jeudi 18 septembre 2025
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Accueil Blog Page 266
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Moun Fou crédit Franck Petricenko

La ville est à nous toute

Entre mer et étang, usine et nature, ville et campagne, ciel et sable, tradition et créativité, Martigues est un joyau paradoxal, une « Venise provençale », un ici qui fait penser à des ailleurs et inspire les artistes. La ville qui a vu naître Felix Ziem ou Clara Luciani,qui a inspiré Dufyou Derain, est le décor parfait de La Cuisine au beurre et Titane, et aussi du sublime Toni de Jean Renoir…

Aimée des artistes en tant que ville populaire, Martigues construit patiemment une politique culturelle nouvelle et ambitieuse. En investissant massivement dans son conservatoire, sa médiathèque, son cinéma municipal, sa scène nationale, son musée Ziem, pour que chacun ait accès aux arts. En développant ses studios de cinéma qui sont aujourd’hui reconnus par tous comme un pôle d’excellence. En soutenant de façon très volontariste les artistes et opérateurs culturels du territoire, qu’ils soient centres nationaux ou groupe local de hip-hop. Et en affichant une politique estivale proposée gratuitement aux habitant·e·s : Fadas du Monde.

Le nom de la manifestation, qui n’est pas un festival et pas non plus seulement une programmation estivale, en dit bien l’esprit : un brin de folie, une connotation locale, et l’affirmation que la Provence n’est pas une identité rancie mais une porte ouverte à tous les vents du monde. Avec cependant cette année, en dehors du village, un gros problème d’absence de femmes dans les choix artistiques opérés par les centres sociaux, les associations partenaires et les services de la ville.

Au programme, masculin

Des rendez-vous réguliers auront lieu du 30 juin au 30 août. Tous gratuits. Mais (presque) tous aussi seront des rendez-vous avec des hommes. Ciné Fada se déplace dans tous les quartiers de Martigues pour seize projections en plein air. Un choix de programmation, opéré avec les centres sociaux et l’association Passeur d’images, franchement problématique. On est content de retrouver Si on chantait de Fabrice Maruca, West Side Story de Spielberg voire Les Minions ou Problemos de Éric Judor (film politico-parodique merveilleusement raté), mais il n’est plus possible aujourd’hui de proposer une programmation de seize réalisateurs sans réalisatrices. Les centres sociaux veulent ils faire entendre aux jeunes martégales que la réalisation n’appartient qu’à leurs frères ? Après la Palme d’Or de Titane, c’est un peu paradoxal ! Malheureusement les rendez-vous musicaux du Quartiers pop, qui tournera dans les quartiers, seront eux aussi tous masculins. Très chouettes et festifs, marseillais (ou ciotadens), mais masculins. Le dernier CD de Papet J est formidable, comme les systèmes mobiles des DJ de Mobylette Sound System ou du très ingénieux Walkabout Sound System, mais il est temps de montrer aux filles des quartiers qu’elles peuvent être DJ… Comment faire si elles n’en voient pas l’exemple ?

D’autant qu’elles n’en verront pas non plus dans les expositions. Pas dans Felix Ziem et la Méditerranée, pas non plus dans l’hommage photographique au 7e Art : les deux photographes invités sont Bernard Plossu et Stéphan Zaubitzer, eux aussi deux immenses artistes qui ne sont en rien responsables de la non mixité de la programmation, et qu’il faut aller voir ! Le travail de Zaubitzer sur les salles de cinéma du monde, plus ou moins désaffectées, est d’une nostalgie douce et amère ; et que le regard de Plossu, sa Cinégraphie, résonne effectivement comme un documentaire intérieur du monde.

La troisième édition de Sambouk, qui accueille durant 1 mois (du 8 juillet au 6 août) des artistes du monde arabe et du Moyen Orient, a retenu cette année Nadhem Bchini, cinéaste d’animation tunisien, Sid Ahmed Meddah, marionnettiste algérien. Ce sont eux qui proposeront aux enfants, petites filles et petits garçons, des ateliers, des discussions sur leur travail, des présentations de leurs œuvres.

Au programme (un peu) mixte

Les spectacles et concerts sont eux aussi très majoritairement masculins, mais avec quelques belles exceptions féminines, voire féministes. Le rock Oai Star marseillais, le reggae tout aussi marseillais de Joe Corbeau, le flamenco du martégal Éric Fernandez, ne jouent qu’entre hommes, mais Social dance est un trio pop mixte (marseillais lui aussi) et Czesare une auteure-compositrice-interprète montante très prometteuse, pourra, enfin, servir d’exemple aux jeunes filles… D’autant que l’excellent quatuor féminin occitan La Mal Coiffée lui succèdera, pour défendre les trobaïritz anciennes et nouvelles !

