mercredi 17 septembre 2025
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UN AIR DE DANSE : Pas de sacrifice au Printemps

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L’éclosion du Printemps, sous les arbres du Parc Jourdan © Jean-Claude Carbonne

La soirée d’ouverture de Un air de Danse semblait gagnée par l’air commun de l’été : gratuité, buvette et food-truck, paella partagée au Parc Jourdan ont ravi plusieurs centaines de spectateurs, nettement plus locaux que ceux du festival lyrique. 

Deux spectacles s’y succédaient, un gratuit, un payant, un local, un international. Et le local et gratuit était d’une vigueur et d’un engagement plus net que celui de Sharon Eyal !

Son « Soul Chain », ballet essoufflant de la compagnie allemande Tanzmain, reste un discours glacé posé sur de l’électro pourtant sur mesure, riche et narrative, d’Ori Lichtik. La « chaîne des âmes » repose sur les unissons parfaites des corps, dont se détache parfois un individu, et qui parfois superpose deux voix, deux groupes de danseurs, presque constamment sur demi-pointes, dans des vêtements couleur chair invisibles qui effacent les différences entre les genres. Virtuose et abstraite, la danse reste froide, répétitive, sans contact entre les corps séparés, même si le public, à Aix comme lors de Montpellier danse, applaudi très longuement l’engagement sans faille de danseurs d’exception.

Cohorte de jeunes danseurs

L’enthousiasme quelques heures avant était plus joyeux et populaire. Avec « Un Sacre, des Printemps » Arthur Perole fait le pari de la jeunesse, de sa force de révolte face aux catastrophes auxquelles elle est confrontée. 

Pas question ici de sacrifier une  élue  pour que le groupe survive, comme les centaines de chorégraphies du Sacre le proposent, suivant l’argument de Stravinski. Pas question non plus de rapport de domination entre femmes et hommes, strictement égaux. Leur force est commune, et leur groupe pourtant cherche peu l’unisson, chaque individu scandant à sa manière la violence orchestrale de Stravinski, ses alanguissements aussi, traversés de samples et de battements électro qui ajoutent leurs emballements frénétiques et leurs nappes sonores sans dénaturer la partition. 

Les danseurs ne lâchent rien, confrontés aux agressions, à la transe, au show bizz, à l’impossibilité de vivre leur printemps dans une société qui semble sans avenir. Semblant mordre dans la vie avec une sauvagerie qui n’est jamais menaçante, mais une démonstration de leur appétit de vivre

Ce sacre avait été créé par le Ballet Preljocaj junior en avril, Arthur Perole y étant en résidence durant toute la saison. Ballet junior augmenté, pour cette version, de 9 danseurs de l’Ecole Nationale Supérieure de Marseille : là encore, une alliance inédite, dont  il faudra poursuivre l’élan !

AGNES FRESCHEL

L’ouverture de Un Air de danse  a eu lieu au Parc Jourdan le 21 juillet 
Le festival s'est poursuivi jusqu’au 2 août avec, en particulier, un solo de Ana Perez, deux pièces de Kader Attou, et les Mythologies d’Angelin Preljocaj dans la Cour de L’Archevéché

Lorsque le hip-hop rencontre le ballet…

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Prélude © Agnès Mellon

La deuxième édition du temps fort Un air de danse offre décidément une programmation d’une richesse et d’une variété qui hissent la ville musicale qu’est devenue Aix-en-Provence, grâce au foisonnement de ses festivals, au rang des lieux incontournables de la danse. 

