mercredi 23 juillet 2025
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À Avignon, Nadège de Vaulx(-en-Velin) place l’Algérie au présent

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Nadège de Vaulx(-en-Velin) dans sa conférence gesticulée. PHOTO HENOCH PROGNATUS

La conférence gesticulée de Nadège de Vaulx(-en-Velin)s’ouvre sur un désopilant défilé : dument maquillée et parée, la jeune femme emprunte sa gestuelle à Brigitte Bardot, Catherine Deneuve ou on ne sait trop quelle française qu’on croirait tout droit sortie d’Emily in Paris. Française, Nadège ne l’est que très partiellement : selon la tradition algérienne, elle aurait même dû porter le nom de sa grand-mère morte peu de temps avant sa propre naissance, Aïcha. Mais sa mère, franco-algérienne, en aura décidé autrement. De même que son père, également algérien, rêvant pour sa fille d’une intégration vantée par la France d’alors, celle des années 1980 et 90. Quitte à voir s’ouvrir sous ses pieds un abîme de nostalgie en constatant que ses filles, adultes, propulsées « grandes diplomates » dès leur premier stage à l’étranger, n’ont rien conservé de leur pays d’origine : ni sa langue, ni sa culture. Les années traversées rétrospectivement par Nadège suscitent une colère saine : d’autant que, rappellera-t-elle amèrement, quarante ans après la marche pour l’égalité et contre le racisme, les violences policières ne semblent jamais s’être aussi bien portées. Le tout est jalonné de saillies humoristiques irrésistibles, jamais dénuées de gravité : mention spéciale à ce « quizz raciste » annoncé à coup de pas chassés et éventage de drapeau sur le générique de Fort Boyard.

Suzanne Canessa

« J’aurais dû m’appeler Aïcha » est jouée au Marseillais jusqu’au 16 juillet.

« Frères(s) » : douceur et brutalité de l’amitié

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D’accord ou pas, ces deux frères sont inséparables. PHOTO FRANÇOIS FONTY

On comprend dès l’entrée que Clément Marchand est un scénariste aguerri : virtuosité des dialogues, enchaînements des situations, peinture approfondie des personnages. L’auteur signe aussi sa première mise en scène : un doublon gagnant dans lequel voltigent deux comédiens. Jean-Baptiste Guichard (Émile) faux calme, délicat, ambigu pour les autres mais pas pour Guillaume Tagnati (Maxime), le footeux, accro à une réussite conquise par les muscles de sa volonté. Ces deux-là vivent une histoire d’amitié improbable, qui s’avèrera indestructible malgré les vacheries de la vie.

L’enfer des cuisines

Ils ont 15 et 16 ans quand ils s’apprivoisent lors d’une formation de cuisiniers, l’une des plus ingrates qu’on puisse imaginer, hérissée d’humiliations et de coups bas. Émile en est le principal souffre-douleur en tant que fils d’un grand chef. Puis ils intègrent l’équipe d’un restaurant gastronomique. Une opportunité ? Non : un châtiment. Clément Marchand décrit sans complaisance ce milieu absurde où les jeunes cuistots triment des heures entières pour un salaire de misère, plient l’échine sous les insultes, doivent se taire et répondre : « Oui chef ! » Émile veut y échapper, Maxime veut y réussir et la branche de leur amitié craque jusqu’à se rompre. Mais pas complètement.

Il est inhabituel qu’un auteur au théâtre traite du thème de l’amitié. Avec ces Frère(s) toute une panoplie d’émotions nous submerge, secoués par la beauté des lumières, l’ingéniosité épurée du décor, les musiques et les chorégraphies de Delphine Jungman. Les comédiens s’investissent corps et âmes dans cette partition délicate, tremblante sur le fil de sentiments : ils connaîtront l’enfer des cuisines, les bagarres napolitaines, les matches de foot hystériques et même la prison. Malgré la rudesse des épreuves, ils resteront frères de cœur.

Jean-Louis Châles

« Frère(s) » est donnée jusqu’au 29 juillet à La Scala Provence.

