jeudi 18 septembre 2025
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Avignon : un été pour feuilleter Jean Vilar

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Julien Perrier dans « Bazar Vilar » de Dominique Houdard © YOAN LOUDET

Notable innovation, la directrice Nathalie Cabrera installe, non pas un mais trois spectacles, dans les murs de la Maison Jean Vilar. À commencer par le jardin de Mons, pour lequel Gwenaël Morin, à l’initiative du Festival d’Avignon, signe un bail de quatre ans et présente, dès cet été,sonSonge d’une nuit d’été de Shakespeare, à partir du 8 juillet.

Mitoyenne à l’écrin de verdure, la salle de La Mouette, sera le théâtre d’une transmission. Créé en 2015 par Dominique Houdart, le Bazar Vilar restitue l’odyssée vilarienne, de la mercerie sétoise aux utopies avignonnaises. Julien Perrier s’approprie les bobines, l’escabeau, la machine et le dé à coudre, détournés par le créateur, véritable référence du théâtre d’objet. Ce nouveau Bazar sera représenté du 14 au 16 juillet, après une première, le 13, à la Chartreuse.

Plusieurs épisodes

Auparavant et toujours à destination du jeune public, KiLLT, Ki lira le texte, production des Tréteaux de France, plongera une poignée de visiteurs dans un salon, tapissé de mots pour supporter les maux (du 10 au 14 juillet). Côté livre, la Librairie du Festival réintègre le rez-de-chaussée, de même que ses animations dédiées, d’abord avec Partage de Midi, dialogues avec un auteur chaque jour, du 9 au 19 juillet, ainsi que Les Douze heures des auteurs, le mercredi 12 de midi à minuit, à la découverte des écritures d’aujourd’hui.

Mais l’évènement d’été demeure Feuilletons Vilar ! oùNathalie Cabrera puise dans Jean Vilar, une biographie épistolaire, publiée aux édition Actes Sud, en collaboration avec l’Association Jean Vilar, la matière d’une Grande Lecture. Le découpage en douze épisodes est confié à une actrice et un acteur, différents chaque jour, au service des échanges entre le créateur du Festival et diverses personnalités dont André Malraux, Maria Casares, Sylvia Monfort, Gérard Philipe… (du 9 au 20 juillet, 11 heures, dans la Calade).

MICHEL FLANDRIN

La Maison Jean Vilar pendant le Festival d’Avignon
Jusqu’au 25 juillet
maisonjeanvilar.org


Stars Académie

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© Vincent Beaume

Sous la houlette de leur professeur Kirill Gerstein, les musiciens de l’Académie du Festival d’Aix-en-Provence proposeront ce 5 juilletun concert ambitieux, comportant notamment l’arrangement pour ensemble de chambre de la Symphonie n°4 de Mahler. Mais aussi des trios de Brahms et de Ligeti, ouvrant quelque peu la programmation jusqu’alors très sage d’Aix en Juin et de ses nombreux concerts gratuits en amont du Festival d’Aix-en-Provence. Le directeur adjoint de l’Académie Paul Briottet se félicite pourtant de « la fidélité des spectateurs de ces concerts gratuits, qui permet aux musiciens de gagner en visibilité auprès du public, mais également de professionnels qui se font de plus en plus nombreux au festival. »Si certains sont déjà de « vrais pros, qui ont pour la plupart déjà un agent, des dates importantes dans leur pays d’origine », le festival d’Aix en Juin leur permet de « se déployer, dans tous les sens du terme : de s’ouvrir à d’autres publics, d’ouvrir leur réflexion. »

L’occasion de rappeler pour cet habitué de l’Académie, pour laquelle il travaille depuis 2012 mais dont il est « un spectateur assidu depuis à peu près 1993 », forme désormais des musiciens mais également des metteurs et metteuses en scène, sous l’autorité bienveillante de Katie Mitchell. « Ted Huffmann et Philip Venables, tous deux présents sur cette édition, ont également été membres de l’Académie. Il ne s’agit pas d’une simple formation, mais bien d’un accompagnement, d’un mouvement autour de la création même », précise Paul Briottet.