Quant à Rivages amers, un spectacle de danse et de mapping conçu conjointement par Enlight (quatre hommes vidéastes qui ont conçu le mapping) et Regard d’Orphée (sept danseurs dont deux danseuses), il propose un très beau regard sur la vie ouvrière, ses gestes, ses décors, à l’usine et aussi vers la mer… sans oublier qu’il y a aussi des ouvrières (merci pour elles) à l’heure où la secrétaire générale de la CGT est enfin une femme !

AGNÈS FRESCHEL

Fadas du Monde
Du 30 juin au 30 août
Divers lieux, Martigues
fadasdumonde.fr
Au Village sans prétention
Le Village, qui prend place au Théâtre de Verdure, au Jardin et à la Plage de Ferrières, est conçu, construit et programmé par les habitant·e·s, qui y travaillent depuis février en collaboration avec les services de la ville et les 8 Pillards de Marseille, qui sont surtout des Pillardes et n’ont pas oublié les femmes.
La programmation au Village est en cours de construction… mais on sait déjà qu’elle ouvrira avec Medusa, groupe féminin de cumbia marseillaise, qui déménage ! Elles seront suivies par Mouss et Hakim, nos deux frangins de Toulouse, motivés comme jamais, qui jouent aux Darons de la Garonne en reprenant Nougaro.
Après, place à Bobba Ash, rappeur marseillais des soirées Tue l’amour, puis au collectif de rap émergent La Frappe, créé par Marsatac. Ça va faire du bruit ! Et il y aura aussi KT Gorique, preuve vivante que les filles savent rapper et slamer, et sacrément bien !
La fête au Village se conclura par un grand bal afro antillais avec Difé Kako. Entretemps, ne pas rater Mon Fou, un spectacle déambulation de Rara Woulib, qui se construit avec les récits des « sans voix » de la société, les exclus du débat, dans chaque ville où la compagnie, riche de sa diversité, fait escale. Longuement, pour donner corps et puissance, chaque fois, à ceux, et celles, que la société ne sait pas voir. 
A.F.

Le Village
Du 24 juillet au 6 août
Anse de Ferrières, Martigues

Aix-en-Provence, capitale de l’opéra

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Theatre-de-lArcheveche-Festival-dAix-en-Provence-2022-©-Vincent-Beaume

Depuis 75 ans, le Festival d’Aix-en-Provence reçoit des artistes aussi fameux que reconnus, que ce soit sur scène, en fosse ou à la mise en scène.  L’opéra de Quat’sous de Brecht et Weill ouvrira les festivités, dans sa version d’origine avec dix multi-instrumentistes autour de Maxime Pascal. Thomas Ostermeier dirigera des acteurs de la Comédie-Française, avec notamment Elsa Lepoivre, Christian Hecq et Benjamin Lavernhe. Tradition oblige, Aix-en-Provence célèbrera Mozart avec Cosi fan tutte dirigé par Thomas Hengelbrock et mis en scène sous forme d’un jeu de rôle de couples par Dmitri Tcherniakov, ce qui devrait évoquer des souvenirs aux spectateurs de son Carmen de 2017.

La création mondiale du Festival au Jeu de Paume sera très attendue. Picture a day like this est signée George Benjamin et Martin Crimp, figures majeures de l’opéra contemporain, de retour à Aix onze ans après Written on skin. Sir George dirigera son œuvre et un casting vocal autour de l’incontournable mezzo Marianne Crebassa, sur une mise en scène de Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma.

Casting stellaire

Autre sir, Simon Rattle dirigera au Grand Théâtre de Provence (GTP) le prestigieux London Symphony Orchestra sur Wozzeck de Berg, revu et corrigé par Simon McBurney avec Christian Gerhaher dans le rôle-titre. Philip Venables verra lui la création européenne au Pavillon Noir de son dernier opus, The Faggots & Their Friends Between Revolutions, utopie-fantaisie queer adaptée de Larry Mitchell, co-créée et mise en scène par l’audacieux Ted Huffman.

Le Festival créera également l’événement avec trois opéras en version concertante au GTP réunissant des castings stellaires. L’immense vedette lyrique Jonas Kaufmann sera Otello, et fera face au Iago de Ludovic Tézier et à la Desdémone de Maria Agresta ; le public retrouvera en fosse Michele Mariotti et les Chœurs et Orchestre du Teatro San Carlo de Naples. Lucia di Lammermoor sera donné dans une rare version française avec la soprano Lisette Oropesa, née pour le rôle-titre qu’elle a chanté à la Scala, à Salzbourg et au Met, et ici en excellente compagnie (Florian Sempey qu’on ne présente plus, le ténor belcantiste montant Pene Pati, Nicolas Courjal, le chef Daniele Rustioni et son Orchestre de Lyon…). L’immense Anita Rachvelishvili et le ténor John Osborn porteront eux Le Prophète, grand-opéra de Meyerbeer trop négligé par le répertoire qui sera dirigé par Mark Elder.