Un festival sous les étoiles

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Tutu (c) Michel Cavalca

La Scène de Bayssan dresse un panorama de ce que les arts de la scène offrent de meilleur, du 7 juin au 21 juillet. Ainsi, Les Nuits de Bayssan ont débuté dans son amphithéâtre le 7 juin par les variations chorégraphiques fantasques de Chicos Mambo dans Tutu. Le 14 juin, la Cie XY révèle la poésie cachée du geste circassien dans Möbius. Inspirés par le vol des oiseaux, les portés deviennent une invitation au vertige grâce à un magnifique ballet acrobatique signé Rachid Ouramdane. Le 17 juin, la danse est assurément hip-hop sous la houlette du collectif lyonnais Pockemon crew, lequel a grandement contribué à faire triompher la danse urbaine sur la scène des théâtres. Nineteen, sa dernière création, est une fable écologique se questionnant sur la place de l’humain dans l’écosystème planétaire. Le 30 juin, l’Orchestre national de Barbès fait sonner sa musique métissée, une invitation à la fusion des genres, multiculturelle et fraternelle. Ou quand les airs chaâbi et le raï côtoient sans apriori le rock.

La cabane cubaine

Changement d’univers le 4 juillet : Imany présente projet Voodoo Cello, dans lequel huit violoncelles accompagnent son timbre grave et ensorcelant lors de reprises étonnantes comme Like a prayer ou Little blacks angels. Le 7 juillet, le pianiste cubain Roberto Fonseca nous enivre de rythmes de mamba, de rumba et de bolero. Le 13 juillet, parenthèse acoustique sous le signe de la guitare avec Thomas Dutronc et ses potes Rocky Gresset et Stochelo Rosenberg, déterminés à nous faire swinger entre les intemporels de Django Reinhardt et le répertoire de la famille Dutronc. Dernière soirée le 21 juillet avec Cimafunk. S’il y a une rock star afro-cubaine, c’est bien la tornade Erick Iglesias Rodríguez, dont la funk latino flamboyante est soulignée en live par les percussions enivrantes de sa Tribu. De quoi nous faire danser sous les étoiles.

ALICE ROLLAND

Les Nuits de Bayssan
Jusqu’au 21 juillet
Domaine départemental de Bayssan, Béziers
scene-de-bayssan.herault.fr

Un festival engagé

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Banquet (c) Paul Amouroux

C’est le média indépendant Vert qui le dit : il fait partie des « festivals de musique indépendants engagés sur l’écologie » en France. Si le Festival de Thau créé en 1991 en est à sa 33e édition, affirmant haut et fort être un « événement éco-responsable », sa démarche en faveur de la protection de l’environnement ne date pas d’hier. Monique Teyssier, sa directrice artistique, le souligne dans son édito : « Située au bord d’une lagune belle et fragile, le Festival de Thau s’engage sur le territoire depuis plus de 15 ans face au dérèglement climatique ». Tout au long de l’événement, de nombreux échanges et table-rondes, dont les éco-dialogues, favorisent la réflexion tandis que la mise en valeur de gestes écologiques impactant met en lumière la nécessité d’un changement de paradigme au quotidien. Le festival s’est ainsi engagé à travers plusieurs dispositifs nationaux et régionaux à insérer leur projet artistique au sein d’une vision durable. Côté programmation, les musiques du monde sont mises à l’honneur dans une démarche d’ouverture et de mise en valeur de la pluralité des expressions musicales. Qu’il s’agisse d’artistes reconnus ou non. Un préambule artistique est proposé tout au long du mois de juin, comme un avant-goût de festival, dont le 9 au château de Girard à Mèze sous l’impulsion festive du trio barcelonais Palmerita Coco Blue, le 14 à la villa gallo-romaine de Loupian le temps d’un voyage acoustique avec Ablaye Sissoko et Cyrille Brotto, entre Kora et accordéon. Ou encore le 28 à Mèze, lors d’une déambulation poétique dans les pas du botaniste Olivier Filippi et du chanteur Piers Faccini.