Un public au rendez-vous

Ce 29 juin, le cours Mirabeau s’est une fois de plus rempli d’un public d’amateurs et de novices pour son concert Parade(s), faisant entendre l’ensemble de son Académie de chant sur des airs célèbres de la trilogie Mozart – Da Ponte, commentée avec un sens de la synthèse et une joie communicatives rares par Timothée Picard, dramaturge du festival. L’orchestre certes très amplifié du Balthasar Neumann Ensemble laissa présager, sur l’ouverture de Cosi Fan Tutte, une performance à ne pas manquer ; et ce dès la première de ce 5 juillet !

Les concerts de l’Académie donnés à l’Hôtel Maynier d’Oppède, et permettant de découvrir les 28 et 29 juin dernier des instrumentistes merveilleux, ont également conquis une assemblée conséquente sur des pages pourtant bien éloignées de ces tubes. Bien qu’on puisse déceler dans l’Octuor pour cordes et vents de Schubert, véritable curiosité, et dans le Quintette pour vents et piano deBeethoven des accents mozartiens assez savoureux.  

SUZANNE CANESSA

Parade(s) s’est tenu le 29 juin sur le cours Mirabeau, dans le cadre du festival Aix en Juin.

G.R.O.O.V.E. : la fiction précède le réel

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G.R.O.O.V.E de Bintou Dembélé © Christophe Raynaud de Lage

En 2019 avec Les Indes galantes, la chorégraphe Bintou Dembélé avait marqué les esprits en introduisant l’esprit insurrectionnel à l’Opéra de Paris. À Marseille, et dès ce soir à Avignon, G.R.O.O.V.E. est une clef pour comprendre pourquoi notre réel s’embrase.

Le spectacle est déambulatoire. Il veut nous déplacer, nous emmener avec lui vers une conscientisation, peu à peu, durant trois heures. Il commence au cinéma, par la projection de trois courts métrages explicites qui marquent le contexte social et historique des danses hip-hop, ou plus généralement groove, et populaires. Contre l’apartheid, la misère, l’homophobie, issues de traditions millénaires comme en Inde du Sud, ces danses telluriques, ancrées dans le sol, le rythme, la performance, affirment toutes la présence physique, et niée, des « intouchables », des racisés. Dans chaque culture.

Après les films, le public sort de la salle. Bintou Dembélé présente les artistes, dédie le spectacle à Nahel, reçoit de très longs applaudissements. Une communion de vue s’installe, et les parcours commencent. On s’assied en rond autour d’un chant suspendu, d’un solo de danse, d’une cithare. Les installations d’un public très nombreux, autour de chaque forme, sont un peu laborieuses, pour des interventions parfois anecdotiques. Le doute vient.

Puis il y a cette scène, frappante, d’un corps assassiné qu’un groupe silencieux traine longuement à terre, puis suspend, soulève, tandis que tout autour du public des dizaines de costumes vides s’élèvent, comme autant de victimes anonymes des violences et ségrégations racistes.

Le poing levé

Il est temps alors de réunir les groupes et de cheminer, en procession, vers le théâtre. D’y assister aux Indes galantes. L’opéra de Rameau et sa célèbre « Danse des Sauvages » boucle le parcours, et inscrit la danse dans l’histoire coloniale de la France. Les danseurs entrent sur scène comme des robots asservis, indifférenciés, souffrants. Puis ils relèvent la tête, frappent des pieds, exécutent des soli d’une virtuosité folle, se démembrant, tournant sur la tête, renversés. Le groupe fait corps autour des individus, éclatants de talent et de force. Et lorsqu’ils lèvent le poing, libérés, l’insurrection est là…

C’est pourtant au partage qu’ils invitent le public, qu’ils viennent chercher un à un pour danser avec eux. Pour que la fête succède à l’oppression. Pas sûr que, pour cette fin-là, la fiction précède le réel. À Marseille, le 30 juin, c’est la violence qui attendait le public à sa sortie du spectacle. Trop tard pour se comprendre ?

