brésil en 1984 alors que la dictature militaire sévissait encore ?

La petite histoire dans la grande 

Ce spectacle intimiste nous fait rentrer dans les coulisses de la vie de Sócrates, on y découvre ses gloires, ses échecs, ses peurs et ses espoirs. Socrate pose des questions et même si les réponses ne sont pas toujours au rendez-vous – au grand dam du philosophe – ce n’est pas grave, le tout est de s’interroger. L’histoire de Sócrates fait partie de la grande et le récit s’y pose inéluctablement. « J’ai dix ans et je vois mon père brûler des livres », se remémore-t-il. Son père, grand lecteur de Gramsci et de Marx, dut se résoudre à cet acte pour se protéger de la dictature brésilienne qui s’instaure en 1964 et ne prend fin qu’en 1985, marquant ainsi une grande partie de la vie du footballeur. Socrate questionne philosophiquement son homonyme au sujet de l’autoritarisme et de la démocratie. Lui qui a mené le club de football des Corinthians, dont les maillots étaient floqués du mot « Democracia » en pleine dictature, et où tout était soumis au vote, croit-il pour autant que la démocratie soit parfaite ? La volonté de la majorité est-elle nécessairement la bonne décision ? Lui qui est parti jouer en Italie, aurait-il fait passer sa carrière avant le collectif ? Pendant tout cet échange, les deux boivent et font un barbecue, comme de bons amis. La scène est à l’image de la discussion entre les deux personnages, changeante et libre. Les casiers de bières servent tantôt de chaises, tantôt de supports de table. Les comédiens arpentent les travées du public, proposent des bières – sans alcool – et soumettent certaines choses au vote ! Le jeu d’acteur est impeccable et on ressort du théâtre émus, souriant et en en sachant plus qu’avant. 

RENAUD GUISSANI 

Sócrates a été joué du 13 au 15 mars au Théâtre Joliette de Marseille

Greli Grelo, en roue libre

0
Baby McBeth © Alice Piemme

C’est reparti pour un tour avec le Vélo Théâtre ! Du 22 au 30 mars, Apt et ses environs accueillent la 13e édition de Greli Grelo, la biennale du théâtre d’objet, organisée par la compagnie de Charlot Lemoine et Tania Castaing. Formes courtes ou longues, pour un public jeune ou plus averti, par des compagnies françaises ou internationales… cette nouvelle édition est une jolie fenêtre sur le petit monde du théâtre d’objet, et surtout sur sa diversité. 

C’est la Compagnie Peanuts qui ouvre le bal au Vélo Théâtre avec sa loufoque et dystopique Fin de la 4e partie (22 et 23 mars), qui interroge la manière de faire du lien dans un monde de plus en plus technologisé. Elle sera suivie, entre autres, par des spectacles plus musicaux comme Murmures machines (quatre représentations du 23 au 25 mars) des Vibrants défricheurs, ou encore Le cabinet fantôme de Comme je l’entends, les productions. Ce dernier est une forme très courte, fruit d’un travail mené par Benjamin Dupé avec des collégiens aptésiens autour de son spectacle Fantôme, un léger roulement, et sur la peau tendue qu’est notre tympan. Il donnera lieu à cinq représentations les 23, 24, 26 et 30 mars. 

Les spectateurs pourront aussi faire la rencontre d’Agnès Limbo, fondatrice de la Compagnie Gare Centrale. L’artiste belge propose au public aptésien deux spectacles très différents l’un de l’autre : d’abord une forme courte, Baby Macbeth (27 mars), découverte poétique et ludique de l’univers de Shakespeare à destination des tous petits (à partir de 1 an). Et puis, dans un autre registre, Les lettres de mon père (29 mars), spectacle plus autobiographique dans lequel Agnès Limbo se replonge dans les lettres que son père lui écrivait quand, enfant, elle était en Belgique et ses parents au Congo après l’Indépendance. Ce dialogue avec la petite fille qu’elle était lui permet de remettre en question le regard et les mots parfois racistes ou paternalistes de son père, et peut être aussi de réparer d’anciennes blessures. 

Le vélo au centre

La compagnie du Vélo Théâtre programme aussi un de ses propres succès, créé il y’a près de 15 ans : Et il me mangea… (26 mars, 10h et 20h30) qui subvertit cruellement le conte du Petit Chaperon rouge. 

Seize spectacles, une cinquantaine de représentations – en comptant les scolaires – en neuf jours, il y a de quoi faire… mais ce n’est pas tout ! A cette programmation intense et stimulante s’ajoute l’exposition Vélographie, inaugurée en janvier à la Micro-Folie d’Apt. A travers une sélection d’objets et d’éléments scénographiques tirés des spectacles du Vélo Théâtre, l’exposition permet de découvrir l’univers de la compagnie et de retracer plus de quarante années d’histoire. 

CHLOÉ MACAIRE

Greli Grelo, 13e biennale du théâtre d’objet 
Du 22 au 30 mars
Divers lieux, pays d’Apt Luberon