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Du choix et de la liberté

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©L'Ouvre-boîte

Le nouveau spectacle de Jeanne Béziers, Prends garde à toi ! est une commande du Relais des Possibles à l’occasion de son quarantième anniversaire. Cette association cherche à apporter des solutions concrètes contre les ségrégations, les violences faites aux femmes et aux enfants. Prolongeant le travail mené avec Mikhaël Piccone et son équipe du Calms autour de l’opéra de Bizet, Carmen, le Relais des Possibles a souhaité le faire aboutir par un spectacle. La collaboration avec Jeanne Béziers est devenue évidente, la comédienne et dramaturge, excelle (entre autres talents) dans l’écoute et la translittération des paroles recueillies (comme dans Riquet, Opéra Miroir).  

L’artiste et ses complices ont enregistré des témoignages de résidentes du Relais des Possibles, et les ont incorporés au récit de l’histoire de Carmen et son « pervers narcissique » Don José. La narration de la nouvelle de Mérimée se voit augmentée des vies qui affleurent en troublants parallèles. La distanciation entre le rôle joué et la vie vécue se délite : les quatre acteurs-chanteurs-musiciens sont à la fois les résidentes du Relais des Possibles, les personnages de l’opéra, les metteurs en scène, les meneurs de jeu, en une confusion fructueuse qui accorde à Carmen une dimension universelle, et remet les thèmes à l’endroit : oui Carmen est le symbole d’une femme libre, mais elle est la victime. Le modèle qui survit est celui de Michaela, soumise, fade, mais qui entre parfaitement dans les modèles instaurés par le patriarcat. Il est question de pouvoir, de domination, d’asservissement, de liberté enfin qui ne peut exister que dans et par l’égalité. Les musiques de Martin Mabz (chant, jeu, piano) croisent celle de Bizet, apportent dissonances et contrechants signifiants, soulignées par les batterie et percussions de l’inénarrable Jean-Philippe Barrios tandis qu’Isabelle Desmero (chant, jeu, orgue) tient tête à Jeanne Béziers (chant, jeu). Le tout est animé d’une énergie salvatrice et jubilatoire. Le rire permet d’échapper à un pathos facile et nous pousse vers l’analyse et la réflexion. La légèreté se conjugue ici à la profondeur avec intelligence. Bravo !

MARYVONNE COLOMBANI

Prends garde à toi ! a été donné le 2 juin, en sortie de résidence à L’Ouvre-Boîte, Aix-en-Provence

À venir
17 juin : extrait du spectacle parc Rambot (Aix-en-Provence)
22 juin : création place Verdun (devant le Palais de Justice), Aix-en-Provence

La Vague Classique déferle sur Six-Fours !

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Mathilde Calderini et Anais Gaudemard dans la cour d'honneur de la Maison du Cygne le 10 juin © Six-Fours-les-Plages Vague Classique

Grâce à son époustouflante programmation, la Vague Classique fait entrer avec ses Nuits du Cygne Six-Fours-les-Plages dans le cercle très fermé des festivals internationaux. Le jeune pianiste russe, Alexander Malofeev, venait ainsi en soliste avec un ensemble de pièces oniriques dont la fluide interprétation s’accordait au cadre du parc de la Maison du Cygne. Le célébrissime Clair de lune de Beethoven ouvrait la soirée. Le premier mouvement et sa mélodie au dessin en épure délicatement posée sur le phrasé ostinato de la main gauche prend des allures de méditation poétique. La jeunesse du pianiste ajoute à une technique virtuose la sensation de fragilité d’une âme qui s’adresse au monde, ourle les ombres de la 2e Sonate op. 35 dite Funèbre de Chopin d’une palette aux nuances infinies, prolongées comme en écho par le  Prélude en ut dièse mineur et le Nocturne en ré bémol majeur pour la main gauche de Scriabine, dont la mystique trouve ici une bouleversante intériorité. Y répondent des pièces de Rachmaninov, équilibre funambulesque entre rigueur et expression avant la théâtrale Paraphrase de concert sur l’ouverture de Tannhäuser de Liszt qui transcende le manichéisme en une fusion entre scintillements tentateurs et ligne dépouillée de la pureté…