AGNÈS FRESCHEL

G.R.O.O.V.E.
Du 5 au 10 juillet à 17 h, relâche le 7
Départ cinéma Utopia
festival-avignon.com

Vaison Danses fait le grand écart

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Alice © Ho Chao-Sheng

Le festival Vaison Danses a construit son succès sur une ligne de force : accueillir de grands corps de ballets aux styles et aux esthétiques éclectiques. Cet été, place à la Suisse avec le Béjart Ballet Lausanne, la France avec Hervé Koubi, la Compagnie XY et le Ballet Preljocaj, et Taïwan avec B. Dance. Une programmation au spectre large concoctée par Pierre-François Heuclin, directeur artistique du festival depuis 2017, qui a su renouveler le festival en invitant durant ses trois premières années de mandat des artistes jusque-là absents. Tel est le cas d’Hervé Koubi, invité pour la première fois en 2018 avec Les Nuits barbares ou les premiers matins du monde, présent cette année avec Sol Invictus en première mondiale. Un opus qui s’inscrit « dans la trace de la douce séquence orientaliste de Ce que le jour doit à la nuit et dans la violence de Nuits barbares, mais dans une forme plus épurée, « encore terrienne, mais moins martiale ». Et avec une compagnie où désormais les femmes ont leur place ! Autre retour très attendu, celui d’Angelin Preljocaj qui propose sa version personnelle du Lac des cygnes, ballet emblématique de ses chorégraphies narratives, en contrepoint de son conceptuel Gravité sur la scène du théâtre antique en 2021.

Une pépite taïwanaise

Découverte au festival On y danse (aussi) l’été en 2019 avec Rage, la Compagnie B. Dance dirigée par Po-Cheng Tsai est saisissante de virtuosité et d’expressivité. Si Rage a longuement imprégné nos rétines par la performance de ses interprètes et la rigueur de sa structure chorégraphique, qu’en sera-t-il d’Alice proposée ici en première européenne ? On nous annonce « une chorégraphie à couper le souffle, des costumes haute couture et une scénographie élégante » qui donneront naissance à un pays des merveilles à coup sûr particulier. Serait-ce la rencontre improbable du monde fantastique de Lewis Carroll avec l’art du zen… 

Grand écart

En invitant la Compagnie XY, Vaison Danses jette un pont entre art chorégraphique et art du cirque dans ce qu’il a de plus inventif et de plus performant. Depuis quinze ans, le collectif, fort de quarante acrobates, œuvre à la création de grandes formes dont Möbius, son cinquième spectacle, qui convoque 19 d’entre-eux à explorer le vertige à travers portés, voltiges et pirouettes. Une forme poétique à couper le souffle conçue avec le chorégraphe Rachid Ouramdane.

Hommage

Enfin, Vaison Danses fait un saut dans le temps en compagnie du Béjart Ballet de Lausanne autour d’un triple programme en forme d’hommage au maitre qui a marqué l’histoire du festival. Pour le plaisir de voir ou revoir les pièces de Maurice Béjart le Boléro de 1961 et 7 danses grecques de 1983, et de Gil Roman qui lui a succédé en 2007 : Alors on danse… !, création 2022. La boucle est bouclée.

MARIE GODFRIN-GUIDICELLI

Vaison Danses
Du 11 au 26 juillet
Théâtre antique, Vaison-la-Romaine
vaison-danses.com

Paula, rester en apnée

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« La vie s’écoule dans l’espoir pour demain. D’une manière ou d’une autre, j’oublierai ton parfum, j’avancerai comme le fait la rivière droit devant, sans jamais retourner en arrière. Et comme chaque souffle nous rapproche de la mort, je resterai en apnée. » La chanson de Rebeka Warrior qui a composé la musique du premier film d’Angela Ottobah, Paula, fait écho aux espoirs du spectateur qui, pendant une heure et demie, a vécu à coté de cette petite fille de onze ans dans un huis clos en pleine nature.