Le Festival programmera en sus des opéras une quinzaine de concerts quatre étoiles : un récital de mélodies de l’incroyable Pretty Yende à l’Hôtel Maynier d’Oppède, la Missa Solemnis de Beethoven au GTP par l’Orchestre Balthasar Neumann, deux concerts symphoniques du London Symphony Orchestra avec la 7e de Mahler ou le concerto n°3 de Rachmaninov par Kirill Gerstein et dirigé par Susanna Mälkki… Une pluie de chefs-d’œuvre en perspective !

PAUL CANESSA

Festival d’Aix-en-Provence
Du 4 au 24 juillet
Divers lieux, Aix-en-Provence
festival-aix.com

Mon royaume pour une mandoline !

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ACADEMIE DE MANDOLINE ET GUITARE DE MARSEILLE

Pour sa troisième édition, le rendez-vous du plectre déjà devenu incontournable s’invitera à Marseille du 5 au 14 juillet. Et preuve du développement du festival, il s’ouvrira au Conservatoire le 5 juillet à 21 h par un grand concert « Mission Mandoline ». Un clin d’œil à Lalo Schifrin, célèbre compositeur de la B.O. de Mission Impossible et sollicité avec l’entrain d’un agent secret par Vincent Beer-Demander, grande figure de la mandoline française et directeur du festival, pour composer un concerto pour son instrument. Dans le programme de la soirée, on retrouvera Schifrin mais aussi Vladimir Cosma, Régis Campo et Nicolas Mazmanian, qui ont tous écrit pour Beer-Demander. À ses côtés, le public admirera la claveciniste Riho Ishikawa et l’Orchestre Philharmonique de Marseille dirigé par Benjamin Lévy.

Jeunesse et sommité

La cour du palais Carli recevra aussi le soliste Hamilton De Holanda le 10 juillet pour l’autre grand événement du festival, qui sera rediffusé par France Musique en septembre. Sommité mondiale de la mandoline, l’artiste brésilien sera accompagné de son compère Ricardo Sandoval et d’un orchestre de cent instruments à cordes pincées dirigé par Vincent Beer-Demander. Il interprètera la Suite Retratos de Radamès Gnattali et la Saudade da Selva Brasileira de Villa-Lobos, et créera sur sa bandolim brésilienne ses Caprices pour mandoline solo et orchestre et son Concertinho Colibri.

Comme les années précédentes, le festival mettra l’accent sur la formation et la jeunesse, avec notamment le ciné-concert gratuit des « minots » de l’Académie de Mandoline le 8 juillet, un grand concours international les 10 et 11 juillet, ou les concerts à travers la ville du jeune Quatuor à Plectre Phocéen. La Compagnie VBD célèbrera le 6 juillet à la Maison du Chant la chanson française avec le ténor Rémi Beer-Demander et la soprano Pascale Sicaud. Le Musée d’Histoire de Marseille verra le Quintette à plectres de France évoquer le vin en musique le 7 juillet, et le mandoliniste Tony Coullet partager son éclectisme le 9 juillet, de la harpe de Manon Opavska au rappeur Dooz Kawa. Le musée Granet à Aix-en-Provence accueillera le 14 Sinfonia Napoletana, une création sentant bon le baroque campanien avec Vincent Beer-Demander, Jean-Marc Aymes au clavecin, la soprano Raphaële Kennedy et le Quatuor Jardin Musical. Une clôture d’exception pour un festival célébrant chaque année un répertoire en devenir – sur lequel on espère retrouver, l’an prochain des compositrices !

PAUL CANESSA

Mandol’in Marseille Festival
Du 5 au 14 juillet
Divers lieux, Marseille
mandolinmarseillefestival.com

Extérieur nuit

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COLLEGE AUGUSTE RENOIR © Guillaume BARBERO CDST

Il se balade dans quelque 25 lieux marseillais. Le festival Ciné Plein-Air va de nouveau occuper cet été certains des plus beaux sites de la Ville. Dès la tombée des jours, les toiles se déploieront sous les étoiles. 35 films, 35 projections : des comédies, des drames, de l’animation, des blockbusters, des films du répertoire à découvrir ou à retrouver comme de vieux amis. Une programmation riche et variée qui donne à voir et à entendre avec de nombreux films musicaux. Des temps très forts jalonneront ces nuits d’été.  

Ainsi, le 18 juillet, le Théâtre Silvain accueillera Dorothy Gale alias Judy Garland, l’épouvantail sans cerveau, l’homme de fer blanc sans cœur et le lion sans courage dans un des films les plus célèbres de l’histoire du cinéma (classé au Registre International Mémoire du Monde) : Le Magicien d’Oz de Victor Fleming. Le 25 juillet, aux Archives départementales, on pourra savourer un autre grand classique qui n’a pas pris une ride,  toujours hilarant, inventif, et incisif : Les Temps Modernes de Charlie Chaplin (1936). Le 29 juillet, au Mucem, Robert Guédiguian présentera Les Neiges du Kilimandjaro (2011), un de ses meilleurs films, qui réunit à l’écran, entre drame et comédie, une fois de plus, Jean-Pierre Darroussin et Ariane Ascaride.  