Deux femmes puissantes

En juillet, la première du festival est itinérante : le musicien cubain Roberto Fonseca fait chalouper domaine de Bayssan à Béziers le 7 [voir page 82], la pianiste Agathe di Piro distille sa poésie en notes à la chapelle Saint-Hippolyte de Loupian le 11, la chanteuse et flûtiste franco-japonaise Maïa Barouh, navigue entre rap et sonorités anciennes à l’abbaye de Vallmagne à Villeveyrac le 17. Avec en première partie le projet pop-world Racines rêvées, création musicale portée par le +SilO+  jouée par Sasha Bogdanoff, Oliver Roman Garcia et Thomas James Potterel. Ambiance ginguette le 18 au jardin antique Méditerranéen de Montbazin grâce aux sonorités créoles de René Lacaille et aux sets afro-disco de Voilaaa Sound System (feat. Pat Kalla). Retour à l’abbaye de Valmagne le 19 afin d’écouter la chanteuse et compositrice franco-iranienne Ariana Vagadari, entourée de musiciens aux origines musicales multiples et accompagnée de la fabuleuse danse de derviche tourneur de Rana Gorgani. La fête se poursuit sur le port de Mèze, lieu incontournable du festival, du 20 au 23 juillet. Au programme : groove-funk à la japonaise avec le crew Ajate suivi par un show électro de Biga*Ranx (le 20), électro-reggae en live par Flox avant d’écouter le talentueux et infatigable reggaman Tiken Jah Fakoly (le 21). Notre coup de cœur (le 22) : deux femmes puissantes de la scène musicale, Sandra Nkaké, chanteuse à la voix soul bouleversante, et Fatoumata Diawara, artiste inclassable qu’aucun métissage n’effraie, et un groupe rock 80’s, Les Négresses vertes. Ce marathon musical se termine (le 23) en dansant sur la techno cinéphile d’Aalson et l’électro symphonique immersive de Worakls Orchestra. À savourer avec vue sur l’étang de Thau, en dégustant des fruits de mer et un petit verre de blanc, évidemment.

ALICE ROLLAND

Festival de Thau
Du 7 au 23 juillet
Divers lieux à Mèze et autour du bassin de Thau
festivaldethau.com

Maison Jean Vilar : « Écrivez-moi désormais directement au Palais des Papes »

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Éric Ruf et Nicole Gueden lisent les lettres de Jean Vilar écrites en 1947. PHOTO YOAN LOUDET-MAISON JEAN VILAR

C’est un pari un peu fou, ce Feuilletons Vilar ! Une plongée dans la fabrique du Festival d’ Avignon et dans tous ses enjeux, depuis les lettres au ministre, André Malraux, jusqu’à la recherche des auteurs, les recommandations aux comédiens, les consignes aux collaborateurs…

Le feuilleton a commencé le 9 juillet avec des lettres de 1947, année de création de la Semaine d’Art qui deviendra le Festival. Dites par deux lecteurs exceptionnels, Éric Ruf et  Nicole Gueden, qui joua avec Jean Vilar de 1959 à 1961.

Quitter Paris

L’administrateur général de la Comédie-Française et l’actrice se partageaient les lettres avec brio, elle s’amusant visiblement de retrouver et partager cette époque, lui comme étonné de la détermination, et des principes du théâtre public énoncés clairement dès 1947.

Car tous les principes sont à l’œuvre dès les lendemains de la guerre : la nécessité de recréer  un art populaire qui rencontre le public ; de partir de Paris qui se prend pour le centre du monde, de sortir des théâtres, de jouer en plein-air ; l’importance de créer des auteurs contemporains, avec la conscience que cela effraie le public ; l’« absolue nécessité» (le mot revient souvent) de nourrir le théâtre de poésie et d’art – les lettres à René Char et à Picasso en témoignent.