Tout commence à Paris. Paula (Aline Hélan-Boudon) vit avec son père, Joseph, (Finnegan Oldfield) en convalescence, encore sous oxygène. Elle s’occupe des courses, en sortant du collège où elle s’ennuie et multiplie les bêtises. Ses seuls amis, Achille (Salomon Diallo) un jeune garçon et Moncoco, un doux lapin blanc. Pour les deux mois de vacances, son père lui réserve une surprise : une jolie maison dans un cadre idyllique au bord d’un étang. Une aubaine pour Paula qui fait de la plongée en apnée et aime la nature. Mais peu à peu, tout doucement, un malaise s’installe ; ils vont rester dans ce lieu perdu au delà de l’été. Ce père trop présent, trop proche, pris dans ses certitudes existentielles, éducatives, alimentaires, enferme sa fille dans un amour envahissant, exclusif, malade. Pas de lait, c’est pour les veaux ! Pas de sucre qui abime le cerveau ! Exercices physiques obligatoires. Il surveille tout, même les appels téléphoniques avec la mère, en mission en Corée. Il la coupe de tous, l’obligeant même à relâcher en pleine forêt son lapin blanc : elle lui est trop attachée.

Amour fou

Peu à peu, il l’embarque dans sa folie : la séquence où ayant décidé de se débarrasser de choses superflues, ils se mettent à tout casser, à faire un grand feu de joie, est hallucinante. La caméra de la talentueuse Lucie Baudinaud filme les deux corps qui dansent à la lueur des flammes et le visage de Laura souvent entre interrogation, amour pour son père malade ou peur. Car l’emprise grandit de jour en jour ; il lui vole même son espace, sa chambre, abattant les cloisons. Il l’a déscolarisée. C’est lui qui lui donnera des cours « elle a besoin d’un accompagnement spécialisé», affirme-t-il à l’assistante sociale venue contrôler. Il ne faut pas qu’elle lui échappe et il la forge telle qu’il le désire, prêt à écarter par les paroles ou la violence ceux qui pourraient aider Paula à sortir de cet amour envahissant et destructeur. Les deux acteurs, Aline Hélan-Boudon et Finnegan Oldfield sont parfaits. La caméra filme, souvent en plans serrés, la douceur insidieuse, les gestes tendres qui emprisonnent, le manque de la mère, la main de Paula qui caresse un silure au fond du lac ou son lapin blanc dont elle devra toucher les viscères, l’ayant retrouvé mort. On pense à Répulsion de Polanski, à La Nuit du chasseur de Laughton parfois. Les paysages, autour de l’étang de Taysse (en Corrèze) et les séquences sous l’eau sont superbement cadrés et la musique de Rebeka Warrior ajoute à l’ambiance de ce premier film, très fort, qui vous prend à la gorge et vous plonge en apnée dans les eaux troubles de la folie.

ANNIE GAVA

Paula, d’Angela Ottobah
En salles le 19 juillet

Mercredi, tout est permis

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Mirage(c)edu-rull

Comme chaque été, le Citron Jaune s’allie aux Soirées du Port Côté Docks pour proposer une programmation arts de la rue, en marge de la sardinade hebdomadaire qui investit joyeusement le quai de la Libération de l’industrieuse Port-Saint-Louis-du-Rhône. Cette année, Les Mercredis du Port allient fantaisies graphiques, manipulations d’objets et melting pot d’époques et de traditions. Coup d’envoi le 5 juillet avec Poi de la compagnie Cia D’es Tro, étonnant jonglage sur d’énormes toupies de bois, construites par l’artiste majorquin Guillem Vizcaino lui-même, dont les gainages de cordes renvoient aux silhouettes des bateaux environnants. En deuxième partie de soirée, place à un art oratoire décoiffant : avec Leçons impertinentes par Zou, l’espiègle Maëlle Mays aborde frontalement le sujet des relations amoureuses – drague, consentement, histoire du baiser… Une carte du tendre à parcourir en compagnie des  plus jeunes (dès 10 ans).

Danse et cirque

Le 12 juillet, l’entêtant ballet Yin Zéro de la Compagnie Monad prend le relais : les jupes virevoltantes de Cyrille Humen et Van-Kim Tran tournoient pour réinventer un rituel de transe moderne, conviant danse derviche et jonglage contact. Plus tard dans la soirée, le chorégraphe catalan Quim Bigas incarne dans l’inclassable performance Molar les diverses représentations possibles du bonheur : mises en partage, ces gestuelles créent immanquablement la liesse parmi le public assemblé, car oui, le bonheur peut être contagieux ! Autre chorégraphie participative le 19 juillet, avec Mirage (un jour de fête) : les huit danseurs de la compagnie Dyptik s’y inspirent des différentes cultures au milieu de fanions suspendus, puisant leur énergie décomplexée tant dans le hip-hop que dans les danses traditionnelles et le cirque.