La programmation concoctée par Nicole Saïd (Ballet Preljocaj) aborde avec bonheur et éclectisme les divers aspects de la danse aujourd’hui. Parmi les spectateurs, danseurs et chorégraphes de la région affluent, tant ces instants sont précieux. La formule est simple : un premier spectacle gratuit précède un second payant (mais à des tarifs abordables, 10 à 20€), pour une forme plus longue. Jeudi 27 juillet, la scène ombragée du parc Jourdan recevait pour deux pièces aux univers très différents le chorégraphe Kader Attou, fondateur de la Cie Accrorap, directeur du Centre chorégraphique national de La Rochelle en 2008 à la suite de Régine Chopinot et enfin implanté dans la Région Sud et installé à la Friche de la Belle de Mai depuis 2022. La première œuvre, Prélude, fait se rencontrer la musique de Romain Dubois, toute de crescendos ad libitum, en une spirale ascendante sans fin, et les corps des danseurs emportés dans une houle d’énergie. Véritable hommage au hip-hop, Prélude pour neuf danseurs s’articule sur les pas de cette danse, invite les artistes à se surpasser en des soli d’une éblouissante virtuosité ; les évolutions d’ensemble, dont certains passages semblent être des échos de chorégraphies de La Horde : face au public, en une affirmation réitérée des gestes libérés de toute contrainte, habités de la sève même de la vie. Les respirations dessinent les mouvements, se plient aux rythmes, apportant une intensité ébouriffante au propos. 

Aux sources des émotions

Symfonia Pieśni Żałosnych, inspirée au chorégraphe en 2010 par la Symphonie n° 3 dite « des chants plaintifs » de Henryk Mikołaj Górecki, lui permet d’inscrire son travail dans l’humus des émotions. Cette écriture de l’intime qui évoque souffrance, douleur, amour, joie, emprunte aux divers vocabulaires de la danse, depuis le hip-hop fondateur dont les élans sismiques parcourent les corps de quelques danseurs, à des formes de ballet très contemporaines en passant par des références venues des danses populaires. Vue par Kader Attou comme un hymne à la mère, à la création, sur la version de la soprano Dawn Upshaw avec le London Sinfonietta, la musique aérienne laisse toute latitude aux dix danseurs pour inventer leurs propres scansions atteignant une universalité délicate à l’image des bras mouvants de la danseuse qui ouvre la pièce après des arrêts sur image de l’ensemble. Les ralentis poussés à l’extrême, les accélérations, les courses croisées où personne ne se rencontre, les amas de corps qui suivent les mouvements insensibles d’une danseuse tel un pistil debout, les effets des amples manteaux doublés endossés pour le final, tout concourt à une poésie étrange et envoûtante jusqu’au bout des doigts des danseurs en une humanité qui se réconcilie.

MARYVONNE COLOMBANI

Spectacles donnés le 27 juillet au parc Jourdan, Aix-en-Provence, dans le cadre de Un Air #2 Danse.

JAZZ DES 5 CONTINENTS : Bain de soul au Palais Longchamp

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Selah Sue © M.Freche

Le jazz est un terme « parapluie », au sens où plusieurs musicien·nes de jazz peuvent proposer des musiques radicalement différentes. En ce sens, le festival marseillais assure une couverture très large et promeut ce qui se fait de mieux sur la scène jazz actuelle internationale. En faisant jouer des groupes locaux comme Marie Carnage, qui propose un swing artisanal diablement efficace ; ou des pointures internationales souvent difficiles à voir en live, comme les Anglais de Morcheeba. 

Planant 

Morcheeba fait du jazz comme Pink Floyd faisait du rock. La formation basse, batterie, guitare, clavier et voix nous emmène pour une expérience hors du commun, entre soulaérienne et rythmiques solides. Le concert commence avec des instrumentations qui soutiennent la voix de Skye Edwards, qui donne un son inimitable au groupe. D’une présence scénique fascinante, elle attire tous les regards et sa voix hypnotise le parc du Palais Longchamp. Sur une rythmique enveloppante se rajoutent des nappes électroniques et électriques grâce au clavier et à la guitare, laissant le champ libre à sa voix chaude pour finaliser la formule magique. Pourtant, l’ambiance change après une sortie de scène de la chanteuse. Tout le groupe se sert un verre, et Ross, deuxième tête de Morcheeba et guitariste sur scène, introduit la chanson : « This song is about drinking, so cheers ! » [« Cette chanson parle d’alcool, alors santé ! »]. L’ambiance reste mais se fait plus nerveuse, alors que Skye devient une véritable pile électrique avec la scène comme terrain de jeu. Le groupe fait montre d’une vraie synergie et l’on ressent qu’ils passent tous un bon moment jusque dans la fosse. Pour notre plus grand plaisir. 

