Au départ, le spectacle a été conçu avec l’Orchestre de Paris et Grand Corps Malade en récitant, voix off, sur les dessins de Lorenzo Mattoti, le génial réalisateur du film d’animation La Fameuse Invasion des ours en Sicile. Dominique Pitoiset et Nadia Fabrizio reprennent le spectacle, adaptent le texte, conçoivent une mise en espace, réduisent la taille de l’orchestre à une transcription sur piano à quatre mains. Puis mettent en place une scénographie et des effets de lumière qui font véritablement entrer la représentation dans l’univers du théâtre. Trois pièces musicales suivent le récit, Hänsel et Gretel de Engelbert Humperdinck, La Nuit sur le Mont Chauve de Moussorgski et sa Sérénade, pièce du cycle des Chants et danses de la mort (arrangements pour quatre mains de Richard Kleinmichel).
Mystère poétique
Les deux pianistes sur scène, Elsa Bonnet qui joue « à la maison » (elle a débuté ses études pianistiques à Aix-en-Provence avant d’intégrer le CNSM de Paris et de connaître une carrière internationale) et Pierre-Marie Gasnier lui aussi au palmarès impressionnant et « ambassadeur Pleyel », adoptent des costumes (dus à Nadia Fabrizio) qui renvoient aux deux protagonistes du conte, petite robe de poupée et nœud blanc dans les cheveux pour elle et tenue d’enfant sage pour lui. La vivacité complice et intelligente des instrumentistes tresse les phrases musicales autour du récit porté avec une subtile espièglerie par Nadia Fabrizio. Les voix des personnages naissent au fil de la narration ; les articulations du conte, les formules incantatoires scandent le déroulé de l’action tandis que les dessins de Lorenzo Mattoti, rétro-projetés sur un grand écran en fond de scène épousent les péripéties du conte. On voit l’ombre de la main armée d’un pinceau tracer des formes étranges qui peu à peu prennent sens.
La peur invoquée d’emblée par la conteuse se traduit dans le foisonnement des arbres, des perspectives où s’entremêlent ronces, buissons et fourrés, laissant une place minuscule aux personnages stylisés. Le mystère poétique des formes correspond à celui des musiques, et enrobe le spectateur dans son orbe expressionniste. Le conte se mue en fable par sa morale qui célèbre la fraternité solidaire. Le spectacle accessible dès huit ans est une pépite dont les largement plus de huit ans se régalent aussi !
MARYVONNE COLOMBANI
Hansel et Gretel a été donné du 30 novembre au 2 décembre au Théâtre du Jeu de Paume, Aix-en-Provence.