Lumineuses interprètes

Le dernier bis offert à un public subjugué l’emportait dans l’énergie mécanique et espiègle de la Toccata de Prokofiev. Éblouissements que prolongeait le duo composé par la subtile harpiste Anaïs Gaudemard, sans doute l’une des plus brillantes de sa génération, et la flûtiste Mathilde Calderini. Avec finesse, les deux jeunes artistes conviaient à un voyage dans le temps et la géographie : on s’arqueboute à l’incontournable socle qu’est Jean-Sébastien Bach, puis l’on s’embarque avec Debussy, on s’égare avec Saint-Saëns, on danse avec Bartok, on s’émeut avec la Danse des Esprits bienheureux de Gluck (le rappel familier de Nelson Freire), avant que Piazzola ne nous raconte l’Histoire du tango. La précision, le sens aigu des nuances, de la mélodie, des registres, des paysages, des variations de tempi, étaient exaltés par les personnalités lumineuses des interprètes. Délectations de gourmets !

MARYVONNE COLOMBANI

Concerts donnés dans le cadre des Nuits du Cygne les 8 et l0 juin à la Maison du Cygne, Six-Fours-les-Plages.

À venir
17 et 18 juin
Week-end de clôture avec Gauthier Capuçon

« Le Processus de Paix », couple comique

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On connait Ilan  Klipper pour ses explorations des frontières entre raison et folie,  intégration et marginalité. Par le documentaire ou la fiction ( Funambules, Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête), il a mis en lumière des personnes-personnages, riches d’une humanité fragile, cherchant à se définir par rapport à une norme. Avec Le Processus de Paix, le réalisateur s’essaie à la comédie et nous plonge dans le quotidien banal, trivial, d’un couple hétéro lambda. Quadragénaires urbains, middle class, dix ans de mariage au compteur, deux enfants – fille et garçon pour le parfait équilibre. Une famille Ricoré en somme – avec toutefois un peu plus de désordre dans l’appartement, un lave vaisselle à vider, des couches sales, des pleurs de bébé, des cris et crises, et une crudité non édulcorée, absente de la célèbre publicité. Une normalité qui ne satisfait plus personne et frise la folie. Simon (Damien Bonnard) est juif non pratiquant soumis à une mère tyrannique, féministe, non conformiste, grand- mère volontiers indigne, interprétée malicieusement par Ariane Ascaride. Il est professeur d’histoire à l’Université. Tout en étant un père et époux « moderne » (c’est à dire qui partage les charges domestiques et éducatives), il croit au mariage dans sa forme traditionnelle et à la famille. Marie (Camille Chamoux qui a co-écrit le scénario) présente Point G. une émission radio sur les désirs des femmes, réprimant les siens et rongeant son frein devant les injustices de son milieu professionnel. Tous deux s’aiment encore mais ne se supportent plus. Ah ! les portes de placard laissées ouvertes ! Les poils sur le canapé et les divergences éducatives ! Comment font les autres ?