Clou du spectacle

Le jazz de Selah Sue, lui, mélange soul, pop et reggae. Et ce dernier se fait entendre dès le début du concert, quand la chanteuse interprète son titre phare Raggamuffin seule avec sa guitare et sa voix reconnaissable entre mille. Pour autant, le reste de son concert, qui présente son dernier album Persona, sonne très gros et dans tous les styles grâce à des musiciens et des choristes de très haut niveau. Tous les arrangements poussent à danser, et offrent une démonstration de relief et de dynamique. L’énergie monte et les solos s’enchaînent pour donner au concert un son énorme, qui dans un autre contexte aurait déclenché un pugilat, pour finalement revenir à des grooves simples. Moment marquant : seule avec sa guitare, Selah Sue prend des suggestions pendant une quinzaine de minutes et interprète les chansons voulues par le public, pour un hommage aux mères et à une fan, avant de terminer son concert sur des chansons explosives comme Alone, où les fans ont pu tout donner. 

Conclue pour de bon après un mois de juillet bien rempli, cette 23e édition du festival est déjà couronnée de succès, et restera dans les mémoires comme un très bon cru.

MATHIEU FRECHE

Marseille Jazz des Cinq Continents s’est déroulé du 8 au 27 juillet, dans divers lieux de Marseille

ÉTÉ MARSEILLAIS : Marseille et son orchestre

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Un orchestre très applaudi, du parterre aux fenêtres et aux cheminées ! © Julius Lay

Il y a ceux qui étaient venus en avance avec leurs coussins ou leurs sièges, ceux qui sont simplement passés et se sont arrêtés, debout. Ceux qui se sont mis à leur fenêtre et ceux, plus téméraires, qui sont montés sur les toits, assis sur les cheminées. 

 Il faut dire que dès les premières notes le ton est donné : l’orchestre joue avec brio des tubes classiques, en commençant par une Ouverture du Barbier de Séville endiablée. Les visages des musiciens rayonnent, et ils prennent un plaisir visible, et audible, à jouer dans cette proximité avec le public. La direction enjouée et généreuse de Frédéric Tibone les laisse d’ailleurs presque seuls par moments, suggérant à peine quelque forte, guidant quelque accelerando, souriant après un solo remarquable… 

De fait chaque pupitre, cordes, vents, percussions, est d’une unité qui n’empêche pas la virtuosité individuelle. Ainsi Da-Min Kim, violon super soliste de l’orchestre,  dans Don Pasquale, mais aussi hautboïste, flutiste, clarinettiste solistes tout au long du concert, et un pupitre de cors qui sait jouer pianissimo. 

L’opéra est populaire ! 

L’orchestre enchaine les ouvertures et suites les plus difficiles du répertoire opératique italien, Rossini, Donizetti, Verdi, dont ils  ont une maitrise exceptionnelle, et dont le public apprécie le sens dramatique et le romantisme sans limite.  A l’Ouverture de la Chauve Souris (Johann Strauss fils) et sa valse prise sur un tempo d’enfer, succède la sublime Suite de Carmen, véritable traversée de l’opéra, tambour de basque, flute et harpe subtiles dans l’Aragonaise, et éclat formidable des Toréadors ! Chaque mouvement est applaudi, sans que les musiciens s’en offusquent : aller vers le public, c’est aussi admettre qu’il ne connaisse pas les rituels !

