Le projet du collectif Opening Night, qui organise les temps forts Par les villages, est profondément politique : fondé et administré par des femmes metteuses en scène, le collectif s’affranchit des programmateurs et affirme que les compagnies locales existent, qu’elles peuvent se produire hors des circuits habituels et au plus près des gens. Dans les villages et les parcs, en laissant de la place aux amateur·e·s, en invitant des compagnies extérieures au Pays d’Aix, en jouant « la solidarité plutôt que la compétition », elles maintiennent l’idée que le théâtre est un art populaire à la portée de toutes et tous.
Car cela fait plus de quinze ans que ça fonctionne, grâce au soutien du Pays d’Aix puis de la Métropole, qui y voient eux aussi un moyen efficace de démocratiser l’accès à la culture.
L’édition de printemps de Par les Villages commence à Jouques les 27 et 28 mai avec Olympe de Gouges de la compagnie Bretzel : un spectacle sous forme d’une fausse conférence portée par trois comédiennes déterminées, forcément féministes, mais rappelant aussi son combat contre l’esclavage.
Senn’aga est aussi une compagnie aixoise portée par une femme, Agnès Petreau : dans 11 à table elle écrit, interprète et met en scène les onze personnages d’une maisonnée particulière, une famille d’accueil où les portes claquent et la parole tourne… Le soir, un concert du duo Odalva, qui compose des chansons récits et s’accompagne aux guitares. Durant les deux jours, Anatole (Théâtre des Babioles) va réparer les cœurs, dans des interventions poétiques au plus près du public.
Lenteur et littérature
Le 3 juin Par les Villages se poursuit à Aix-en-Provence, dans le parc de la Torse avec Charlotte Teissier et Chimène Voronkoff (compagnie La Bouillonante) qui arriveront d’Arles en vélo. Le Nez au vent, récit d’une aventure sur bicyclette, est un spectacle en mouvement, qui se nourrit des mots que Charlotte écrit en pédalant, et des dessins au fusain que Chimène récolte. Apologie de la lenteur et du plein air, chaque représentation est unique…
Cette édition printanière se conclut à Beauvezer les 17 et 18 juin avec deux spectacles inspirés de mythes littéraires. La compagnie En devenir 2 reprend ses Métamorphoses, et les récits d’Ovide où les corps des amants se transforment en cerf, en laurier, en larmes… Le collectif Les Dromolos propose quant à lui une adaptation à portée des enfants de Farenheit 451, où quand les pompiers bruleront les livres.
AGNÈS FRESCHEL
Par les villages Du 27 mai au 18 juin Jouques, Aix-en-Provence, Beauvezer parlesvillagesopn.com
Voilà désormais sept ans que le festival créé par Nadia Champesme et Fabienne Pavia s’est établi à Marseille, avec un succès qui ne se dément pas. Les nombreuses lectures, qu’elles soient musicales, dessinées, posthumes et ensommeillées se sont vite remplies. Elles ont même, pour la plupart, affiché complet. Les rencontres annoncées, disséminées sur les différents sites de La Criée, du Conservatoire, du Mucem et de la bibliothèque de l’Alcazar, ont attiré des auditeurs nombreux et attentifs, malgré le retour attendu d’une météo printanière et la concurrence rude des plages ensoleillées. Il faut croire que les frictions littéraires tant attendues réchauffent plus sûrement et plus durablement les cœurs d’un public abondant et de plus en plus diversifié, venu assister en masse aux événements les plus people – la venue de Mathieu Amalric ou de Marie-Sophie Ferdane, celle de la goncourisée Brigitte Giraud – mais aussi aux hommages à Italo Calvino ou Fernando Pessoa.
Frictions fructueuses
Le festival peut notamment s’enorgueillir de ses rendez-vous réussis avec la jeunesse : celui des Nouvelles des Collégiens, qui ont vu cinq écrivains accompagner chacun une classe de collégiens dans l’écriture d’une nouvelle ; celui qui a amené deux classes de lycéens marseillais à échanger avec Olivier Adam comme de bons petits intervieweurs en herbe. Ou encore les étudiants en théâtre du Conservatoire à Rayonnement Régional de Marseille, qui se sont emparés avec courage et poigne des mots d’Éric Fottorino.