Clôture en musique avec la Fanfara Station (Tunisie, États-Unis, Italie), présente dès le mercredi matin sur le marché hebdomadaire. Puis fin des festivités le 26 juillet : les enfants du quartier Vauban ouvrent le bal avec la restitution des ateliers de cirque Le fil d’Arianne. Place ensuite à un classique du cirque hors les murs, pour un moment suspendu de contemplation : le funambule Damien Droin en apesanteur sur son fil, défiant l’horizon et la pesanteur sur une structure rappelant celle d’un vaisseau amiral (Home, Hors surface). Final participatif avec Tsef zon(e), qui ressuscite la puissante vitalité intergénérationnelle du fest noz breton. Aux côtés de Pauline Sonnic et Nolwenn Ferry du duo C’hoari, mise en jambe dès le mercredi matin, sur le marché local ! Chaque mercredi, l’équipe du Citron Jaune, quant à elle, tient guinguette avec des boissons bio, tandis que restaurateurs et producteurs locaux régalent les papilles. Entre nous, on vous conseille le loup en papillote… À déguster au cœur de la foule, ou en marge sur un banc, mirant le promesse d’un horizon lointain par-delà de la Plage Napoléon.

JULIE BORDENAVE

Les Mercredis du Port
Du 5 au 26 juillet
Quai de la Libération, Port-Saint-Louis-du-Rhône
lecitronjaune.com

Les Suds, à Arles, boussole du monde

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© Florent Gardin / Arles Photographie.

Zébuline. Transmission, hybridation, création et appropriation. Ce sont les quatre termes que vous associez pour définir ce que sont les musiques du monde perçues et défendues par Les Suds, à Arles.

Stéphane Krasniewski. J’ai ressenti le besoin de réaffirmer notre vision des musiques du monde. Ce sont des musiques que l’on peine parfois à définir alors qu’elles sont à l’origine de toutes les autres. On peut avoir du mal à les entendre alors qu’elles sont écoutées partout. Et ces quatre valeurs sont celles sur quoi on fonde notre action. Ces musiques se transmettent pour diverses raisons. Cette année, on accueille beaucoup d’artistes qui illustrent de belle manière cette notion de transmission, aussi bien dans l’espace que dans le temps : de Perrate (10 juillet) à Maya Kamaty (le 14) en passant par la famille Chemirani (le 13). Ce sont des porteurs de mémoire car leurs musiques puisent leur inspiration dans un patrimoine et se transforment. On en arrive à l’hybridation. Il y a des projets qui se métissent sans rien perdre de leur force et de leur particularité. Ils nous racontent le monde d’aujourd’hui en faisant référence à une histoire, une culture. Je citerai les chants kurdes de Meral Polat Trio (14 juillet) ou le dialogue fécond entre Ballaké Cissoko, Segal, Peirani et Parisien (le 12 avec Les Égarés). Avec ces exemples se pose le questionnement d’actualité sur l’appropriation culturelle c’est-à-dire la légitimité des artistes à s’approprier un langage qui n’est pas le leur. Or j’ai le sentiment que les musiques du monde ne sont finalement que ça. Tinariwen (11 juillet), dans leur dernier projet, intègre des éléments de country dont le banjo qui est un descendant du guembri. Les musiques du monde sont des aller-retours incessants. Les questions légitimes d’appropriation, qu’il faut traiter, ne doivent pas nous enfermer ni être un frein à la créativité. Si on fige tout, cela peut devenir très dangereux.
Enfin, la programmation présente plusieurs créations. Celle de Serge Teyssot-Gay et Thibault Brunet (10 juillet), dont on est à l’origine, sur les stigmates, les cicatrices d’un événement comme les effondrements de la rue d’Aubagne, à Marseille. Celle des Chemirani ou encore la rencontre entre Rokia Koné et Raül Refree (le 12).

Cette 28e édition est particulièrement audacieuse car elle fait le pari de se passer de têtes d’affiche, telles que Bernard Lavilliers, Gaël Faye, Ibrahim Maalouf ou -M- pour citer celles programmées ces dernières années. On avait pourtant cru comprendre qu’elles étaient indispensables à l’équilibre et au succès du festival. Pourquoi ce choix ?