La sœur de Simon, Esther (Sabrina Seyvecou), et  son conjoint Jérôme (Sofian Khammes) vivent l’apocalypse permanente avec quatre moutards explosifs, et finiront par divorcer en chantant « S’aimer comme on se quitte » un grand sourire aux lèvres. Nadia, la collègue de travail de Marie (impériale Jeanne Balibar) a choisi le célibat et consomme quasi compulsivement tous les mâles «  baisables » à la ronde. Le patron de la radio, (Laurent Poitrenaux) drapé de son autorité, papillonne. Tel limite la cohabitation avec la mère de ses enfants à de courtes vacances sans eux. Tel autre déplore la fin du mâle Alpha cause selon les thèses réactionnaires bien connues de la déconfiture des familles. Le couple est au centre des conversations dans les soirées privées comme au travail. Chacun donne ses « ficelles ». La paix des ménages serait-elle une guerre de position ? Pour enclencher la pacification et rendre leur vie plus supportable, inspirée par le modèle de la charte de co-parentalité que leur explique un ami, Simon et Marie décident de rédiger la leur : la Charte universelle des droits du couple en dix commandements et de les suivre tant bien que mal. Mais la raison peut-elle remédier aux frustrations ? Peut-on « gérer » la vie et l’amour par un traité diplomatique ? Le propos, au fond, reste dans la lignée des réflexions de Ilan Klipper sur la norme – conjugale ici, et sur tout ce qui la « déborde ». Le film, nourri d’expériences personnelles, selon le réalisateur et sa co-scénariste, ne manque pas de charme jusque dans la caricature assumée. Mais,  loin de la grâce subtile du Voyage en Italie de Sophie Letourneur, de la noirceur viscérale de Bergman et de l’acuité analytique d’un Woody Allen, magistraux sur le sujet, Le Processus de paix reste au niveau d’un discours ambiant ressassé par les médias. L’analogie avec le conflit israélo-palestinien enseigné par Simon à la fac, peut également paraître contestable, voire dérangeante. Il n’y a jamais eu de mariage d’amour entre les belligérants du Moyen-Orient, ni d’enfants d’un même lit à élever. Quelle que soit la violence générée par une mésentente maritale, ce n’est définitivement pas de la même guerre dont on parle.

ÉLISE PADOVANI

Le processus de la paix, de Ilan Klipper
En salles le 14 juin

Chien de la casse, le meilleur ami de l’homme

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© SylverePetit

Un  chien de la casse, c’est un être agressif comme un chien de garde. C’est aussi le titre du premier long métrage de Jean-Baptiste Durand, un film âpre et doux à la fois, comme ses personnages, Dog (Anthony Bajon) et Mirales (Raphael Quénard), toujours accompagné de son chien, Malabar qu’il soigne avec amour. 

On est à Pouget, un petit village aux ruelles tortueuses, entre Montpellier et Béziers. La vie s’écoule lentement. Les jeunes trainent, s’y ennuient, jouent au ballon, dealent et fument du shit, boivent et le soir se retrouvent dans leur QG : la Place Haute. Parfois, on s’embrouille. Mirales et Dog sont unis depuis l’enfance par un lien d’amitié très fort mais aussi de domination l’un sur l’autre. Mirales, gouailleur, très extraverti mais cabossé par la vie, grand lecteur, cite Montaigne, lit Hesse. Très serviable avec les vieux du village, il s’occupe d’une mère dépressive qui peint mais n’expose jamais. Dog est taiseux, effacé, pataud, se fait souvent taquiner, malmener, brutaliser par les autres en particulier par son ami qui ne sait pas exprimer autrement ses sentiments : « il faut beaucoup d’amour pour supporter Dog toute la journée», plaisante Mirales. 

Trouver sa place

Quand, un jour, tout bascule. Dog prend en stop Lisa (Galatéa Bellugi), une étudiante venue de Rennes passer quelque temps au village chez sa tante pour économiser son loyer. Elsa est attirée par le côté fragile et calme de Dog qui tombe amoureux. Cette fille lui parle gentiment, le respecte et le défend. Une véritable trahison pour Mirales qui, jaloux, tente de briser cette relation, ne supportant pas de se retrouver seul face à lui-même. « On n’est pas ami, on est frères, l’avantage c’est qu’on peut être ennemi, on reste frères ! », lui assène-t-il quand la situation se complique. Lisa ne supportant plus sa passivité face aux humiliations répétées, Dog réagit enfin et renvoie à Mirales ce qu’il est : sans ami, sans travail, sans copine. Il faudra un drame pour qu’ils se retrouvent, changés, mûris, apaisés, chacun ayant trouvé sa place.  

