mercredi 2 octobre 2024
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Luxuriances

Nikolaï Lugansky revenait au Festival International de Piano de la Roque-d’Anthéron avec un programme consacré aux sonates de Beethoven

Il est des moments attendus dans les festivals, le retour d’un invité récurrent aussi bien que la perspective d’une pièce nouvelle. Indubitablement, la venue de Nikolaï Lugansky fait partie des sommets dont la perspective enthousiasme l’habitué comme le néophyte (qui n’en peut plus d’entendre vanter par d’autres les qualités exceptionnelles des artistes à l’affiche). Nikolaï Luganski revenait au Festival International de Piano de la Roque d’Anthéron avec un nouveau programme, correspondant à la parution de son dernier CD, deuxième volume consacré aux sonates de Beethoven. La présentation de cet opus, écrite par le musicologue Jean-Paul Montagnier, cite Édouard Herriot qui, dans sa Vie de Beethoven, expliquait « chez Beethoven, tout vient de l’intérieur. Le modèle pour lui n’est pas la règle d’école, (….) mais la loi de la vie ».

La Sonate n° 17 en ré mineur opus 31 n°2 « La Tempête » ouvrait le concert par ses sortilèges : d’abord se nouent les énigmes entre notes ostinato, mesures étirées, comme une méditation qui hésite au seuil de la pensée, puis le contraste entre aigus éthérés et voix graves instaure le jeu des tensions entre rêverie et mouvements exacerbés d’une âme avant de revenir à la magie initiale. Arpèges, motifs réitérés, accords plaqués, furieux triolets… les oppositions laissent naître le lyrisme d’une mélodie, bouleversent par leur intensité. Beethoven invitait à relire La Tempête de Shakespeare pour expliquer son œuvre qui semble suivre le cheminement d’une pensée rêveuse. Qualifiée de « torrent de feu dans un lit de granit » par Romain Rolland, la Sonate n° 23 en fa mineur opus 57, « Appassionata » est sans doute l’une des sonates les plus célèbres de Beethoven, l’une des plus difficiles techniquement aussi (pour la petite histoire, ce n’est pas son auteur qui la nomma ainsi mais un éditeur lors de la publication d’un arrangement pour piano à quatre mains).

Nikolaï Lugansky © Pierre Morales

Touche-à-tout

L’interprète sait encore nous surprendre pourtant par une variation subtile des tempi, une appréhension quasi méditative de la pièce avant ses emportements exacerbés. L’orgiaque foison de notes, toutes claires, au sein de cette profusion, et c’est bien là que Lugansky exerce l’excellence de son art, nous faisant entendre toutes les nuances. La précision du jeu, loin d’être formelle, sert l’expression, accents passionnés des Mélodies oubliées de Medtner (opus 38, n° 6, 7 et 8) aux tumultes brillamment colorés, narration alerte et spirituelle des Études-Tableaux de Rachmaninov. Simplicité « évidente » de la n°5 (opus 33) en sol mineur (Moderato), dont l’équilibre est bousculé par une cadence virtuose fortissimo. Ambiguïté dramatique de la n° 6 (opus 33) en ut dièse mineur (Grave), aux envols vertigineux qui se concluent par de lourds accords. On voit le cortège funèbre qui accompagna Scriabine, la pluie, les chants, les cloches d’une église apparaissent sous les doigts du conteur dans la n°7 (opus 39) en ut mineur (Lento Lugubre). Une étude lyrique (n°8 en ré mineur opus 39) permet de reprendre souffle, balayant par le lyrisme de sa ligne mélodique les angoisses précédentes avant la marche triomphante de la n° 9 opus 39 (Allegro moderato, Tempo di marcia) dont la tonalité en ré majeur réconcilie avec la vie.
Généreux, le pianiste offrait à un public comblé trois pièces de Rachmaninov, Douze romances op. 21 n°5, Les lilas, Oriental Sketch et le Prélude op. 23 n°7. Magistralement magique !

MARYVONNE COLOMBANI

Nikolaï Lugansky était au parc de Florans le 27 juillet, dans le cadre du Festival International de Piano de La Roque-d’Anthéron.

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