Je ne dis pas qu’on ne fera plus appel à elles. On a eu l’envie et la volonté cette année de s’inscrire à contre-courant de la course à la tête d’affiche qui finit par alimenter une machine semble devenir un  peu folle. On est face à une inflation assez forte des coûts de production des festivals – technique, assurance, restauration, hébergement… – mais aussi des cachets des têtes d’affiche. En se posant la question de notre responsabilité dans cette inflation, on a décidé de ne pas l’alimenter. Cette édition a donc l’ambition de prouver que l’identité du festival est suffisamment forte pour que le public puisse nous suivre sans nécessairement la présence de noms « grand public ». La Nuit Cumbia, par exemple, ne propose que des artistes inconnus en France ! C’est un pari, il n’est pas gagné, mais on est plutôt optimiste.

Il apparaît également un souci d’équilibre plus marqué entre les continents ou du moins les régions du monde et donc les grands courants musicaux auxquelles on peut les identifier…
On n’a pas une liste de cases à cocher mais on est vigilants. On essaie de respecter des grands équilibres pour être le plus, si ce n’est exhaustif, en tous cas le plus représentatif de la musique qui se fait aujourd’hui à travers le monde et de notre société. C’est donc, notamment, une édition paritaire. On n’en fait pas critères, mais quand on construit la programmation des Suds, tous ces questionnements sont sous-jacents. On sait intuitivement ce qui manque et on essaie de le corriger par la programmation. Si par exemple les artistes venus du Mali sont légèrement sur-représentés cette année, c’est non seulement parce que c’est un pays important sur le plan de la diffusion des musiques d’Afrique subsahariennes mais aussi l’occasion de remettre la lumière sur un pays en grande souffrance.

Comme régulièrement, un Moment précieux, ces concerts plus intimistes, est déplacé au théâtre antique pour le 14 juillet. Cette année, il s’agit du Trio SR9 (14 juillet) dont c’est l’unique date de l’été. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

C’est une proposition du label No Format ! sur laquelle j’ai craqué. La plupart des morceaux sont des titres connus internationalement, qui prennent une dimension incroyable. Ce projet, fin et intelligent, nous permet de comprendre pourquoi ils sont devenus des tubes. Il y a quelque chose dans la construction des morceaux qui, dépouillés de tous les oripeaux de la production, recentrés sur leur essence, ont une force incroyable. C’est aussi dû à l’interprétation des chanteuses et chanteurs invités sur le disque et qu’on retrouvera pour la plupart sur scène. Le spectacle n’a existé qu’une fois, à Paris, et n’avait initialement pas vocation à perdurer. La deuxième fois est chez nous et la troisième à L’Olympia en octobre. Seront présents à Arles, autour du Trio SR9, La Chica, Sandra NKaké, Malik Djoudi, Camille, Barbara Pravi et Flèche Love.

ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUDOVIC TOMAS

Les Suds, à Arles
Du 10 au 16 juillet
Divers lieux, Arles
suds-arles.com

Les femmes peignent

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Wook-kyung Choi dans son studio-1971©Estate of Wook-Kyung Choi et Kukje Gallery

L’expressionisme abstrait serait un mouvement américain, et ses grands en seraient Jackson Pollock, Mark Rothko et Robert Motherwell ? Si les encyclopédies et catalogues d’expositions citent aussi Lee Krasner parmi une la trentaine d’artistes hommes (blancs) du mouvement né à New York juste après la guerre, elle paraît bien seule…

L’exposition de 85 œuvres de peintres et chorégraphes des années 1940 à 1970 a pour but de mettre au jour les « ignorées », comme les nommait Anne Eden Gibson, dans son essai paru en 1998 Abstract expressionism, Other Politics, où elle souligne la place des femmes mais aussi des noirs comme Norman Lewis.