Plaine de l’Ouest

Le 14 août, sur la place Jean Jaurès, plaines de l’Ouest et western spaghetti ! Terence Hill et Henri Fonda crèveront l’écran dans Mon nom est personne de Tonino Valerii et Sergio Leone. Les 25 et 26 août, de la musique avant toute chose au somptueux jardin du Pharo –John Morris et Léonard Berstein, compositeurs respectifs de Dirty Dancing (1987) et de West Side Story (version Steven Spielberg en 2021). Dans le premier, Jennifer Grey et Patrick Swayze réunis par Emile Ardolino, réchaufferont nos nuits déjà brûlantes, pour une danse ultra sensuelle. Dans le second, les Jets et les Sharks désunis n’en finiront pas de se battre et le poignant hymne à l’amour pour Maria de retentir.

Notons que cette édition revient le 19 juillet à son berceau : la place du Refuge – de nouveau ouverte au public après de longs travaux, où le premier Ciné Plein-Air a débuté avec sa programmation modeste de cinq longs métrages. On y projettera Comme un aimant (2000) réalisé par Akhenaton et Kamel Saleh, qui se déroule dans ce même quartier populaire du Panier, et propose une B.O. mythique !

Voir sur grand écran, en extérieur nuit, tous ces beaux films – madeleines pour les uns, découvertes pour les autres, cadeaux pour tous –, est un moment de plaisir à ne pas bouder.

ÉLISE PADOVANI

Ciné Plein-Air
Du 28 juin au 22 septembre
Divers lieux, Marseille
seances-speciales.fr

Les continents du jazz se retrouvent à Marseille

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Morcheeba

Pour cette nouvelle édition de Marseille Jazz des cinq continents, l’organisation nous a réservé quelques nouveautés. Le plus souvent des bonnes surprises certes, mais aussi des mauvaises. On est par exemple attristé par la fin des concerts conviviaux qui se tenaient sur la terrasse de la villa Gaby, surplombant la corniche et toute la rade de Marseille. Ces soirées, en amont de l’ouverture, mettaient en avant les musiciens talentueux de la scène locale. Autre chagrin, il n’y a plus que trois soirées au lieu des cinq traditionnelles programmées dans les jardins du palais Longchamp. Dur. Renseignements pris auprès du festival, les concerts de la villa Gaby disparaissent suite à la volonté de l’organisation de réduire les concerts hors les murs, qui sont nombreux avant et après les dates officielles du festival (le Parcours métropolitain compte seize dates et seize lieux entre le 1er juin et le 25 novembre) engendrant une surcharge de travail pour les équipes du festival. Quant aux deux soirées qui disparaissent de la programmation des jardins du palais Longchamp, c’est la conséquence directe d’une « baisse substantielle de subvention » de la part de la Ville de Marseille…

On sourit !

Par contre, deux nouvelles nettement plus souriantes : renouant avec le principe d’une date par édition dans un nouveau lieu, principe interrompu l’année dernière, le Marseille Jazz des cinq continents fera son ouverture au Théâtre de la Sucrière, l’amphithéâtre de 1200 places du parc François Billoux (15e arrondissement), le samedi 8 juillet, avec deux créations : la première est le fruit de la rencontre inédite de quatre jeunes musiciennes en pleine ascension : d’un côté la pianiste et chanteuse Clélya Abraham et la batteuse Ananda Brandão, étoiles montantes du jazz hexagonal et fines connaisseuses des musiques caribéennes ; de l’autre, la saxophoniste Sintia Piccin et la bassiste et chanteuse Ana Karina Sebastião, figures de l’inépuisable vivier de la musica popular brasileira. Concert d’ouverture qui sera suivi par la création de Kay, Lettre à un poète disparu, de Lamine Diagne, musicien et conteur, accompagné de ses musiciens, et du cinéaste Matthieu Verdeil, spectacle autour de la présence du poète jamaïcain Claude McKay à Marseille au milieu des années 1920, du temps de l’arrivée du jazz dans la ville.

Autre nouveauté réjouissante : l’invention d’un jazz club éphémère au Conservatoire Pierre Barbizet : ouvert du 24 au 27 juillet de 22 h à 2 h, d’où son nom : le JazzClub 222. Un hommage à Pierre Barbizet, illustre directeur du Conservatoire de Marseille, qui créait à Marseille il y a soixante ans exactement, dans son Conservatoire, la première classe de jazz de France. Il y aura, le 24, le trompettiste new-yorkais Michael Leonhart, le 25, Ishkero, groupe phare de la nouvelle scène française, le 26, ElliAViR, groupe lauréat du tremplin ReZZo de Jazz à Vienne 2022, et le 27, un Grand bal jazz autour de l’actuel directeur du Conservatoire, Raphaël Imbert, entouré d’un combo pétillant et joyeux. À noter qu’il est fort probable, vu la densité des artistes de jazz présents à Marseille à cette période, qu’il y ait quelques (très) belles surprises supplémentaires…