D’autres lettres sont plus amusantes : Samuel Beckett qui lui demande de lui rendre son manuscrit, visiblement pas retenu, André Malraux qui lui dit que Paris n’est pas mal comme centre du monde… Mais le plus frappant dans ces premières lettres est la certitude que « cela se reproduira tous les ans » et la liste de « jeunes acteurs très talentueux » Jeanne Moreau, Silvia Monfort, Daniel Sorano, Germaine Montero, Michel Bouquet puis Maria Casarès et Gérard Philipe… qui deviendront tous des stars des scènes et des écrans.

Pour les prochains lecteurs, qui incarnent une diversité de genre, de génération et d’esthétique, cette leçon de théâtre est précieuse à connaître et à transmettre, au présent !

Agnès Freschel

« Feuilletons Vilar » se poursuit jusqu’en 1973, et jusqu’au 20 juillet, à La Maison Jean Vilar.

Les arènes de la musique

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Lomepal (c) Manu-Fauque

À un tel niveau d’éclectisme tous genres confondus, il serait plus approprié de parler du Festival de Nîmes comme d’une immense fête de la musique dans l’un des plus beaux décors scéniques du monde : l’amphithéâtre romain de Nîmes, bijou antique du Ier siècle ap. J.-C. Les amateurs de chanson française peuvent y écouter de Jenifer à Matt Pokora en passant par Christophe Maé, Florent Pagny, Zazie, Damien Saez et le trio Louise Attaque. Avec un détour par l’inclassable Michel Polnareff en piano-voix. Quel panel ! D’autres préfèreront tendre l’oreille du côté des musiques urbaines, qu’il s’agisse de Damso, Soprano, Djadja ou d’un double-plateau inédit Gims/Dadju. Sans oublier le rappeur-chanteur Lomepal, une valeur sûre en live avec son énergie de rockstar tout en démesure.

Créativité sans limites

L’amphithéâtre nîmois attire comme un aimant les performers de la scène internationale, comme le groupe de rock alternatif anglais Placebo, le showman canadien du piano jazz Chilly Gonzales ou encore le phénomène planétaire pop british Sam Smith. L’excellente programmation rock est complétée par le blues-rock made in USA de The Black Keys, le post-rock islandais de Sigur Rós ainsi par le son électrique du quatuor Artic Monkeys, digne représentant de la scène indé brit. De grosses pointures du hard rock sont également attendues : le mythique groupe de metal américain Slipknot et les Français de Gojira. Une jolie soirée tout en douceur donne aussi à entendre la pop soul de Simply Red, groupe originaire de Manchester, et le groove teinté de blues de la belge Selah Sue.

Notre coup de cœur demeure le concert de Ludovico Einaudi, le 14 juillet. À 67 ans, le compositeur et pianiste italien est un champion du streaming classique, dépassant le clash des générations en mêlant avec une créativité sans limite des influences issues du classique, du rock aussi bien que de la musique électronique. Cette soirée musicale exceptionnelle est l’occasion d’écouter ses plus grands succès, dont des titres écrits pour le cinéma, ainsi que de nombreux extraits de son premier album de piano solo en vingt ans, Underwater, composé en plein confinement. Une invitation à la rêverie sonore d’un minimalisme captivant qui fait le succès d’un artiste très engagé en faveur de la défense de l’environnement. Moments magiques en vue.

A

Festival de Nîmes
Du 23 juin au 22 juillet
Arènes de Nîmes
festivaldenimes.com

Avignon Off : La vie, mode d’emploi

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Yane Corfa s’est distinguée par sa prestation acrobatique. PHOTO FABRICE ROQUE

Déjà présente durant tout le festival Off de 2022 à Avignon, la compagnie Carré Blanc revient cet été à LaScierie sur une pièce tout aussi réjouissante et encore plus collégiale qu’à l’accoutumée. Née sous la bonne étoile de Michèle Dhallu, directrice de la compagnie, la pièce a cette fois-ci été chorégraphiée en concertation par le trio de danseuses et danseur. Et l’on devine que Dans la boucle s’est écrit dans le même élan de liberté et le même goût de l’alchimie que celui qui transparaît de sa structure et de son propos. La joie tangible et la complicité qui lie les trois camarades font plaisir à voir : à commencer par le sourire et l’espièglerie de Zoé Boutoille, qui incarne à elle seule l’ambition ludique et la coloration pop du propos.