Les festivités prennent cependant, parfois, un tournant amer. On ne parvient ainsi pas complètement à croire aux tensions familiales chères à Olivier Adamet surtout à la réalisatrice Baya Kasmi, récitées pourtant avec générosité mais sur un ton beaucoup trop familier ce Dessous les roses un brin convenu. Les Variations de Paul pourtant lues avec conviction et bonhommie par leur auteur Pierre Ducrozet peinent à convoquer les imaginaires musicaux que le texte appelait de ses vœux, ou même à susciter chez les auditeurs un brin assommés le désir spontané de danser. La faute, peut-être, à la partition électro de Rubin Steiner, trop monolithique pour aborder tous les territoires du roman ? Ou peut-être le temps n’est-il tout simplement pas à ces frictions et à ces humeurs-là ?
L’effroi sous la glace
Pourtant bien menés et orchestrés, les entretiens dévient parfois, se fissurent. Ils semblent ouvrir des abîmes d’inquiétude inattendus, y compris par les auteurs et autrices elles-mêmes. Les nombreuses digressions de Daniel Pennac amènent ainsi un auteur prompt à discuter sans fin de son amour pour Italo Calvino, de son goût de l’argot ou ses « trucs » de prof à son effroi face au Pépère qui hante son Terminus Malaussène, digne représentant de l’ « extrême méchanceté » dans laquelle semble sombrer notre époque, d’autant plus proche, dans ses affects, de la pensée de l’extrême droite, qu’elle ne l’a pas encore vraiment connue. Même son de cloche lorsque Lola Lafon prendra la parole à propos du très beau Quand tu écouteras cette chanson, ode poignante à Anne Frank. Heureuse de constater que les lecteurs et lectrices émus par son livre et venus à sa rencontre « ne lui ressemblent pas », heureuse de rendre hommage aux qualités mésestimées d’une écrivain en herbe, Lola Lafon n’en demeure pas moins inquiète des protestations anonymes, silencieuses, répétées, de négationnistes de tous crins. C’est désormais l’urgence de produire « non pas des fictions, mais des récits » pour dire cette Histoire-là qui anime l’autrice s’étant pourtant illustrée en tant que romancière.
Les lectures qui marquent le plus sont peut-être celles qui assument leur dureté et leur violence. Celle effectuée de main de maître par Marie-Sophie Ferdane sur le très beau texte de Makenzy Orcel a rappelé combien la langue, en se mâtinant de poésie, sait se mâtiner de rage, et comment dire cette rage peut ouvrir l’auteur et le lecteur au monde. Dire avec la même humanité, la même intensité, le destin d’une jeune femme française cabossée et celle d’un malien ayant fui la guerre. Tout aussi impressionnante et recueillie fut la lecture de La Pêche du Jour d’Éric Fottorino par les jeunes étudiants en théâtre, portée par le violon de Marc Vieillefon, les percussions et la voix de Salma Omri et le saxophone de Raphaël Imbert. Heureux et ému d’accueillir « un texte tout simplement historique » sur l’horreur migratoire, en compagnie de SOS Méditerranée, le directeur du conservatoire ne cache pas la nécessité de faire date.