Et aussi

L’ADN du jazz, peut-être encore plus que dans toutes les autres musiques, est sa diversité. Elle est célébrée à chaque édition depuis sa création par le festival, et la programmation 2023 ne fera pas exception ! De la Vieille Charité (du 11 au 13/07), à l’abbaye Saint-Victor (le 16), au Mucem (le 19), au Théâtre Silvain (du 20 au 22) jusqu’aux jardins du palais Longchamp (du 25 au 27). Que ce soit avec la présence des très connus Brad Mehldau (le 13), Dianne Reeves (le 20), Chilly Gonzales (le 21), Marcus Miller (le 22), Gilberto Gil (le 25), Morcheeba et Selah Sue (le 27). Ou avec Dhafer Youssef (le 11) compositeur, maître du oud et vocaliste envoûtant, qui fait dialoguer l’influence du soufisme et le jazz, la musique indienne et les instruments électriques. L’éclosion de Samara Joy (le 25) chanteuse auréolée de deux Grammy Awards cette année : « Best Vocal Jazz Album » et « Best New Artist » ! Les mots d’Oxmo Puccino, qui dialoguera avec les lignes mélodiques du pianiste Yaron Herman (le 12). Ou encore la fusion orient-occident de Sarab, la sagesse du percussionniste Kahil El’Zabar (le 19), la fraîcheur et l’humour d’Emile Londonien, accordant culture clubbing et tradition du trio jazz, les ponts jetés vers le dub-step et les sonorités de la diaspora africaine, de la cumbia au calypso, par la saxophoniste et compositrice britannique Nubya Garcia, ou bien le voyage intime proposé par l’immense joueur de kora Ballaké Sissoko (le 16). Une infinité de mondes, pour tout le monde.

MARC VOIRY

Marseille Jazz des 5 continents
Du 11 au 27 juillet
Divers lieux, Marseille
marseillejazz.com

Danse d’envol et de mots à Châteauvallon

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Le musée des contradictions © DR

C’est un véritable retour aux sources pour Châteauvallon qui accueille, du 22 juin au 26 juillet, rien de moins que le Nederlands Dans Theater, Antoine Le Ménestrel, la Compagnie Accrorap et le Ballet de l’opéra national du Rhin ! Quatre propositions singulières comme autant de figures représentatives de l’art chorégraphique contemporain. Basé à La Haye, le Nederlands Dans Theater fondé en 1959 par Benjamin Harkarvy, Rudi van Dantzig et Hans Van Manen n’a cessé de se renouveler et de cheminer hors des sentiers battus pour s’imposer comme l’une des plus brillantes compagnies dans le monde. Pour preuve le diptyque The Big Crying chorégraphié par Marco Goecke et Bedtime Story par Nadav Zelner qui offrent aux interprètes un champ d’expression et de recherche gestuelle immense. Tout de noir vêtus pour mettre à nu le chagrin lié au deuil dans The Big Crying, opus très personnel de Marco Groecke, les danseurs déploient « une spectaculaire énergie au service d’une esthétique du désespoir » tandis que Bedtime Story les plongent dans un univers à la lisière du fantastique quand, au réveil, le rêve et le réel n’ont pas encore divorcé…

Avec le danseur-traçeur Antoine Le Menestrel, la poétique de la danse s’exprime au corps à corps avec la pierre des façades qu’il arpente à la fois majestueusement et humblement, pour dessiner d’émouvantes Lignes de vie. Récemment installé à la Friche la Belle de Mai à Marseille, Kader Attou convie des danseurs hip-hop du territoire à investir son propre univers le temps d’un Prélude « tout-terrain » propice à faire émerger un hip-hop renouvelé et métissé. Une belle entrée en matière pour sceller son implantation régionale.

Régulièrement invités par Châteauvallon-Liberté scène nationale avec leur Compagnie Des petits champs, les metteurs en scène Clément Hervieu-Léger et Daniel San Pedro (on se souvient de Yerma, Noces de sang, Andando Lorca 1936 ou encore Monsieur de Pouceaugnac) créent l’événement à double titre. Parce qu’ils s’allient au chorégraphe Bruno Bouché, directeur du CCN – Ballet de l’opéra national du Rhin depuis 2016, et se réapproprient le film magistral On achève bien les chevaux réalisé par Sydney Pollack sur l’histoire de couples en quête d’espoirs lors de la terrible crise sociale et économique de 1929 aux Etats-Unis. Gageons qu’ils n’entrainent pas littéralement les 32 danseurs du ballet et les huit comédiens à danser et jouer jusqu’à l’épuisement… total ! Une adaptation qui sans doute fera date car elle offre à la vue de tous la vulnérabilité de l’artiste et son engagement profond.