Après des applaudissements triomphaux, l’orchestre offrait en premier bis  l’ouverture de Guillaume Tell, dont tous les violons d’orchestre redoutent le long tricotage ! Sur un tempo d’enfer, ils passent l‘épreuve en souriant, et enchainent en reprenant en second bis le finale de la Suite de Carmen, que le public suit en tapant dans ses mains, en chantonnant parfois… 

Une vraie soirée d’amour entre un orchestre et sa ville ! Qui aurait sans doute mérité plus de confort pour les 2000 personnes rassemblées, dont la plupart ne voyait pas la scène, et aucun les percussions spectaculaires, tout au fond.

 JULIUS LAY

Le concert gratuit de l’orchestre philharmonique, temps fort de l’Eté Marseillais, a été donné sur le parvis de l’opéra le 22 juillet

Responsabilité d’envergure

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Bianca Costa © Céline Van Heel

Se renseigner sur Les Plages Electroniques a de quoi faire tourner la tête, entre les cinq différentes scènes et la programmation où s’enchaînent les têtes d’affiche. Programmation qui semble d’ailleurs réussie cette année puisque les grands noms de la musique électro et francophones côtoient les artistes moins connu·es voire en prise de vitesse. 

Pendant la première journée (le 4 août) s’enchaînent ainsi les sets de grand·es DJs français et étranger : le duo Ofenbach, Armin van Buuren ou encore The Blessed Madonna qui a pris d’assaut les dancefloors depuis 2021 avec le culte Marea en collaboration avec l’anglais Fred again.. . Cette journée sera aussi l’occasion de voir sur scène des artistes montantes, comme la DJ Zoovie Kazuyoshi et la chanteuse et productrice Eloi

Le 5 août, c’est DJ Snake qui sera sur la scène principale, suivi par l’un des plus gros noms de la French Touch en France : Pedro Winter. Le directeur du label Ed Banger fait la tournée des festivals pour « Ed Banger XX », une performance collective avec les artistes du label (Justice, Myd, Breakbot, entre autres) pour célébrer vingt ans d’ambiance en club. Pour enfoncer le clou, assister à un concert de la pile électrique qu’est Julien Granel promet d’être une expérience mémorable, au vu de l’engouement qu’il génère depuis la sortie de son album « Cooleur » en 2022. Enfin, sans relâchement possible, la journée du 6 août verra passer Aime Simone et Lomepal, sur les scènes « Terrasse » et « Plage ». 

Cette édition des Plages Electroniques, aussi chargée soit-elle, promet cependant de respecter des engagements sociaux et écologiques pour que le festival soit propre et se déroule en toute sérénité pour tous·tes. 

MATHIEU FRECHE

Les Plages Electroniques 
Du 4 au 6 août 
Cannes
plages-electroniques.com

Un musée où revisiter le passé

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expo Nous Fragments Musée de Préhistoire des gorges du Verdon mai23 © CJoly

L’approche des vestiges conduit, grâce aux équipes du musée, à une réflexion sur les pratiques, les modes de vie de la Préhistoire, et les confronte à ceux du monde contemporain. L’exposition temporaire Nous, Fragments, proposée par les auditeurs libres des ateliers de l’école d’art intercommunale Digne-les-Bains (idbl) explore les échos entre les gestes actuels et ceux des êtres qui ont vécu à l’époque de la grotte Chauvet ou de la grotte Cosquer. Si les arts évoluent, se dessine une certaine permanence quant aux savoir-faire, tissant une continuité parfois invisible entre les artistes d’il y a plus de 200 000 ans et ceux d’aujourd’hui. 

Peinture, gravure, formes modelées, sculptées, fragments de pierres taillées, d’os, de bois polis, façonnés, de terre travaillée, de fibres végétales, se croiseront, offrant leurs mystères aux interprétations, les inscrivant dans un temps, une histoire. Comment les interpréter, retracer les conditions de leur conception, de leur fabrication, de leur réception. En miroir, les œuvres actuelles de l’idbl reproduisent ces traces, imaginant leur histoire, les reproduire invite à une lecture, une compréhension. Les diverses strates temporelles se catapultent, titillant les esprits, leur faisant parcourir des mondes, et approfondir leur connaissance de ce qu’ils sont. Poétiques, les traces sont chargées de rêve et ne cessent de nous interroger. Questionnements aussi chargés de sens qui s’adressent autant aux spécialistes de l’archéologie qu’au grand public. 