Singer le quotidien

Toute de rose bonbon vêtue, la plus acrobatique mais non moins expressive Yane Corfa se fait peut-être plus mélancolique, ou du moins contemplative. Bryan Montarou aurait pu s’affranchir du rôle un peu ingrat, encadrant, confié dans de telles circonstances au seul danseur homme : tout en assurant sa part de portés musclés, il explore plus encore que ses camarades le segment de la gestique. Le tout se développe sur des pas jazz, hip-hop ou plus généralement contemporain avec le même souci d’accompagner, de singer, et de moquer toujours avec tendresse les gestes du quotidien. Le surgissement de la joie, de la grâce ne se fait pas en révolte contre les étagères, le linge plié ou les ustensiles de cuisine. C’est dans leur usage répété, peu à peu altéré puis détourné de sa fonction initiale, que les interprètes et leurs personnages grimés en poupées des années 1950 échappent à l’aliénation annoncée. Le canevas, plus intime et moins mouvant que celui du Borders and Walls proposé l’an dernier, se révèle d’autant plus apte à générer des idées chorégraphiques qu’il impose de nouvelles contraintes : dont celle d’étirer et de donner de l’amplitude à des corps tout en les appariant à des pièces de bibliothèque.

Suzanne Canessa

Dans la boucle est jouée à LaScierie jusqu’au 28 juillet.

Au pays de l’itinérance

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©Festival Villeneuve-en-Scene

Laissez derrière vous l’effervescence du Festival d’Avignon, haut-lieu de théâtre et d’arts de la scène, et passez le pont. De l’autre côté du Rhône, Villeneuve-lez-Avignon se présente volontairement comme le « jardin du festival d’Avignon ». Du 10 au 22 juillet, un festival singulier s’y déploie dans une zone naturelle protégée de 2,5 hectares située sur la rive nord du fleuve, la plaine de l’Abbaye, dont la fraîcheur bucolique possède un charme des plus intemporel. Partie intégrante du Off d’Avignon, Villeneuve en Scène s’affiche comme un événement culturel à part entière. Sa spécificité ? Être « le festival des écritures itinérantes ». Avec la volonté de promouvoir « des spectacles riches et variés où le théâtre côtoie le cirque, les musiques, la danse et les arts de la rue » afin de montrer un « panorama de la création d’aujourd’hui en spectacle vivant ».

Né en 1996, ce slow-festival est un hymne à l’itinérance artistique sous toutes ses formes. Pour minimiser l’impact environnemental, tout se joue en plein air, sous les chapiteaux et autres structures mobiles comme entre les roulottes de compagnies souvent nomades. Un souci d’éco-responsabilité et une façon de s’ouvrir à un public le plus large possible, la proximité étant dans son ADN, comme dans celui des compagnies invitées.

Sur les traces d’un aventurier norvégien

Cette année, les familles sont au cœur de la programmation, laquelle propose une douzaine de spectacles en intermittence : Avant la nuit d’après se révèle un moment de théâtre équestre enchanteur avec le cirque EquiNote, alors que Passage du Nord-Ouest est une grande fresque de théâtre dans laquelle le groupe Tonne emmène les spectateurs, petits et grands, sur les traces de Roald Amundsen, un célèbre aventurier norvégien. Autre spectacle à voir en famille, autre genre : Le Cabaret renversé de La Faux Populaire, ludique et surprenant à souhait. Également pour les jeunes spectateurs, Dissolution est une histoire intergénérationnelle extrêmement touchante sur les liens familiaux interprétée par le CDN Nancy Lorraine. Ce dernier monte une autre pièce, cette fois à destination des ados, l’âge de la révolte : Skolstrejk, issu du slogan de la jeune militante pour le climat Greta Thunberg, soit « Skolstrejk för klimatet » (à traduire par : grève scolaire pour le climat). De nombreuses formes hybrides sont aussi à découvrir, que ce soit le très sensoriel Anatomie du désir, un « objet circassien métaphysique non identifié » proposé par Boris Gibé de la compagnie Les Choses de rien. Ou Continent, de Komplex Kapharnaüm, compagnie habituée du festival, une forme performative et musicale autour du texte de Stéphane Bonnard, écrit après avoir vécu 18 mois au sein d’un squat illégal à Lyon.