Pauses théâtrales et poétiques

Si le Festival d’été version 2022 a proposé pas moins de seize rendez-vous, toutes disciplines confondues, l’édition 2023 n’en compte plus que sept. Une restriction peut-être due à la présence au long cours de Bartabas (six représentations) avec son dernier ballet équestre Mozart – Requiem qui réunit pour l’occasion l’Académie équestre nationale du domaine de Versailles dont il assume l’encadrement depuis 2003, l’orchestre et le chœur de l’Opéra de Toulon dirigés par Nicolas Krüger. En 2019 déjà, Bartabas et son théâtre équestre Zingaro avaient fait les beaux jours de la scène nationale en investissant la plage du Mourillon à Toulon avec Ex Anima, un hommage au cheval en forme de rituel. Aujourd’hui, il s’inspire du rôle des chevaux dans les rites funéraires pour créer « une majestueuse offrande à Mozart – au risque de troubler les puristes » plus habitués aux versions « traditionnelles » du Requiem que celles additionnées de musique amplifiée.

Les lectures musicales résonnent particulièrement dans l’environnement boisé de Châteauvallon plus propice encore à l’écoute et à la proximité avec le verbe. Cet été, le comédien Alain Fromager – complice de Charles Berling dans la pièce Art de Yasmina Reza en 2017 – et le tambourinaire Daniel Leloux font entendre le langage déconstruit et recomposé du texte Héros-Limite du poète français d’origine roumaine Ghérasim Luca. Dans cette profération, « il y a place pour la relaxation, le rire, le foudroiement. Place également pour le désir, l’amour et la passion qui, passionnément, ne ment pas ». En prolongement de ce temps suspendu, le Collectif Ildi ! (Sophie Cattani et Antoine Openheim) fait sien Le Musée des contradictions d’Antoine Wauters, prix Goncourt de la nouvelle en 2022. Un recueil politique et poétique composé de douze discours qui permettent à l’auteur d’interroger notre monde, et au collectif de faire résonner au cœur de la forêt le « souffle ample et volubile » du texte.  Une belle manière de clôturer le festival sous les murmurations du vent et des mots.

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Festival d’été de Châteauvallon
Du 22 juin au 26 juillet
Châteauvallon, scène nationale d’Ollioules
chateauvallon-liberte.fr

Sortir de sa zone de confort

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« Le FID, c’est l’espace de tous les cinémas. » Cette affirmation s’affichait à l’écran en préambule de toutes les séances de cette 34e édition d’un festival qui se veut « prescripteur » et « défricheur ». Sur les terres cinématographiques (parfois incognitas) on a découvert des formes hybrides repoussant les frontières de genre, décloisonnant les expressions artistiques, explorant les thèmes de la mémoire et de la trace.

Ainsi, en compétition internationale, La Terminal de l’Argentin Gustavo Fontán, plaçant sa caméra dans une gare routière à Cordoba. Loin d’une approche documentaire, le réalisateur prend le parti de l’ombre, du flou, des compositions serrées jusqu’à l’abstraction, de la répétition, de la succession de plans fixes, pour exprimer l’esprit du lieu. Là, le temps se suspend aux attentes. Là des amours sont nées, sont mortes, et hantent ce terminal où rien ne s’arrête. Récits racontés en voix off, interrompant de quelques mots, la musique concrète des grincements, claquements de portes et ronronnements des moteurs.

Sobriété et pudeur

Trace et mémoire encore dans le magnifique et poignant Background de Khaled Abdulwahed, auquel le jury, présidé par Angela Schanelec, a décerné le Grand Prix. Conversation du réalisateur émigré en Allemagne avec son père bloqué en Syrie. À partir de quelques photos retrouvées, restaurées, d’archives véritables ou recréées par collages numériques, il reconstitue l’itinéraire de cet homme 60 ans plus tôt, en Allemagne de l’Est où on l’avait envoyé étudier dans le cadre de l’Internationale Socialiste. Retrouver la trace du jeune étudiant qui avait des cheveux et un sourire timide, se rendre dans ses anciennes écoles, ses lieux de travail et de loisirs à Leipzig, Dresde…. Qu’importe si l’Allemagne contemporaine n’est plus celle des années 1950. Une fenêtre ouverte sur des immeubles ou sur un réverbère dorant la neige qui tombe, la façade monumentale d’une université, des cheminées d’usine, une rivière, suffisent à convoquer le passé. Par des moyens minimalistes, avec sobriété et pudeur, le cinéaste qui est aussi photographe, donne présence à l’absent et fait revenir celui qu’il n’a pas pu faire venir. Histoire intime qui croise la grande et « sa grande hache ».

Cette Histoire des massacres collectifs du XXe siècle, placée hors temps, décontextualisée par  le dispositif imaginé par Selma Doborac dans son glacial De Facto. Deux acteurs filmés séparément en plan taille, fixe, dans le même décor aseptisé, entre une table-miroir, froide comme un lit d’autopsie et en fond unique, derrière les vitres, une forêt. Le premier, jeune, vêtu de noir, impassible, monologue, en un flux rapide et continu, assumant à la première personne, le discours de tous les criminels de guerre, détaillant jusqu’au vertige l’expérience des camps de concentration, les récits des nettoyages génocidaires, les tortures, le zèle et la bestialité soldatesques, le mécanisme bien rôdé de la déshumanisation. Un discours de la méthode rationnel, froid, hygiéniste. Le second, plus âgé, dans un autre monologue tout aussi dense, manipule les concepts : le Mal, la noirceur de la nature humaine, la culpabilité, la responsabilité. Il expose la logique de l’horreur. Le « tu » qu’il emploie s’adresse-t-il à ce qu’incarne le premier ? Ou à nous, « frères humains » ?