Cette amitié inconditionnelle et presque étouffante est filmée avec beaucoup de bienveillance et de pudeur par un cinéaste qui ne juge aucun de ses personnages. Jean-Baptiste Durand a travaillé avec la compositrice Delphine Malaussena, lui demandant une musique  qui souligne et accompagne personnages et lieux : « Très vite, j’ai souhaité une musique tendant vers le lyrique avec ce “vocello”, alliance de voix et violoncelle. [Ce dernier] étant l’instrument le plus proche de la voix humaine, en matière de tessiture et de sonorité, le lyrisme de la musique pouvait dire ce que les personnages n’osent pas. Comme il y a une  grande pudeur dans les dialogues, j’ai pu rééquilibrer avec la musique. »

ANNIE GAVA

Chien de la casse, de Jean-Baptiste Durand
En salle depuis le 19 avril

« Tilo Koto » en ciné-débat aux Variétés

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La Vingt-Cinquième Heure

De nombreux cinéastes ont conçu des projets autour de l’émigration africaine. Dénoncer les conditions inhumaines du voyage vers l’Europe, l’indécence de l’accueil de ceux qui n’ont pas succombé aux tortures et/ou ont survécu aux naufrages. Montrer aussi les initiatives de sauvetage, les désobéissances civiles qui s’opposent à l’hypocrisie des politiques de l’Union en la matière. Chercher à comprendre ce qu’il faut de guerres, de misère, de détresse pour quitter sa famille et s’entasser dans des rafiots branlants. Comprendre pourquoi, il est si difficile de revenir sans argent et sans perspective quand les familles se sont endettées pour permettre l’exil. Raconter les destins incroyables de ces Désespérés. Tilo Koto, sous le soleil,le documentaire de  Sophie Bachelier et Valérie Malek, rappelle tout cela, en adoptant, et c’est là son originalité, le point de vue du Casamançais Yancouba Badji. Parti à 17 ans du Sénégal, échouant dans un camp tunisien après avoir connu l’enfer en Libye, le jeune homme, après quatre tentatives de traversée vers l’Italie, est revenu au pays où il cherche désormais à dissuader les candidats à l’exil. Il  leur dit ce qui les attend vraiment, loin des rêves et des mensonges des passeurs : le racket, les prisons libyennes, la torture, les filles vendues, violées, battues. Artiste, Yancouba témoigne par ses peintures de l’horreur de ce qu’il a vécu. Il pose sur la toile des silhouettes noires aux yeux exorbités, zombies « munchiens » serrés dans un canot blanc sur l’aplat bleu et impassible de la mer. Ses amis d’infortune parfois ne peuvent pas la dire cette horreur, l’un ne cesse de trembler, l’autre pleure en silence devant un monticule de terre, dans le cimetière des Inconnus où repose sa belle-sœur tabassée à mort. En Casamance, on mène une vie de forçat et de dénuement dans un paysage sublime que la photo du film magnifie. Près de sa mère et du fleuve où il construit une sculpture éphémère faite de racines de mangroves mortes, Yancouda peu à peu transforme son échec en un projet artistique et politique.

ELISE PADOVANI

Ce film est projeté le 20 juin à 20 heures, au cinéma Les Variétés (Marseille), dans le cadre d’un ciné-débat organisé en partenariat avec la Ligue des droits de l’Homme, la Cimade et SOS Méditerranée.

BIM : du nouveau sur les planches 

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© Léo Quievreux : BD-Cul

Zébuline. Comment est né BIM ?

Jean-Pierre Soares. D’un constat : la scène graphique marseillaise est très variée et dynamique, cependant jusqu’ici chacun, auteurs, éditeurs ou libraires, faisait plutôt des choses dans son coin. Nous avons voulu fédérer cette vitalité lors d’un rendez-vous commun. En avril 2022, nous avions déjà organisé une première étape de BIM, avec de petits événements en juillet et septembre, d’où le chiffre #4 dans notre édito, mais cette année marquera le vrai lancement du festival.

Où est-ce que cela va se passer ?

Un peu partout en ville ! Il y aura par exemple un battle de dessins entre Richard Di Martino et Bruno Bessadi, piliers du Zarmatelier [atelier « historique » de BD à Marseille, ndlr] à la médiathèque Salim Hatubou (15e arr.), des ateliers jeunesse animés par Pauline Barzilaï au Musée des enfants au Panier (2e arr.), une table ronde « Auto-édition ou édition indépendante ? » à la BMVR Alcazar (1er arr.), et plein d’autres propositions, vernissages, projections, lectures dessinées… dans près de vingt lieux différents.

