mercredi 2 octobre 2024
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Le Bargy fait de la résistance 

Après plus d’une douzaine de documentaires dont six au cinéma, Gilles Perret nous livre avec Reprise en main son premier long métrage de fiction. Un film social drôle et percutant

Sans abandonner ses thèmes de prédilection et le « cinéma du réel », Gilles Perret choisit la comédie pour parler du décolletage dans la vallée de l’Arve dont il est originaire, ainsi que des hold-up opérés par les fonds de pension anglo-saxons sur cette industrie prospère. En 2006, il avait déjà abordé le sujet dans La Mondialisation autour de la figure d’un chef d’entreprise, Yves Bontaz. Comme dans son travail documentaire, Gilles Perret part « du local pour raconter le global », et ce projet muri pendant six ans s’est élaboré à partir « d’une multitude d’histoires personnelles ». 

Coécrit avec Marion Grange, Reprise en main met en scène Cédric (Pierre Deladonchamps) qui vit et travaille où il est né, a étudié, s’est marié. Là où ses enfants grandissent, où il a toujours ses copains de lycée : dans cette vallée de Haute-Savoie, frontalière de la Suisse des banquiers en col blanc. Il est ouvrier qualifié dans l’usine de mécanique de précision Berthier où son père (Rufus), ancien syndicaliste retraité, « décolletait » déjà. Il aime la montagne, le Bargy tout proche, qu’il gravit en solitaire. Il est fier de son métier, de plus en plus difficile à cause de la gestion des valets du capital, de la pression des marchés et des actionnaires avides d’une rentabilité immédiate, au détriment de l’intérêt des hommes et de la survie des territoires. En passe d’être rachetée une deuxième fois par un fonds « vautour » avec le plan de licenciement qui accompagne ce genre de transaction, l’ex-usine familiale des Berthier est appelée à mourir. 

Un fondu de Ken Loach
Moins politisés que leurs aînés, Cédric et les autres vont pourtant refuser la fatalité, imaginer un plan de reprise en main original, dont on ne dévoilera pas ici la teneur, mais dont on peut dire qu’il utilise les mêmes armes que l’adversaire. Car voler des voleurs, trahir des traîtres, piéger des piégeurs, non seulement c’est moral mais c’est réjouissant. Les films sociaux au cinéma sont parfois plombants, ce n’est pas le genre de Gilles Perret qui joue ici sur les procédés comiques, la maladresse de ses personnages qui n’ont pas toujours tous les codes pour nager avec les requins. Comme Ken Loach qu’il admire, Perret filme l’humanité, la solidarité, l’amitié. Si Reprise en main documente le monde industriel – on apprend ce qu’est le décolletage, comment se gagnent les commandes avec des « méthodes de casino » et surtout ce qu’est le leveraged buy-out (LBO pour les initiés) – rien n’est jamais pesant. Pas même le symbole récurrent de la montagne à gravir – scènes d’escalades en montage alterné –    que le réalisateur arrive habilement à intégrer à son scénario. Servie par un beau casting (Lætitia Dosch, Grégory Montel, Finnegan Oldfield…), le film nous laisse entrevoir une liberté possible : celle de se reprendre en main. 

ÉLISE PADOVANI

Reprise en main de Gilles Perret
Sorti le 19 octobre
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