Le désir d’Histoire et d’historicité est peut-être celui qui transparaît le plus de cette édition qui a tiré le meilleur de ses rencontres entre auteurs, et surtout entre autrices. Le vertige est ainsi tenace à écouter dialoguer la romancière Noëlle Michel et la préhistorienne Marylène Patou-Mathis au sujet des Néanderthaliens, et des 100 000 ans d’avance que ces derniers ont encore sur les Homo sapiens. Le parfum de fin de règne se mêle heureusement ici à une volonté de détricoter l’Histoire – et la préhistoire – tels que racontés depuis le XIXe siècle, et de questionner le désir de domination au cœur de cette narrativisation de l’Histoire. Tout aussi passionnant sera le débordant entretien d’Alice Zeniter et Hélène Frappat, questionnant la place de la femme dans les récits au prisme de la philosophie et de la narratologie. L’autrice de Toute une moitié du monde ne peut que constater l’ampleur d’une tâche consistant à réinventer le récit et ses péripéties automatiques, quitte à risquer qu’on le trouve « un peu chiant », puisque trop éloignée de l’épopée aristotélicienne. Hélène Frappat se livre alors à une diatribe anti-Aristote jubilatoire, abattant tout ce qui se dresse sur son passage depuis sa formation de philosophe et sa carrière de romancière – et on devine que les obstacles n’ont pas manqué. L’ironie, l’humour convoqués ici avec génie sont peut-être, du propre aveu de l’autrice, l’arme la plus redoutable dont elle et ses semblables disposent.
C’est également un humour ravageur qui pousse une Jeanne Cherhal hésitante à ouvrir son nuancier érotique, illustré par Simon Frankart, et à prendre le micro au piano pour y livrer de très belles chansons. Et la nécessité de se relever, par l’absurde, d’un deuil insupportable, qui donna naissance au formidable Touché de Pascale Monnier, tirade d’infinitifs oulipienne portée merveilleusement par Mathieu Amalric. Un humour qui, plutôt que de dissimuler la gêne et la douleur, sait en faire ses meilleurs alliés.
SUZANNE CANESSA
Le festival Oh les beaux jours ! s’est déroulé du 23 au 29 mai, à Marseille.
Dame aux Roses, 1967, Gouache et graphite sur papier, 101 x 152cm. Collection Musée de l'Institut du monde arabe, Inv. AC.87-70
Le destin hors du commun de Fatma Haddad, connue sous le nom qu’elle s’était choisi Baya (1931-1998), est aujourd’hui reconsidéré par l’Institut du monde arabe à Paris et les musées de Marseille à travers l’exposition Baya, Femmes en leur jardin. Car il s’agit-là d’une nouvelle approche contextuelle, post coloniale et féministe de sa trajectoire et de son œuvre mises en relation directe avec le patrimoine matériel et immatériel de son pays d’origine : l’Algérie. Ce nouveau regard transcende son vocabulaire plastique et la densité culturelle de ses travaux. Comme le souligne Nicolas Misery, directeur des musées de la Ville, « Baya est une artiste autodidacte, féministe, algérienne et qui a donc été longtemps ostracisée. Les regards portés sur elle à l’époque sont mis en lumière pour comprendre comment elle était ou non acceptée et considérée ». Hormis l’intérêt incontestable de son œuvre protéiforme réunie grâce aux archives publiques et familiales, aux prêts muséaux (trois œuvres de Baya ont été acquises en 1982 par la Ville) et particuliers, l’exposition permet de rendre sa voix à Baya. De la faire entendre en français, en arabe et en anglais à un vaste public car « tout le monde à Marseille a une histoire avec elle, et la notion de réconciliation est très forte dans le projet ».
Huppes, 1975. Gouache sur papier, 100 x150cm. Collection Kamel Lazaar Foundation
Itinéraire d’une enfant précoce
Baya est âgée de 16 ans (!) lorsqu’en 1947 le galeriste Aimé Maeght expose à Paris ses gouaches et céramiques. Une percée considérée comme « miraculeuse », suivie d’une consécration, qui provoqua une avalanche de titres de presse aux relents coloniaux : « Baya, petite fille des mille et une nuits », « Vraie et fausse naïveté »… Une période d’entre-deux pour la jeune fille qui change de vie et de milieu social, partagée entre les traditions de sa grand-mère et l’éducation de sa mère adoptive Marguerite avec laquelle elle apprend à lire et à écrire. Avec ses premiers écrits apparaissent ses premières lignes sinueuses de couleurs : la lettre devient alors un motif décoratif. Mais Baya affirme qu’elle a commencé par le modelage de la terre, en Kabylie, là où les femmes pétrissent l’argile. Dès lors elle fait surgir ses propres récits dans des contes retranscrits par sa mère, dans des dessins, des gouaches aux motifs oniriques (femmes, oiseaux et chevaux aux lignes entremêlées, nature métamorphosée), des sculptures aux formes primitives…
Femmes et cithare, 1966. Gouache sur papier, 100 x150cm. Collection Musée Cantini
Un monde coloré et joyeux, parfois féérique, qui se déploie sous les yeux de Picasso à Vallauris, jaloux de sa force créative, de Jean Dubuffet qui tente sans succès de la conseiller, et de Matisse dont elle dira : « C’est lui que je préfère ». Fin 1951, Baya a 20 ans et la question de son avenir se pose. Finalement elle se construira un destin algérien, épousera le musicien Hadj Mahfoud Mahieddine à Blida où elle vivra jusqu’à la fin de sa vie. Après avoir connu une longue parenthèse créative, elle reprendra la peinture en 1963, privilégiant son monde intérieur en le restituant plastiquement. Le déformant, le transformant selon sa subjectivité et son ressenti.