L’exposition Action, Geste, Peinture – Femmes dans l’abstraction, une histoire mondiale, 1940-1970 prolonge cette démarche de visibilisation des femmes à l’échelle du monde, en montrant qu’il y avait des peintres abstraites bien au-delà de New York et des États-Unis. Comme Bertina Lopes, aka Mama Be, Mozambicaine exilée en Italie, ou la Coréenne Wook-kyung Choi. Ou comme les 72 peintres ou plasticiennes exposées, et mises en regard avec les performances de treize chorégraphes, Martha Graham et Trisha Brown, mais aussi Yvonne Rainer ou Yayoi Kusama. Car les gestes des peintres de l’expressionisme abstrait sont profondément inspirés par ceux des pionnières de la danse contemporaine, qui elles-mêmes sont marquées par les studios et les mouvements des sculpteurs et peintres de l’époque.

Et van Gogh ?

L’exposition, inaugurée à la Whitechapel Galleryde Londres en février, ira après Arles au Künsthalle de Bielenfeld. Conçue et produite par les trois musées, elle prend cependant à Arles un relief particulier, en entrant également en dialogue avec cinq tableaux de van Gogh, une série intitulée « Sols fertiles ». La terre, la neige, la végétation, y prennent l’essentiel du cadre, et ligne d’horizon disparaît pour concentrer le regard sur les sols.

Van Gogh précurseur de l’expressionisme gestuel ? Ces cinq tableaux figuratifs s’attachent davantage au geste et à la matière vivante, et à la vibration des couleurs, qu’à une représentation impressionniste du réel…

AGNÈS FRESCHEL

Vincent van Gogh : Sols fertiles
Cinq peintures de Paris, Arles et Saint-Rémy-de-Provence
Du 3 juin au 22 octobre
Fondation Van Gogh, Arles
fondation-vincentvangogh-arles.org

Visites commentées tous les jours à 11h30 et 15h
Action, geste, peinture : femmes dans l'abstraction, une histoire mondiale (1940-1970)

Rencontres d’Arles : de la photographie consciente

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Fazla Rabbi Fatiq ©DR

Membre depuis l’année dernière du Collectif des festivals éco-responsables et solidaires (COFEES), les Rencontres d’Arles insistent fortement cette année sur sa dimension « engagée, solidaire et responsable », annonçant s’engager désormais plus concrètement dans une démarche RSO (responsabilité sociale des organisations). Une édition où, du 3 juillet au 24 septembre, vont résonner les grands débats du moment, autour de l’environnement, du genre, des luttes des minorités… à travers des expositions déployées en six séquences thématiques : De films en images, Mises en scènes, Revisiter, Géographies du regard, Réminiscences, Émergences. Le tout va traverser comme de bonne habitude tous les genres de la photographie (documentaire, plasticienne, vernaculaire, …) et rendre hommage à de grandes figures de la photographie, tout en valorisant la création contemporaine.

Il fait chaud

La question du réchauffement climatique, qui met particulièrement sous pression Arles et la Camargue, a poussé les Rencontres à sonder leur environnement proche, tout en s’interrogeant sur la respirabilité de ses lieux d’exposition. À Ground Control, ancienne halle industrielle de la SNCF, on y trouvera donc dans une « scénographie métallique réutilisable et démontable qui laisse circuler l’air » l’exposition Soleil Gris d’Éric Tabuchi et Nelly Monnier, saisissant les constructions les plus banales de France, de la ferme aux HLM en passant par les PMU ou les stations-services, sous un ciel gris : une tonalité de ciel qui risque de disparaître du paysage bientôt… Dans Ici près, au Monoprix, Mathieu Asselin, Tanja Engelberts et Sheng-Wen Lo vont présenter trois projets traitant des nuisances variées qui menacent l’équilibre écologique d’Arles et de ses environs, s’attachant à l’industrie, aux transports, à la vie animale et au réseau de distribution d’eau. Dans Insolare présentée au cloître Saint-Trophime, Eva Nielsen procède à une mise en image de la sédimentation des paysages solaires et liquides de la Camargue, qu’elle est allée observer sur le vaste îlot triangulaire formé par le golfe du Lion et la bifurcation du Rhône aux portes d’Arles. Et dans Les Enfants du fleuve, présenté au jardin d’Été, Yohanne Lamoulère s’intéresse au Rhône, qu’elle a remonté à contre-courant sur une embarcation fabriqué en matériaux de récup, de son delta jusqu’à son glacier.