Les films sélectionnés par le FID, en première mondiale ou internationale, ne laissent jamais indifférents. Ils nous font presque toujours sortir de notre zone de confort, déstabilisés, troublés, bouleversés. Sonnés mais éveillés.

ÉLISE PADOVANI

Photo BACKGROUND de Khaled Abdulwahed @ PONG

Le FIDMarseille s’est déroulé du 4 au 9 juillet 2023.

Palmarès de la 34ème édition :

Grand Prix de la Compétition Internationale : Background, Khaled Abdulwahed

Prix Georges de Beauregard international : O Mariheiro Yohei Yamakado

Grand Prix de la Compétition française : Dans le Silence et dans le Bruit, Clément Roussier, Hadrien Mossah

Mention Spéciale du Jury et Prix d’Aide à la Distribution (GNCR) : L’Ile Damien Manivel

Prix Georges Beauregard national : Que quelque chose vienne, Mathilde Girard

Prix de la Compétition Premier Film : Sofia Foi, Pedro Geraldo

Prix de la Compétition Flash : Trouble, Miranda Pennell

Prix Alice Guy : Two Giants that exist here-A German Fairytale, Gianna Scholfen

Prix Renaud Victor et Prix du Public : Nos Iles, Aliha Thalien

Prix CNAP : La Renaissance, Nader Ayache

Prix Européen des Lycéens : An Evening Song, Graham Swon

À Vence, de la musique malgré tout

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Maria Sigaa©XDR

Les festivals ressentent les effets de la crise économique. Celui des Nuits du Sud qui œuvre depuis quelques vingt-six ans, se heurte au budget limité de la commune de Vence, sévèrement touchée par l’inflation. Aussi, l’édition 2023, certes maintenue (la question de son arrêt pur et simple a été posée) présente une formule réduite et entièrement gratuite en guise de compensation pour les festivaliers dont le pouvoir d’achat est en baisse. La place du Grand Jardin sera investie les 28 et 29 juillet pour huit concerts (quatre par soirée) dont la programmation met en avant une palette variée dessinée par une phalange d’artistes confirmés.

Une programmation métissée

On écoutera la chanteuse, instrumentiste et compositrice Mariaa Siga qui a remporté le One Riddim Contest du label Baco Records. L’auteur-interprète niçois Mas Kit fusionnera diverses influences musicales, trap, afro, pop-pock, rap, Brain Damage déclinera les accents de son dub français, tandis que Manudigital, « le plus international des beatmakers français sur la scène reggae mondiale » offrira son show électro-dub accompagné du MC Caporal Negus qui « s’éparpille comme un puzzle ». Le lendemain sera tout aussi festif grâce au Summer feeling de Jude Todd, auteur-compositeur d’indie pop anglaise que l’on a pu découvrir en première partie de Charlie Winston, Louane ou Benjamin Biolay (ses titres Regular Guy et West Coast ont été choisis comme « chanson de la semaine » à la BBC).

Suivront les sonorités éclectiques du jeune auteur-compositeur niçois Adrï qui développe une musique singulière entre hip-hop et pop au cœur de l’émotion. Le groupe Alligatorz (qui a joué plusieurs fois en Amérique du Sud, Argentine, Brésil Colombie, Pérou) métissera les musiques latines principalement brésiliennes (samba, bossa, baile funk) et un hip-hop vocal US mâtiné d’électro. Enfin Pfel & Greem (membres de C2C, mais aussi de Beat Torrent pour l’un et Hocus Pocus pour l’autre) font s’entrechoquer l’électro, le hip-hop et la bass music. Les machines deviennent vivantes lorsqu’ils en jouent. Le Grand Jardin de Vence va danser !

MARYVONNE COLOMBANI

Nuits du Sud
28 et 29 juillet
Place du Grand jardin, Vence
04 93 58 40 17
nuitsdusud.com

Jazz à Juan se féminise

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Samara Joy ∏ Meredith Truax

Dans cet Hollywood azuréen du jazz, fondé en 1961, il y a un « Walk of Fame » du jazz, le long de la pinède Gould, qui accueille tous les concerts du festival depuis sa seconde édition (1962) : les trottoirs du boulevard Baudoin, où quelques géants du genre ont scellé leurs empreintes de mains, parmi lesquels Ray Charles, Sonny Rollins, Claude Luter, Stéphane Grappelli, Archie Shepp, Oscar Peterson, Wynton Marsalis, BB King, Marcus Miller, George Benson, Keith Jarrett ou encore Michel Petrucciani. Pas beaucoup d’empreintes de géantes, me direz-vous…. You’re right ! Mais désormais, de nouvelles empreintes vont s’y inscrire chaque année, et il se trouve qu’à cette 62e édition, elles sont enfin nombreuses les jazzwomen à Jazz à Juan. Début d’un cercle vertueux ?