Une œuvre universelle
Pour tirer les fils de la vie de Baya, l’exposition se nourrit d’une documentation abondante autant qu’inestimable. Qu’il s’agisse de documents d’époque : photos, enregistrements, articles, revues, objets, bijoux et costumes traditionnels algériens et citations de textes écrits par Baya longtemps considérée comme analphabète ! Ou de créations originales : vidéo autour du musicien Fouad Didi, édition d’un carnet par La Marelle avec Laurence Vilaine en résidence d’écriture. Plus que jamais Baya nous apparaît comme une artiste pionnière dont l’œuvre est désormais libérée des catégories préétablies par l’histoire de l’art européen. S’en est fini d’un soi-disant apparentement avec le surréalisme, l’art naïf ou brut : elle est unique.
MARIE GODFRIN-GUIDICELLI
L’exposition s’accompagne d’une monographie publiée par les éditions Images plurielles (Marseille) et Barzakh (Alger).
Baya. Une héroïne algérienne de l’art moderne Jusqu’au 24 septembre Centre de la Vieille Charité, Marseille musees.marseille.fr
Deux ans à peine après le triomphe de Titane et de Julia Ducournau, c’est une réalisatrice que Cannes a de nouveau décidé de couronner. Confirmant ainsi le tournant opéré par le festival depuis une huitaine d’années : récompenser un cinéma à mille lieues du glamour et des paillettes qu’il affiche pourtant à outrance. Un cinéma désireux de proposer de nouvelles formes et de nouveaux regards, mais surtout un cinéma attentif aux marges, soucieux de refléter les tensions sociales et politiques qui agitent notre monde. Il n’est en effet guère étonnant que le président Ruben Östlund, dont le dernier opus palmé l’an dernier dénonçait avec plus ou moins de finesse les dérives des élites économiques, ait misé sur l’outsider Justine Triet plutôt que sur ses confrères masculins. Et que Julia Ducournau, également membre du jury, lui ait emboîté le pas pour récompenser ce nouveau film de procès, prenant pour sujet une femme accusée d’avoir tué son mari.
Exception culturelle
Cinéaste à la croisée des genres et des registres, formée aux Beaux-Arts, signant avec cette Anatomie d’une chute son quatrième long-métrage, Justine Triet s’empresse de louer une politique d’exception culturelle qui lui a permis « de se tromper, et de recommencer ». Elle met en garde un gouvernement violemment sourd aux mouvements sociaux, et son désir de « marchandisation de la culture ». C’en est trop pour Rima Abdul Malak, « estomaquée » par tant d’ingratitude, s’improvisant défenseuse du modèle de financement que la réalisatrice appelle pourtant à préserver. Tout en saluant mollement cette victoire : non pas parce qu’elle opère un pas de plus dans l’histoire des femmes au cinéma, mais parce qu’elle constitue la dixième palme remportée par la France. Confirmant la propension de ce gouvernement à instrumentaliser l’art, et à confondre culture et patrie.