Un village préhistorique dans le Verdon

Entre le musée et son parking, s’est déplacé le « village préhistorique » anciennement situé plus loin. Cinq habitats préhistoriques et un dolmen d’époques différentes livrent au visiteur un aperçu très juste des habitats anciens, reproduisant grandeur nature la Hutte de Terra Amata découverte sur les pentes du mont Boron (Nice, 380 000 ans avant le présent (AP)), l’un des rares sites à permettre la datation de l’apparition de la maîtrise du feu (400 000 ans AP), le tipi de Pincevent (commune de la Grande Paroisse en Seine-et-Marne), le plus grand gisement magdalénien fouillé en Europe, la cabane Charavines (des villages néolitiques du site de Colletière), la cabane en pierres sèches de Cambous (village préhistorique du département de l’Hérault), une maison de l’Âge de Bronze, enfin un dolmen provençal (qui n’était pas destiné à l’habitation mais aux sépultures). Ce Préhistosite, inauguré en avril de cette année, est aussi un lieu d’animation grand public pour le musée, offre son cadre à des présentations, des reconstitutions (fabrication du feu, cuisine, chasse…). Ajoutez à cela de nombreux rendez-vous, conférences, journées de la Préhistoire, cycles de conférences, l’autre exposition temporaire, Néolithique, les villages de Chalain & Clairvaux, Patrimoine de l’Humanité (cf article Zébuline), les visites à la grotte de la Baume Bonne… Le musée lieu de mémoire est aussi lieu de vie et de création.

MARYVONNE COLOMBANI

Nous, fragments
Jusqu’au 15 décembre
Musée de Préhistoire des Gorges du Verdon, Quinson
04 92 74 09 59 
museeprehistoire.com

La lutte et sa mémoire

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Christian de Leusse dans les années 80 © X-DR

Difficile, pour Christian de Leusse, de se souvenir de quand et pourquoi il a décidé de conserver tant d’archives. « J’ai toujours accumulé, emmagasiné. Cela remonte peut-être à ma formation à Sciences Po, et à cette habitude à laquelle nous incitaient tous nos professeurs : acheter Le Monde tous les jours. Mais, dès mon entrée dans la vie homosexuelle, j’ai ressenti le besoin, la manie de conserver des documents. J’ai vécu seul durant l’écrasante majorité de ma vie, et j’ai heureusement bénéficié d’un espace suffisamment grand pour stocker ces ressources qui s’accumulaient. Mais mes invités me demandaient souvent d’où me venait cette manie. » Aujourd’hui, les quelques quarante années conservées rue d’Aix semblent malgré tout à l’étroit : ils seront bientôt transférés au 94 boulevard de la Libération. L’association fondée par ses soins, Mémoire des sexualités, et dont il est aujourd’hui le co-secrétaire, entend dédier ce lieu à la conservation et à la consultation « raisonnée »de ces archives, qui « doivent être partagées mais aussi protégées, coûte que coûte ». Le projet, qui ambitionne également de faire de ce lieu un espace de vie et d’accueil, fait actuellement l’objet d’une campagne d’appel aux dons sur HelloAsso.

