mercredi 2 octobre 2024
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AVIGNON OFF  : Les monstres du consumérisme

Alain Timar met en scène Rinocerii, de Ionesco, avec une troupe roumaine. Une actualisation des enjeux, déplacés dans une société en voie de transformation capitaliste

Quels monstres menacent la société roumaine ? Alain Timar, qui avait déjà mis en scène un Rhinocéros coréen anti-capitaliste, n’y va pas par quatre chemins : ses rhinocéros, transformés en bibendums qui rappellent les bonhommes Michelin, poussent des caddies d’un air réjoui, et décervelé. Et la montée des totalitarismes dénoncés par le dramaturge franco-roumain -nazisme, stalinisme et fascismes en tous genres- apparaît comme transposable aux sociétés de consommation dans lesquelles le monde, dans sa globalité, est aujourd’hui plongé. 

Dans cette société roumaine contemporaine, marquée par l’histoire communiste, les individus séduits par cette nouvelle rhinocérite mettent en pièce leur héritage. Ionesco s’y connaissait en conversion totalitaire, lui qui fut élevé en partie en Roumanie par un père successivement carliste, fasciste puis stalinien, puis qui assista à l’arrivée des nazis en France, et à la conversion des Français au régime de Vichy. Mais il n’imaginait pas cette forme d’absolutisme. 

Pourtant la métamorphose des humains en bêtes y suit le même processus logique : il y a les enthousiastes qui suivent d’emblée, les incrédules qui cèdent par pragmatisme, les suiveurs, les idéalistes qui changent d’idéal, les syllogistes qui construisent des raisonnements pervers. Puis Daisy, qui ne se sent pas apte à sauver le monde. Bérenger, fêtard, paresseux, inadapté à la société, est finalement le seul qui résiste. 

La scénographie resserre l’espace autour de lui, envahi jusque dans son intimité. La langue roumaine, magnifique, sonne comme un chant latin pas tout à fait inconnu. Et si on regrette par moments un jeu burlesque appuyé, et des valses de caddies qui reviennent trop souvent, la transposition de la fable est efficace, et Răzvan Bănuț particulièrement convainquant en Bérenger nonchalant.

AGNES FRESCHEL

Rinocerii s'est joué au Théâtre des Halles, Avignon, jusqu’au 26 juillet
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