Le festival « de chansons à plumes » Drôles d’oiseaux prend ses quartiers dans une ferme de la ceinture verte avignonnaise, ce qui permet de venir à pied depuis la ville, afin de profiter du grand air. Pour cette troisième édition de la manifestation, son instigateur, Thomas Pitiot, partage la scène avec d’autres artistes indépendants, dont il défend le travail. Le soir du 2 juin, en ouverture, il présente son dernier album, Chéri coco, empreint d’un esprit internationaliste à forte teneur sociale, avec l’auteure, compositrice et interprète folk Louise-Ellie en première partie.
Le lendemain matin, rendez-vous est donné à 10 heures aux enfants à partir de 3 ans : Hugo Barbet, accompagné de ses amis les Rasta Piafs, promet de mettre les saisons sens dessus-dessous dans un set très ludique. En soirée, Hélène Piris, violoncelliste déjantée, et Batlik, poète désabusé, se succéderont pour un concert tout en contraste. Et enfin, le dimanche 4 à 16 heures, place à la Chorale sauvage, près de cinquante interprètes qui n’hésitent pas, dit-on, à reprendre Moustaki, Zebda, Lavilliers, « et même du Dalida trafiqué ». Leur performance est suivie, pour conclure dans la joie de vivre, de celle du groupe Bazar et Bémols, trio de chanteurs adeptes du swing explosif.
L’ensemble des concerts est accessible à un prix très modeste. Un festival aux antipodes du showbiz on vous dit !
GAËLLE CLOAREC
Drôles d'oiseaux 2 au 4 juin Ferme de l'Acacia, Avignon 06 52 35 35 65 oceannomade.net
La Maison du Cygne est un lieu remarquable de la côte varoise, illuminé de soleil, de couleurs et d’essences méditerranéennes. Son jardin labellisé, ses expositions contemporaines attirent un public friand d’un certain classicisme.
Lancées en 2021, LesNuits du Cygne s’inscrivent dans cet esprit comme préservé du temps. Après deux éditions qui ont rassemblé un public assidu pour des écoutes qui restent intimes, ce sont onze concerts qui sont proposés cette année, du 27 mai au 18 juin, autour des répertoires classiques et romantiques, et de la virtuosité. Des interprètes d’exception sont réunis autour de Renaud et Gautier Capuçon, les deux frères s’engageant, chacun sur son chemin, à la défense et promotion de jeunes interprètes qu’ils font jouer avec eux et dans les divers festivals où ils se produisent.
Un seul regret : pour goûter au talent des frères Capuçon qui se produisent chacun deux fois, il faut débourser jusqu’à 80 euros, 50 euros pour Claire Désert et Anne Gastinel, alors que les concerts de solistes moins starisés s’en tiennent au maximum de 30 euros. Si vous n’avez pas les moyens, concentrez vous sur ceux-ci, qui s’annoncent exceptionnels, et sur le concert gratuit du 10 juin…
Au programme
Raphaelle Moreau – crédit Natacha Colmez-Collard
27 mai : Renaud Capuçon (violon), Paul Zientara (alto) Stéphanie Huang (violoncelle) et Guillaume Bellom (piano) jouent les quatuors avec piano n°1 et n°2de Mozart.
28 mai : On avance dans l’histoire et les harmonies, mais l’esprit reste délicat et classique, pour le quintette et le quatuor avec piano de Brahms. (Renaud Capuçon, Manon Galy (violon), Violaine Desperoux (alto), Stéphanie Huang et Guillaume Bellom)
31 mai : (30 € tarif plein !) Le pianiste David Kadouch joue Poulenc, Britten et Reynaldo Hahn, mais aussi leurs contemporaines dont l’histoire a gommé les noms : Ethel Smyth et Wanda Landowska.
1er juin : (30 €) Adrien La Marca (alto) et Sun-Wook Kim (piano) nous embarquent pour un voyage romantique et virtuose entre Prokofiev et Rachmaninov.
2 juin : Anne Gastinel (violoncelle) et Claire Désert (piano) passent de Saint-Saëns et des élégies de Fauré au Grand Duo de Chopin !