Une série d’avancées

C’est en 1979 que le militant rejoint le Groupe de Libération Homosexuelle avec grand fracas – il sera outé, cette année-là, par un reportage peu scrupuleux de Paris Match. Il constate très vite l’absence criante d’une documentation dédiée à la question. « L’association conserve à l’époque une petite année d’archives. Je l’enrichis durant les années suivantes de tous les documents que je trouve. »La tâche est alors, de son propre aveu, plutôt aisée, puisque les publications dédiées à l’homosexualité sont réduites à « portion congrue. Il y avait Gai Pied, Homophonie, Le Journal Lesbien… et c’est à peu près tout. Aujourd’hui, on recense près de 77 marches des fiertés. 77 ! Marseille avait emboîté le pas à Paris en 1994 – et j’y étais, bien entendu ! On est passés, en trente ans, de deux villes à 77 ! »Le militant de la cause homosexuelle, mais pas que, aujourd’hui âgé de 77 ans, a vu avec bonheur « les nouvelles initiales se greffer au L et au B, et les publications dédiées se diversifier, à l’infini ! ». Il y a environ cinq ans, de « jeunes militants formidables »le convainquent de céder ces archives, précieuses avant tout pour la perspective, vertigineuse, qu’elles offrent sur l’Histoire des luttes et des « nombreuses victoires et séries d’avancées »des LGBTQIA+. « On ne peut comprendre les luttes passées, comme celles d’aujourd’hui d’ailleurs, qu’en arborescence. »Le site Mémoire des sexualités, qu’il alimente abondamment, établit une chronologie documentée et problématisée de ces luttes. Il rit sous cape à plusieurs reprises, notamment lorsqu’il mentionne son dernier dossier, Gaudin et les pédés, qu’il se réjouit avec une joie enfantine de voir répertorié en ces termes sur Google.

À le voir s’y plonger, commenter, se reprendre, on conçoit l’étendue de cette connaissance dédiée aux personnalités marquantes, politiquement comme culturellement. Le souvenir de l’un convoque celui de l’autre, et la conversation rebondit très vite, sur tel fondateur de tel mouvement associatif, tel créateur d’un prix littéraire gay – dont il documente scrupuleusement les palmarès successifs. La joie demeure le maître mot de ces digressions et retours en arrière, que ne viennent jamais assombrir les pourtant tout aussi fréquentes tragédies. Les violences à l’égard des personnes LGBT n’ont « hélas, toujours pas disparu. », déplore-t-il en évoquant l’agression récente d’un couple de proches. On devine également que la question des déportations homosexuelles demeure un des combats les plus délicats de cet homme ayant imposé le dépôt d’une gerbe dédiée à la mémoire des homosexuels déportés le 30 avril : « Encore aujourd’hui, je suis confronté à ces gens me disant que “très peu” de personnes homosexuelles ont été déportées en France. Voire même pas du tout, à en croire certains se réfugiant derrière l’opacité de la bureaucratie française de l’époque en la matière. » Il évoque le cas de Pierre Seel avec émotion : la documentation dédiée à la déportation compte parmi les plus importantes et les plus répertoriées de son site d’archives.

Tout aussi intéressant demeure le souvenir éclairé qu’il a des coulisses, scissionnistes et autres fausses pistes. Ces « stigmatisations isolées qui parfois bloquent une série d’avancées : la réticence de certaines féministes radicales à une prise en charge de la prostitution, ou à la reconnaissance de la transidentité en font partie, à mon sens. Mais toutes les luttes n’ont pas toujours concordé, loin de là ! »

Tabous et blocages

Ces « blocages »qui, « généralement, précèdent une avancée vers la tolérance »n’ont rien d’exceptionnel. En témoigne la bienveillance sans faille des jeunes militants et militantes de la cause, lui qui a connu « une séparation plus nette entre gays et lesbiennes, parfois mâtinée de mépris, de méfiance. »Lui-même admet « nourrir aujourd’hui une empathie et une gentillesse plus grandes à l’égard des personnes queer et trans. Moulé que j’étais dans ma propre culture, j’ai eu besoin d’évoluer, de me renseigner, de comprendre. »Les similitudes entre la transphobie d’aujourd’hui et l’homophobie d’hier lui apparaissent aujourd’hui nombreuses : « Une fois encore, la France gagnerait à moins se braquer sur une hostilité de principe et à jeter un œil là où les avancées ont lieu. Souvent, c’est en Espagne que ça se passe. La prise en compte de l’autorité parentale, et la possibilité de changer de genre dès 16 ans… Le voilà, l’avenir. En France, ce sont aujourd’hui les parents, et d’ailleurs souvent les mères, qui se débrouillent avec la transidentité de leur enfant, sans aide, sans soutien. Mais cela changera très vite, j’en suis sûr. » 