Le programme est très riche. Avez-vous été soutenus par les collectivités locales ?

Nos demandes de subvention auprès de la Ville, la Région, le Département et la Métropole sont en cours d’examen. Et nous avons été accompagnés par l’Agence Régionale du Livre, non pas financièrement mais au niveau de la mise en réseau. Sur la première édition, nous avions compté sur la bonne volonté de tout le monde, et les artistes ont joué le jeu. Le dessinateur Willem, par exemple, est venu volontiers. Mais nous espérons bien, à l’avenir, être appuyés par les pouvoirs publics.

On sent une montée en puissance des autrices.

C’est vrai, le milieu se rééquilibre, notamment dans la jeune génération. Si l’on veut, comme c’est notre cas, montrer la diversité de la production, cela transparaît dans les programmations. Nous souhaitons avant tout toucher une grande variété de publics, car la BD est un média populaire. Aussi nous avons gardé un certain éclectisme, même si certaines propositions sont plus pointues que d’autres. Il y aura des auteurs pour les tout-petits, comme Vincent Bourgeau et Cédric Ramadier, stars de l’École des loisirs [célèbre maison d’édition jeunesse, ndlr], et une journée BD-CUL, très explicite collection pour adultes, au couvent Levat !

GAËLLE CLOAREC

BIM 
Du 30 mai au 1er juillet
Divers lieux, Marseille
bimfestival.org

Bourgeons d’espoir à la Magalone

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En raison des conditions météo, le temps fort de Piano en Fleurs s'est finalement tenu en intérieur © DR

Météo désastreuse oblige, ce n’est finalement pas dans les jardins de la Magalone mais dans sa très belle bastide que s’est tenue cette première journée du festival Piano en Fleurs. Cette troisième édition demeure cependant fidèle à sa tradition, et à l’ambition énoncée par sa fondatrice Amandine Habib : « faire que le public devienne les publics », soit démultiplier les amateurs de musique classique et improvisée, de tous âges et de tous horizons. L’ouverture de la journée du 20 mai ne ressemblait en effet à aucune autre, puisqu’on y a entendu deux jeunes pianistes TSA (trouble du spectre de l’autisme), coachés par leur professeure Snejina Wolff, fondatrice de la méthode PIANOTS, interpréter gaiement des morceaux de leur choix. 

Musique et inclusion

Tout préfigure déjà les interprètes les plus sensibles dans la gestique de ces jeunes musiciens, à l’écoute de leur toucher, de leur son et de leur chant intérieur de façon bien plus prononcée que nombre d’élèves neurotypiques, et dont le plaisir de jouer et la musicalité semblent toujours sincères. S’ensuit une table ronde riche en échanges instructifs et constructifs, où les domaines de l’orthophonie, de la pédopsychiatrie, du droit et de la pédagogie se sont accordés sur les ressources inouïes des enfants neuroatypiques et les possibilités de développement que les arts et la musique peuvent leur permettre de développer. Sans parler de la nécessité de ce travail d’inclusion pour le monde de la musique, et combien ces profils singuliers y demeurent précieux.

Les concerts s’enchaînent ensuite sans que l’on voit le temps passer : belle idée que cette sieste musicale permettant d’entendre, sans les intimider, les élèves des conservatoires. Élèves qui assisteront, médusés d’admiration, aux splendides concerts de Simon Sieger et d’Iddo Bar-Shaï. Le premier, hommage du surdoué de l’improvisation à son maître Famoudou Don Moye, venu l’applaudir, a fait voyager tout l’auditoire d’envolées stravinskiennes bien senties aux syncopes jamais forcées d’un swing à toute épreuve. Le second, annoncé à raison comme un incontournable de Couperin, dont il sait faire parler les images, émerveille également sur Chopin et Scriabine, dont il a choisi avec délicatesse les pièces les plus parlantes. Le raffinement mélancolique de l’un et le goût de la texture de l’autre se distinguent tout d’abord, avant de se conjuguer l’un avec l’autre dans une sorte d’amplification chromatique inouïe. Du piano de haute volée !