3 juin : (30 €) Raphaëlle Moreau (violon) et Celia Oneto Bensaid (piano) explorent la musique française de Saint-Saëns à Messiaen, en passant par Ravel et Debussy, sans oublier elles non plus que les femmes composaient, dont Lili Boulanger.
8 juin : (30 €) Alexandre Malofeev a sidéré le public de la Roque d’Anthéron à 13 ans… À 21 ans, il continue de défendre un piano de la virtuosité romantique, de Beethoven à Wagner (transposé), en passant par Rachmaninov, bien sûr.
9 juin : (30 €) David Fray interprète Liszt, accompagné par la comédienne Chiara Muti qui en éclaire les références littéraires : Dante et Pétrarque.
10 juin : (gratuit !) Mathilde Calderini (flûte) et Anaïs Gaudemard (harpe) passent de Bach à Piazzolla en passant par Bartok, Debussy et Glück.
17 juin : Gautier Capuçon conclut le festival avec Jérome Ducros au piano. Une soirée acrobatique qui passe de Singing in the rain à l’Adagio de Barber. Rien que des tubes ! qu’ils sauront magnifier.
18 juin: soirée finale de la fondation Gautier Capuçon, qui accompagne ses élèves virtuoses dans les pages les plus difficiles de Smetana, Rachmaninov ou Shostakovitch.
AGNÈS FRESCHEL
Les Nuits du Cygne Du 27 mai au 18 juin Maison du Cygne, Six-Fours-les-Plages sixfoursvagueclassique.fr
Depuis 18 ans Les Rencontres à l’échelle animent Marseille d’un esprit particulier, aventureux, attentif aux arts de la scène méditerranéenne et sub-saharienne et de leurs diasporas en France. Depuis 18 ans aussi, les Bancs Publics portent ce festival à travers leur pôle de production et de coopération, ce qui permet aux Rencontres à l’échelle de programmer des créations et des premières européennes que Marseille a la chance de voir naître, et des artistes trop rares sur les scènes européennes.
C’est un voyage vers nos Suds qui caractérise une nouvelle fois la programmation, déplacée à la fin du printemps, et qui a su mettre en synergie La Friche, le Théâtre Joliette, le Mucem et Montevidéo qui accueillent les représentations. Festival multidisciplinaire, qui concocte un savant mélange de théâtre, de performance, de danse, de musique et d’expositions, Les Rencontres à l’échelle trouvent leur cohérence dans la force de leur thématique : l’ouverture à l’autre, aux histoires oubliées, à l’Histoire meurtrie, en pariant toujours sur l’universalité de l’expérience individuelle partagée, par l’émotion de l’art.
Cela commence le 6 juin avec une création du chorégraphe Ali Chahrour. Il y expose l’intimité d’un couple d’artiste libanais, Roger Assaf et Hanane Hajj Ali, célèbres l’un et l’autre au Liban, et l’approche de la mort. Celle de Roger Assaf, et celle de Beyrouth, détruite et désertée.
Après des lectures et une belle soirée musicale à Montevidéo le 7 juin, en route vers le Zef pour Nos ailes brûlent aussi de Myriam Merzouki, qui évoque la révolution tunisienne et l’immolation de Mohamed Bouaziz, puis le 9 juin vers la Friche pour Mer Plastique de Tidiani N’Diaye, une pièce pour cinq danseurs qui met en scène la pollution plastique de Bamako, mais aussi la nostalgie des terrains de jeu d’une enfance malienne. Avec une after On Air en forme de DJ set, avec la complicité de l’AMI, sur le toit terrasse de la Friche…
La dernière soirée, le 13 juin, portera le témoignage de Mina Kavani, artiste iranienne en exil, qui raconte la dictature, la lutte, le départ, la vie ici, et comment elle reste coupée en deux, le corps ici, l’esprit toujours en lutte pour les femmes iraniennes.
Durant tout le festival il y aura aussi des expositions, des performances sur la digue du large au coucher du soleil, la sortie d’ateliers de douze artistes, plasticiens, comédiens, auteurs, danseurs, venus de tous les Suds pour deux semaines de travail, ensemble. Pour s’ouvrir au monde et à la curiosité de l’autre, et tenter de panser les plaies du monde.