SUZANNE CANESSA

Les imbéciles heureux qui sont nés quelque part

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Georges Brassens, né à Sète comme Jean Vilar, savait que l’identité provençale ou occitane a peu de sens et que le midi est relatif. Qu’un territoire aussi maritime, aussi frontalier, aussi sublime, se construit dans la richesse de ses métissages, de ses traversées et la multiplicité de ses histoires.  

Le petit fils de Pagnol revendique la propriété d’un château que son grand-père a acquis tardivement et revendu à des promoteurs, et qui doit sa légende au fait que l’écrivain, enfant, le traversait en clandestin, la peur au ventre. Sauvé des promoteurs, il est aujourd’hui un bien public, et si le petit-fils bénéficie encore des droits intellectuels d’œuvres qui ne sont pas tombées dans le domaine public, le Château « de » sa bisaïeule ne lui appartient pas plus qu’à elle.

À qui appartient la mémoire d’un  lieu, d’un territoire, d’une nation, la question se pose au Rocher Mistral, qui distord l’histoire, la transforme en show et détruit le terrain même qu’il prétend glorifier. L’identité provençale, revendiquée comme authentique et certifiée par les Félibriges, y fleure bon l’apologie des châteaux et des cathédrales, privilégiant une identité aristocratique et catholique chère à Vianney d’Alençon. Comment s’étonner alors si des imbéciles même pas heureux estiment qu’être né « ici » est un privilège qui vaut supériorité ? « Qu’ils retournent en Afrique » écrivent quelques crétins nuisibles pendant un concert de SOS Méditerranée à Marseille. « Retourne en Afrique », lance un policier à une femme indignée par l’assassinat de Nahel, exécuté pour un refus d’obtempérer sans mise en danger de la vie d’autrui, comme quinze autres personnes en un an. La cagnotte lancée au profit de la famille du policier assassin ne cesse de grossir, alimentée par des dizaines de milliers de donateurs. Des dizaines de milliers de personnes qui pensent qu’un enfant de 17 ans, qui ne menace personne, mérite la mort. 

Nahel est né ici, tout autant qu’eux. Il ne peut retourner nulle part. Quelle solution pour tous ces enfants français relégués dans des banlieues de plus en plus délaissées, en butte aux discriminations dans les magasins, dans les rues, lorsqu’ils cherchent un appartement, un travail, un stage ? 

Les nazis avant d’exterminer les juifs et les tziganes, les ont déclaré apatrides. Nés nulle part, comme Nahel. La première marche avant le génocide.

AGNÈS FRESCHEL

FESTIVAL D’AVIGNON : Envoûtantes Inventions

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INVENTIONS Mise en scene Maria Munoz, Pep Ramis, Textes John Berger, Nick Cave,
Erri de Luca © Christophe Raynaud de Lage

C’est une parenthèse douce, une heure lente qui s’ouvre dans la cour du lycée Saint-Joseph. Un quatuor à cordes s’accorde avec quatre chanteurs baroques, et huit danseurs exécutent leur partition captivante, entre les arches de la Cour Saint Joseph. Ainsi Pep Ramis et Maria Munoz poursuivent leur « Projet Bach », avec ce troisième volet consacré aux Inventions à trois voix, accompagnées d’improvisations, et de textes d’Erri de Luca, Nick Cave et John Berger. 