Têtes d’affiche

Parmi les grandes figures de la photographie présentes à Arles cette année trois sont américaines : Gregory Crewdson, dont l’exposition à la Mécanique Générale réunit la trilogie, Cathedral of the Pines, An Eclipse of Moths et Eveningside : des photographies de facture cinématographique, spectaculaires, dix ans d’Amérique, entre 2012 et 2022, « un monde happé par une brutalité lente ». Le palais de l’Archevêché accueillera lui une rétrospective Saul Leiter, peintre et photographe, qui a exploré pendant 60 ans le tumulte de New York, paradigme de la modernité. Et au Parc des ateliers, ce sera Diane Airbus, 450 tirages (!) présentés sous la forme d’une installation immersive : Constellation. D’autres pointures, cinéastes, seront présentes par l’intermédiaire de leurs photographies ou de leurs « scrapbooks » mêlant photos, journal intime, dessins, timbres, cartes postales, coupures de presse, etc. Les photographies, ce seront celles de la Pointe Courte, quartier populaire de l’étang de Thau, réalisés par Agnès Varda, avant d’y ancrer son premier film tourné en 1954 (cloître Saint-Trophime). Et les polaroïds de Wim Wenders, pris lors de la préparation de L’Ami américain, film noir sorti en 1977 (Espace Van Gogh) qui contribuera fortement à sa reconnaissance. Quant aux scrapbooks, ils seront signés Derek Jarman, Jim Jarmusch, Stanley Kubrick et Chris Marker (Espace Van Gogh).

Cryptoportiques

À noter : les rencontres ouvrent un nouveau lieu d’exposition, les cryptoportiques, galeries souterraines vieilles de plus de 2 000 ans, qui formaient le soubassement de l’ancien forum de la ville romaine. Ils vont accueillir l’exposition de Juliette Agnel La main de l’enfant réalisées dans les grottes préhistoriques d’Arcy-sur-Cure, réflexion en images sur le temps, les traces, la lumière et l’obscurité.

MARC VOIRY

Rencontres d’Arles
Du 3 juillet au 24 septembre
Divers Lieux, Arles et alentours
rencontres-arles.com

Toute une Semaine à co-vivre

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La Beluga ©DR

Des ateliers pour apprendre à fabriquer ses cosmétiques ou à reconnaître le goût de l’eau, à réparer ses objets cassés et son vélo ; un marché local, avec Amap, vrac et maraichage ; des forums pour parler sècheresse ou alimentation durable, pour co-construire et éco-rénover ; une super guinguette et des jeux de société… La Semaine Convivència est un véritable carrefour de la nécessaire transition pour une planète vivable, et des alternatives à une consommation délétère.

Puis, dès 19h30, la scène accueille des découvertes, avant les concerts du soir.

Le 8 juillet, en ouverture, une création de Meryem Koufi. La chanteuse subtile que l’on avait découverte dans son flamenco poétique et féministe retrouve aujourd’hui le répertoire algérien et arabo-andalou, accompagnée au mandoluth par Hakim Hamadouche. Pour un hommage aux grandes voix féminines…

Le 9 juillet La Beluga, non pas la baleine mais l’étincelle en occitan. Le trio distille la rencontre, entre poésie persane ou trobairitz féministes, instruments médiévaux et ordinateurs, musique trad et rythmiques multiples.

Le 10 juillet le chaâbi pop de Jawhar ! Il chante de sa voix chaude, en arabe, sa Tunisie, sur des rythmiques lancinantes, avec une nostalgie émouvante.

Le 11 juillet, c’est tout le sud italien, des Pouilles à Naples et la Sicile, la Sardaigne, que le duo féminin Nannani traversera. Il suffit d’un accordéon, et d’une chanteuse à la voix rauque qui sait vibrer et monter, et toute la tragédie des femmes que l’on dit fortes est là.

La semaine se conclura le 12 juillet avec la fougue des Fatum Fatras. Quatre garçons et une fille qui aiment les chapeaux, les Balkans, l’esprit fanfare mais au cordeau, le klezmer, le rebetiko et les mélismes. Et vous fait danser ou pleurer, dans un esprit intemporel !

A.F.

Semaine Convivència
Du 8 au 12 juillet
Boulodrome Daillan, Arles
convivenciaarles.wixsite.com