Issu de la culture reggae qui n’est pas que de la musique, mais un esprit militant de paix et de partage, Couleurs Urbaines programme du dub, et affirme que la musique et la fête peuvent rimer avec éco-responsabilité, engagement social et recherche de la parité, dans les équipes et sur scène.
On sait que les musiques actuelles restent le secteur artistique où les femmes sont les plus rares, et encore plus rarement instrumentistes. Couleurs Urbaines, pour sa 15e édition, programme plus d’un quart de femmes sur scène, et Culture plus, équipe paritaire qui porte l’événement, veut atteindre 50% dans deux ans. Un colloque d’ouverture, le 1er juin, permettra également de mettre en question l’impact environnemental des structures et festivals varois.
Au programme
La programmation artistique se décline en deux jours de prélude, puis deux soirées intenses sur l’esplanade marine de Toulon.
Le 2 juin c’est DJ Matteo qui occupe la place de l’Equerre de Toulon. Le musicien de Chinese Man mixe et réconcilie hip-hop et électro, en allant chercher des sons en Turquie, en Inde et en Amérique du Sud, et aussi dans des pépites jazz.
Hip-hop toujours le 6 juin à La Seyne-sur-Mer, mais côté danse, avec Kadder Attou et la compagnie Accrorap qui fêtent leur ancrage en Provence avec ce Prélude, création pour dix danseurs en crescendo rythmique.
Puis le 9 juin on entre dans le dub et le cœur du sujet, avec pas moins de cinq sets successifs ! Dub inc pour un reggae français qui décoiffe les dreads ; The stone Monks qui entourent la ferveur de Soom T et son rap punk aux paroles acérées ; Brain damage, pas moins, pionnier du dub hexagonal qui occupe les scènes françaises depuis plus de trente ans ; Baltimores, MC marseillais qui avec Dedoo à la console et Romain à la basse, concocte un dub en live de sa voix métallique ; puis l’Ensemble National de Reggae, mi-fanfare mi-groupe de reggae, qui joue tous les standards historiques du répertoire.
Le lendemain l’affiche est tout autant chargée, avec l’Entourloop aux platines qui sample rap et reggae ; Sara Lugo, qui de sa très belle voix chante le reggae comme les plus grandes chanteuses de jazz, donnant depuis la France une couleur soul à la Jamaïque ; Miscellaneous en duo avec le MC Youthstar de Chinese man, pour une fusion revisitée ; Georges Steady qui chante les paroles de Brassens sur les standards reggae, merengue et biguine ; et puis Dirlo, rappeur marseillais qu’on dit insolent quand il parle violence sexuelle, drogue et meurtre dans les calanques. La note discordante d’un festival engagé ?
C’est une proposition musicale rare, une expérience de spectateur en bien des points unique. Après une première édition plus que concluante, Les Voix de l’Autre réinvestissent l’abbaye du Thoronet, dans le Var. Sous la direction artistique de Piers Faccini, que l’on peut suivre les yeux fermés – et les oreilles grandes ouvertes –, le festival réaffirme son intention de « célébrer en musique le dialogue entre civilisations, peuples et religions autour de la Méditerranée ». Inutile de chercher d’autres occasions de voir les artistes qui y sont programmés, les propositions sont conçues sur mesure. Particulièrement le rendez-vous sobrement intitulé « parcours musical Les Voix de l’Autre ».
Grottes et chênes centenaires
Chacun des deux jours, dans l’après-midi, une performance musicale itinérante va guider le public entre les bâtiments et espaces de l’abbaye, en compagnie de cinq artistes identiques le samedi et le dimanche, mais au son de répertoires différents. Au côté de Piers Faccini, on pourra écouter les tarentelles et pizzica de Rachele Andrioli, spécialiste des chants du sud de l’Italie, le multi instrumentiste algérien Malik Ziad, le Malien Adama Coulibaly, maître du donso n’goni et des traditions des chasseurs du Wassoulou et enfin les chants judéo-espagnol et arabo-andalou de la Marseillaise Mona Boutchebak.