SUZANNE CANESSA

Cette journée de Piano en Fleurs s’est tenue le samedi 20 mai à la Bastide de la Magalone.
À venir
Prochain rendez-vous le 24 juin à Fontblanche (Vitrolles) et au parc de Bagatelle.

Puits de sciences

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© Christophe Leterrier

Après une première édition lancée l’an dernier, l’Université d’Aix-Marseille s’est de nouveau attelée à l’organisation de deux journées célébrant la conjugaison des arts, cultures et sciences. La prochaine édition de Scientifica se tient les 16 et 17 juin prochains sur le campus Schuman, au bien-nommé Cube. Le lieu, construit sur l’ancienne bibliothèque universitaire à quelques pas de la Maison de la Recherche, a été conçu comme un espace artistique et culturel à part entière. Il accueillera nombre d’événements pendant ces deux après-midis : expositions, conférences, mais aussi des programmations sonores immersives, auxquelles ont participé seize laboratoires, composantes et autres établissements et structures de recherche.

Célébrer l’union des arts et de la science

Aux manettes de ce projet d’envergure, la sociologue et professeure d’université Sylvia Girel, coordinatrice de l’Observatoire des publics et des pratiques de la culture. La chercheuse, tombée dans les arts visuels dès sa plus tendre enfance – son père, Alain Girel, comptait parmi les céramistes les plus en vue – a consacré la plupart de ses travaux de recherche à la réception des arts par leurs publics, et à leur diffusion par les lieux dédiés à leur fleurissement. 

Après avoir exploré, l’an dernier, la question de l’interdisciplinarité, les journées de cette édition ont délimité des axes plus précis, et néanmoins passionnants, pour les débats à mener : celui du dialogue entre arts et sciences, auquel sera dédié l’après-midi du 16 juin ; et celui de l’art – délicat ! – de la thèse, qui occupera tout l’après-midi du 17 juin. La première après-midi délimitera le domaine commun des arts et des sciences aujourd’hui, et la question épineuse de la réception et des publics de ce domaine. Et la seconde les témoignages de chercheurs jeunes et confirmés, qui évoqueront leurs expériences et parcours, ainsi que leur professionnalisation parfois hors des sentiers battus.

Plusieurs installations permettront également aux publics d’aborder le monde de la recherche de façon ludique : on attend de pied ferme L’Affaire Pétrarque, escape game conçu par le Cielam et Madirel, unissant les forces de la littérature et de la chimie des matériaux pour « cracker » un manuscrit médiéval. Ou encore Energeia, expérience collective et immersive pensée autour de l’énergie nucléaire. La conférence-performance de l’artiste Jeff Guess, To be determined, confrontera le public à la part de flou artistique et scientifique qui accompagne la recherche. Les expériences sonores concoctées par les étudiants de musicologie Art-Mur et Sous-entendu(s), fabriquées respectivement à partir de sons captés avec électro et samples et bandes sons de court-métrages, accompagneront auditivement les spectateurs. Suivez la fée bleue, installation immersive de bioluminescence pensée par la designeuse plasticienne et chercheuse Nadia Merad-Coliac promet quant à elle de leur ravir les mirettes. De quoi réviser les sciences par les sens !

SUZANNE CANESSA

Scientifica
16 et 17 juin 
Campus Schuman, Aix-en-Provence

Être au monde 

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Jocelyn Balu & Borumba © Zoé Lemonnier

La musique, miroir des peuples rassemble les pays de la Terre entière, nous parle « de paix, de tolérance, de curiosité envers l’Autre », selon les propos de Frank Tenaille, directeur artistique du Chantier, ce laboratoire hors norme de création, consacré aux nouvelles musiques traditionnelles et musiques du monde en trois journées qui ont su par leur énergie positive éloigner la colère des éléments des lieux de représentation. Les thématiques de la rencontre et du voyage s’y retrouvaient magnifiées. En ouverture, le concert Serr, Sere, (de « serre », le secret en arabe et « sere », la sérénité de la clarté du matin en occitan) offrait un condensé de l’esprit de cette manifestation et de la structure qui l’organise : fruit d’un travail mené pendant deux ans, par des musiciens issus d’Occitanie et d’Égypte, réunis lors d’une résidence de création du 22 au 26 mai à Correns, le concert nous plongeait dans l’univers des poètes des XIIe et XIIIe siècles et du contemporain Amjad Etry, poète syrien exilé à Marseille. 