Avant, pendant, après

Cette année, le festival accueillera donc sur sa scène Samara Joy (new-yorkaise de 23 ans, auréolée de deux Grammy Awards), Dee Dee Bridgewater, Lizz Wright (chanteuse de jazz et de soul originaire de Géorgie (États-Unis)), la saxophoniste française Sophie Alour, Imany (chanteuse aux accents blues-folk d’origine comorienne), Angélique Kidjo, Fatoumata Diawara, Youn Sun Nah (chanteuse jazz-pop sud-coréenne) et Melody Gardot. Côté hommes, entre autres : Mathis Pascaud et Hugh Colman pour un hommage à Dr John, Joe Bonamassa, Jacob Collier, Brad Meldhau, Branford Marsalis, Thomas Dutronc, Cory Wong, et Nile Rogers. Nouveauté 2023 du festival, un before et un after (il faudra être muni d’un billet) : le before, dès l’ouverture de la Pinède Gould à 19 h, foodtrucks, tables et chaises sous les pins, partie de pétanque et autre loisir convivial, le tout ambiancé par un DJ. L’after sera organisé sur la plage (supplément de 15 € – limité à 100 personnes), pour siroter un verre les pieds dans l’eau, au rythme des vagues et de la musique, jusqu’à 1 h.

MARC VOIRY

Jazz à Juan
Du 10 au 21 juillet
Pinède Gould, Juan-les-Pins
jazzajuan.com

Luise, entre les lignes

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Adaptée d’un court roman de D.H. Lawrence The Fox, le dernier film de Matthias Luthardt, Luise, substitue la campagne alsacienne à l’anglaise. Et l’année 1918 à l’année 1914. Par ce déplacement spatio-temporel, le réalisateur allemand s’approprie l’histoire du romancier anglais. Il en conserve toutefois l’essentiel : un triangle « amoureux » en huis clos au cœur d’un conflit qu’on ne verra ni n’entendra mais dont la lourde menace crée la situation d’exception sur laquelle repose la dramaturgie.

Luise (Luise Aschenbrenner) vit seule dans une ferme alsacienne isolée. La région est allemande depuis 50 ans. Luise parle alsacien, allemand et français. Sa mère déjà veuve vient de mourir. À voir la calme beauté des paysages, on ne pourrait pas imaginer que le front et sa boucherie quotidienne ne sont pas loin. Une jeune française Hélène (Christa Theret) fait irruption, poursuivie par Hermann (Leonard Kunz), un soldat allemand blessé. L’armée de Ludendorff recherche un déserteur, traque une française ennemie. Luise cache, héberge les deux fugitifs, et glisse peu à peu dans le jeu des désirs, des regards, des dévoilements et des dévoiements. Hermann ne parle et ne comprend que l’allemand. Hélène ne parle que le français, Luise devient peu à peu le pivot et l’enjeu de relations complexes exacerbées par le confinement. À petits pas, à petits gestes, elle va se découvrir, se dénuder, se libérer.

Entre chien et loup

Une tentative de viol, un capitaine tué en légitime défense… de ce qui s’est passé avant, on n’aura que des bribes. Des personnages, on ne saura pas grand chose non plus. On imagine la vie de Luise, fille unique élevée dans la foi chrétienne par des parents aimants. Celle plus compliquée d’Hélène farouchement athée, marquée dans sa chair par un père protestant qui n’acceptait pas son homosexualité. On devine les quatre ans de combat du pieux et rustre Hermann, sa vie antérieure bien normée dans un village teuton soudé par la parole biblique. Ce qui compte, c’est ce qui se passe là, entre chien et loup, dans la lumière naturelle des jours et le clair-obscur des nuits où les bougies et les lampes à pétrole font flotter les visages sur un fond noir. Ce qui se joue là, entre celle qui croyait au ciel et celle qui n’y croyait pas. Guettées par le Renard.

Les gestes du travail (la traite de la vache, la préparation des repas, les travaux des champs) saisis souvent en très gros plans, ancrent les corps dans la trivialité, et jalonnent la progression de sentiments qui fluctuent, comme les lignes des armées, les frontières géopolitiques, les orientations sexuelles, les limites de l’humanité. Souvent rattaché à l’École de Berlin, Matthias Luthardt – dont Cannes en 2006 avait primé le premier long métrage Pingpong, revient à la fiction après de nombreux documentaires. Dans une mise en scène sobre et épurée, il filme le trouble avec netteté et la faiblesse avec force.

ÉLISE PADOVANI

Luise, de Matthias Luthardt

photo @ Pyramide Distribution

En salles le 5 juillet