Comme l’an dernier, une création originale marquera cette deuxième édition. Elle est confiée à Vincent Segal et Erik Truffaz. Le violoncelliste aux multiples collaborations artistiques et le trompettiste jazz, dont le goût pour la littérature, l’improvisation et le voyage intérieur rapprochent, promettent de « jouer avec la réverbération du lieu, de retrouver l’essence des grottes magiques, l’écho des canyons… » Un peu plus tard, sous les chênes centenaires, le maître marocain des musiques afro-maghrébines gnawa, Adil Amimi, nous immergera dans une de ces cérémonies de transe des traditions spirituelles que l’on nomme Lila. Le lendemain, en clôture, Mikrokosmos, ensemble de quarante jeunes chanteurs et chanteuses fondé par Loïc Pierre, devrait confirmer sa réputation de trublion de l’art choral avec le spectacle Le Jour m’étonne, dernier opus de sa tétralogie lancée en 2013 avec La Nuit dévoilée.
Si l’effervescence estivale de la Cité des papes connaîtra son apogée en juillet pour son Festival d’Avignon, il faut désormais compter sur un nouveau venu. Et cette fois, on ne parle pas de théâtre mais bien de musiques actuelles. Du rap, de la pop et de l’électro, ID-ILE Festival souhaite ainsi faire éclore un premier rendez-vous de taille dans le genre ces 9 et 10 juin prochains. Pour cela, l’association Idylle, porteuse du projet, s’appuie sur une programmation de qualité, mêlant jeunes talents et artistes reconnus, le tout dans un cadre somptueux, celui de l’île de la Barthelasse, espace naturel faisant face au centre-ville.
Deux soirées deux ambiances
Premier point positif du rendez-vous, il ne manque pas de clarté : deux soirées, deux ambiances. La première, du vendredi 9, accueille six artistes estampillés rap et hip-hop. En tête d’affiche, le festival accueille la trap vaporeuse de Dinos, l’enfant de La Courneuve s’est rapidement distingué par la qualité de ses textes que l’on retrouve une nouvelle fois sur son dernier album Hiver à Paris sorti fin 2022. Autre artiste reconnu, Sofiane Pamart va présenter son univers plus qu’original dans la scène rap française. Formé au piano classique, il croise cet héritage avec les musiques urbaines, un mélange détonnant qui plait, puisqu’il est l’un des pianistes les plus streamés au monde, à 32 ans… La suite de la soirée verra également passer Jazzy Bazz, rappeur que l’on a découvert avec le collectif l’Entourage (Nekfeu, Alphawan…) et enfin Mona Guba et N3ms, deux artistes locaux gagnants du tremplin organisé par ce même festival plus tôt dans l’année.
Le lendemain, place à la pop, la chanson et l’électro. Une soirée qui se distingue par un plateau presque totalement féminin. D’abord avec Pi Ja Ma, connue pour avoir partagé la scène avec Pomme, Pauline de Tarragon présente son nouvel album Seule sous ma frange accompagnée de son fidèle producteur-compositeur Axel Concato. Place ensuite à la pop de Suzane, née à Avignon, elle a depuis remporté deux Victoires de la musique et rempli quelques belles salles, comme l’Olympia… L’île de la Barthelasse va aussi pouvoir célébrer un retour. Celui de Jain, qui s’était faite muette ces quatre dernières années, on la redécouvre changée dans son dernier album The Fool. La soirée se termine avec Kungs, le DJ et producteur français au succès international et qui mâtine ses sets house de jazz et de soul.
NICOLAS SANTUCCI
ID-ILE Festival 9 et 10 juin Île de la Barthelasse, Avignon id-ile.com
Au programme
Vendredi 9 juin : Dinos, Sofiane Pamart, Jazzy Bazz, DJ Bens
+ Jiddy Bruh en inter-plateaux
Samedi 10 juin : Kungs, Jain, Suzane, Pi Ja Ma
+ Madame Benoit en inter-plateaux