Syrie, Perse et Écosse

Les poèmes passent d’une langue à l’autre, portés par les voix des chanteurs Clément Gauthier et Cheikh Zain Mahmoud, les timbres s’accordent aux textes, suivent Raimon de Miraval qui, regardant le soleil à travers les ailes déployées de l’alouette, comprend enfin la véritable nature de la lumière, partent en Syrie aux côtés d’un duc occitan qui ramène dans ses bagages les mots et la langue persane et les adapte à sa propre langue : « du trobar au tarab, du tarab au trobar ». La boucle se noue en un chatoyant manteau poétique, temps suspendu dont on retrouvera la qualité dans le sublime concert de clôture proposé par la famille Chemirani (Maryam, voix, Bijan, zarb, percussions, saz, Keyvan, zarb, percussions, santur) additionnée du celte Sylvain Barou (flûtes celtiques, bansouri, duduk, neyanban), Hâl, le voyage amoureux

La musique persane trouve des accords fusionnels avec les traditions de l’Irlande, de l’Ecosse et de la Bretagne, provoque des duos virtuoses (on ne se lasse pas du « dialogue des arbres » entre les deux percussionnistes ni du duo entre la flûte et le sandur), la voix de conteuse, bouleversante de Maryam, glisse un brin d’espièglerie ici, une émotion à fleur de peau là, éblouissements… Comment tout évoquer, tant l’ensemble est riche, depuis l’évocation des grands compositeurs brésiliens par Cristiano Nascimento, Wim Welker et leurs guitares à sept cordes aux rébétikos de la Grèce des années 30 par l’ensemble Pnevmatiko ou la conversation des Egarés, (Ballaké Sissoko, Vincent Dégal, Vincent Pierani et Emilien Parisien) qui abolit toutes les frontières pour un univers puissamment onirique, ou encore les moments de danse, balèti par Castanha é Vinovèl, Leila Negrau et son art du maloya ou encore la rumba congolaise  soyeuse de Jocelyn Balu et son bal poussière… Correns des enchantements…

MARYVONNE COLOMBANI

Les Printemps du monde se sont tenus du 26 au 28 mai, à Correns.

Les Arts Éphémères fêtent leurs quinze ans

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Kyoo Choix, Ce vent dont vous parlez nous porte loin de nous-mêmes, 2023

C’est un joyeux anniversaire que célèbrent cette année les Arts Éphémères. Ce rendez-vous devenu incontournable a pris ses quartiers au parc de Maison Blanche jusqu’au 11 juin, sous le patronage bienveillant de la mairie des 9e et 10e arrondissement. La maire Anne-Marie d’Estienne d’Orvesse félicite – et elle a bien raison – de la qualité artistique de ce temps fort comme du travail de médiation opéré autour de ce projet : plus de 2500 scolaires et écoles professionnelles y ont été impliquées. Et se réjouit de la présence accrue de l’école des Beaux-Arts de Marseille – Inseamm, dont les jeunes diplômé·e·s se révèlent une fois de plus particulièrement présents : six œuvres, sur les vingt-quatre exposées, sont le fruit de leur travail. La place accordée à la jeunesse est également à saluer ; de même que la fidélité à des artistes locaux. Le caractère dégradable, temporaire, des œuvres s’étant avéré un prérequis passionnant, le choix du thème de l’« essai », préconisé par les commissaires de l’exposition Isabelle Bourgeois et Martine Robin, semblait aller de soi. L’espace artistique n’est pas celui de la performance ou du discours, mais bien du tâtonnement, de l’exploration et de l’expérience. Pour des résultats toujours enthousiasmants. 

SUZANNE CANESSA

Les Arts Éphémères sont à retrouver jusqu’au 11 juin au parc de Maison Blanche, à Marseille.