Place à la danse le temps d’une soirée « trois-en-un », présentant trois spectacles à découvrir l’un après l’autre. À commencer par la Cie Vilcanota et son joyeux Short people, suivi par Autrement qu’ainsi, solo chorégraphique de la compagnie du Montpelliérain Yann Lheureux autour de la maladie d’Alzeihmer. Avant de clore la soirée avec Valse à Newton par les trois danseurs du Grand Jeté ! autour d’un pendule géant. Notre coup de cœur va à La Boîte de Pandore par la Cie Betterland, en co-programmation avec La Chartreuse, dans lequel Marion Coulomb traite avec espoir et résilience du sujet complexe des violences sexuelles sur mineur·es, entre lancers de couteaux et guitare électrique. Vaste programme !

ALICE ROLLAND

Villeneuve en Scène
Du 10 au 22 juillet
Divers lieux, Villeneuve-lez-Avignon
festivalvilleneuveenscene.com

Welfare à Avignon : une reconstruction du théâtre

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« Welfare » de Julie Deliquet dans la Cour d’honneur du Palais des papes PHOTO CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE

Le documentaire de Wiseman est poignant de vérité. De talent aussi, avec cette caméra qui filme au plus près, ce montage au cordeau, cette façon de susciter les paroles, les émotions, de capter ce moment de l’histoire américaine où tout bascule, où le néo libéralisme de Reagan commence à mettre à bas le système social issu du New Deal. Cinquante ans après 1973, loin de New York, sur une scène de l’ampleur de la Cour, que faire de ces gros plans, de ces émotions, de cette histoire, de ce réel, de cette cinquantaine de trajets particuliers et si datés, si situés ?

Pour faire théâtre, Julie Deliquet transmute cette matière en universaux, regroupe les histoires et fabrique des personnages avec plusieurs personnes. Dramatise le tout en plaçant les histoires dans un espace commun, soumis au regard de tous, qui sont aussi les témoins de tous les autres. Mais garde des costumes très seventies : col roulé moulant, tenue beatnik délicieuse, imprimés, cheveux longs, moustache, favoris et bonnet orange.

Étrangement, ces costumes, comme le décor, gymnase où le matériel sportif est tout autant daté, concourt à l’universel en faisant de ce passé américain un passé commun, déconnecté de la ville qu’on ne voit pas, et connecté à notre enfance ou à celle de nos parents. Et c’est ce système d’écho qui fait théâtre, par une distanciation qui n’est pas brechtienne mais construit comme un degré intermédiaire entre le spectateur et le spectacle, nécessaire à la représentation.

Douleur de la pauvreté

Tout au long de Welfare le public reste éclairé, loin des salles obscures des cinémas, qui invitent  à la perception individuelle et intérieure. Le public forme une communauté, comme les personnages sur scène qui se battent ensemble pour obtenir des aides sociales vitales pour chacun d’entre eux. Et les acteurs sont époustouflants.

Ils portent toute la douleur de la pauvreté. La colère d’une mère de cinq enfants, enceinte, que son mari vient d’abandonner, mais qui ne parvient pas à obtenir un changement de bénéficiaire de son aide sociale. Ses enfants ont faim, elle va accoucher sans ressources.

Comme ont faim l’épileptique sous méthadone, Valérie Johnson dont on a perdu le dossier, madame Gaskin, et ce professeur qui ne peut plus travailler et vole pour manger. Les travailleurs sociaux, le policier, font ce qu’ils peuvent, plus ou moins. Fuient face à la colère, mais s’allient pour mettre dehors le vétéran blanc aux propos violemment racistes.