Car les interprètes parlent aussi, déclament des textes, comme plongés dans une perpétuelle recherche. Celui d’un endroit pour s’installer ? Ou sur la trace de mystérieux chevaux de lumière ? Peut-être simplement à la recherche de la valeur retrouvée des choses ? La narration est abstraite, faite d’éléments contraires et de tableaux qui se succèdent, mais le public se laisse porter…

Traversée céleste

Les pureté des voix lyriques se fond avec les envolées des cordes frottées et la chorégraphie. Musique et danse s’imbriquent et offrent comme une traversée céleste, où la danse contemporaine se serait débarrassée des carcans physiques du classique, retrouvant le naturel baroque, les techniques contemporaines libérées, un rapport égalitaire entre les corps d’hommes et de femmes. 

Les solos de danse légers, naturels, et laissent place à des duos nettement plus physiques et rythmés, comme si la rencontre des corps les sortait de leur état paisible. Les moments d’emballement collectif succèdent à des séquences de marche. Tantôt délicats, tantôt brutaux, les corps se cherchent. 

Les danseurs et les musiciens vêtus de noir, et d’un peu de couleur bois, contrastent avec le décor blanc épuré mais se répondent, comme la musique baroque et la danse contemporaine, comme les moments d’apaisement, de tranquillité qui ne durent qu’un temps, et sont suivis de montées en tension. Jusqu’à l’explosion finale, sonore et chorégraphique, où les notes filent sur les cordes dans un mouvement perpétuel, en rythme avec la danse.

RAFAEL BENABDELMOUMENE

Inventions était à voir jusqu’au 25 juillet dans la cour du lycée Saint-Joseph

JARDIN SONORE : Le baroud d’honneur du singe

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Sam, leadeuse militaire de la contestation © Mathieu Freche

La scène est impressionnante. Alors que moins d’une heure avant elle était montée pour le rappeur Zola, la grande scène du parc de Fontblanche montre à présent un décor totalement différent. Des hautes piles de livres et un décor de salon rococo donnent une ambiance particulière, et l’on sait que du très gros son va arriver. La tension monte alors que les techniciens sortent,  laissant le public à son impatience grandissante. Enfin les lumières s’éteignent, enfin résonnent les premières notes. 

C’est par I’m Picky que le show commence, l’un des gros hits des débuts du groupe. Le nom de Shaka Ponk a d’ailleurs longtemps été associé à l’un de leur plus gros succès commercial : le pop et reggae My Name Is Stain, issu du même album. Mais les albums plus récents du groupe français sont bien plus teintés de hard rock et de métal, et offrent un son plus propice à l’engagement politique et la critique sociale. 

Dansez sans moi

Un vaste écran entre les deux groupes de choristes projette des images du public et de Goz, la mascotte singe du groupe. Sam et Frah, les leaders de Shaka Ponk illustrent aussi leur interprétation de Tout le monde danse. Sam est assise au bord de la scène, habillée en treillis et chantant calmement le début de la chanson. Le reste du groupe libère ensuite un riff des plus lourds alors que sur l’écran s’affichent des images de confinement, de guerre, d’usines. 

Cette chanson conteste l’état de la France et du monde depuis la fin de la crise du Covid-19. Elle condense les protestations les plus récurrentes et apporte la réponse du groupe, qui « ne danse pas » pour ce qui est imposé au peuple : « Tout le monde danse quand ces gens-là claquent des doigts. Mais moi je danse pas. ». L’écran affiche des images du personnel politique français et du président Macron. Réaction immédiate du public. La chanson gagne en puissance jusqu’au clou du spectacle : tous les musiciens sur scène balancent le plus gros son qu’ils ont alors que s’affiche une animation d’un Emmanuel Macron marionnettiste menant des individus à leur chute. Explicite. 

Le reste du concert est un show digne de la renommée du groupe : une énergie captivante et contagieuse pour le public, amassé devant la scène, et une vraie cohésion des artistes avec ses fans pour l’une des dernières apparitions du groupe. On aimerait en demander encore. 

MATHIEU FRECHE

Shaka Ponk s’est produit au festival Jardin Sonore au domaine de Fontblanche à Vitrolles le 21 juillet