Par la force et le talent extraordinaires de chacun·e des acteurs les échos avec notre temps se font terribles. Le rejet des Noirs, la faim, la drogue, les femmes violentées, abandonnées, l’appel au meurtre raciste du vétéran, nous concernent directement, public uni face au spectacle d’une société qui se délite. Une société de souffrances que le théâtre ne peut pas sauver, mais qu’il peut représenter pour lutter contre un néolibéralisme aujourd’hui globalisé.

Agnès Freschel

Welfare est donné jusqu’au 14 juillet dans la Cour d’honneur du Palais des papes.
festival-avignon.com
Welfare, le documentaire de Frédéric Wieseman, est visible jusqu’au 23 juillet au cinéma Utopia.
cinemas-utopia.org

Le fil rouge de l’été

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Pour mettre à l’honneur le patrimoine viticole de la région, le festival des Musicales dans les Vignes de Provence investira pas moins de 42 domaines pour des concerts en plein air au cœur du terroir. 74 soirées se succèderont ainsi du 8 juin au 18 septembre. Loin d’être un décor pittoresque, l’expérience culinaire et œnologique est au cœur du concept du festival. Les hôtes vignerons invitent dès 19 h le public à une dégustation de vin, et des food-trucks proposent une offre de restauration. Le concert commence vers 20h30, le public installé dans des transats.

Les domaines se répartissent dans toute la région, choisis tant pour la qualité de leurs raisins que pour l’attrait patrimonial de leur château. L’incursion commencée l’année dernière dans les Alpes-Maritimes se poursuivra dans les châteaux Bellet et Crémat près de Nice ; les autres concerts auront lieu dans le Var, le Luberon et les Bouches-du-Rhône. De nombreux lieux feront leur réapparition, comme le château de la Goude à Aix-en-Provence qui accueillera un prestigieux dîner concert le 7 septembre, le château Bonisson à Rognes ou le château Saint Hilaire à Coudoux.

Assemblage

La programmation musicale s’appuie toujours sur trois piliers : le jazz, les musiques du monde et la musique classique. Le groupe Hot Peppers portera haut les couleurs du jazz de la Nouvelle Orléans tout au long de l’été. Samy Daussat, le groupe local du Swing du Sud et les Marseillais du Basilic Swing célèbreront le jazz manouche, tandis que le chœur amateur régional du Gospel Var, dirigé par Suzanne Wognin, se produira à Rognes et dans le Var. Le talentueux accordéoniste Rémy Geffroy sera les 7 et 8 août à Coudoux et à Pertuis pour faire résonner les sonorités jazz folk, et le Big Band 13 mettra à l’honneur le swing de Harlem à Puyricard le 1er juillet. Grande figure du festival, Michel Pellegrino sera partout, au saxophone à Rognes le 20 août ou à célébrer les chants populaires italiens.

Le répertoire classique réunira des habitués du festival : ainsi le public pourra-t-il entendre les pianistes Stefan Cassar et Patrick Zygmanowski jouer Chopin et Nikolaï Kuznetsov jouer Rachmaninov, Alain Arias et son quintet briller sur les Quatre Saisons de Vivaldi, la soprano Chloé Chaume chanter à Vidauban et au Beausset les 26 et 27 juillet. Le 9 août au Puy-Sainte-Réparade, Patrice Fontanarosa, ancien super-soliste de l’Orchestre National de France, rejoint par sa fille pianiste Stéphanie. Le ténor Alexandre Guerrero rejoindra la fête autour des chants napolitains. Le flûtiste Frédéric Chatoux, super soliste à l’Opéra de Paris donnera à entendre à Lourmarin le 11 juillet un programme dédié à Carmen.

Enfin les musiques de l’Amérique seront à l’honneur avec le tango, le jazz brésilien des groupes Nina Papa et Cor Brazil, les sons havanais des groupes Color Cubana et Latin Clan, le jazz nord-américain de Caroline Mayer. Le jazz des Balkans ne sera pas oublié avec Rona Hartner. Santé !

PAUL CANESSA

Les Musicales dans les Vignes de Provence
Du 8 juin au 18 septembre
Divers lieux, Région Sud
lesmusicalesdanslesvignes.blogspot.com