mercredi 2 octobre 2024
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Pas de fin de vacance

Comment qualifier un chef d’État qui sous prétexte de préserver la République d’une instabilité parlementaire qu’il a entièrement provoquée, maintient un pays dans un état de sidération et d’impossibilité d’action inédits ? 

La vacance du Gouvernement plonge les administrations et les administré·e·s dans une instabilité qui s’ajoute à des années de politique de girouette et décisions imposées contre la volonté manifeste du peuple. En cinq ans, cinq ministres de l’Éducation nationale se sont succédé, sans ligne directrice, imposant chacun ses caprices, détruisant les processus d’orientation vers le supérieur, l’équilibre des heures, les parcours technologiques, l’équité territoriale, les recrutements d’enseignants. 

La vacance de la rentrée achèvera-t-elle d’installer la défiance envers les établissements publics, l’insécurité croissante des professeurs, la dégradation spectaculaire des résultats des élèves français au PISA * ? Et, concrètement, les établissements vont-ils installer des groupes de niveau comme la dernière réforme le suggérait, mettant en œuvre un classement précoce des élèves qui régresse vers un système éducatif d’avant Giscard et sa réforme Haby ? Un système où les enseignements artistiques sont détruits, sauf pour ceux qui les choisissent en option, comme si vivre sans rapport à l’art était possible ?

Destruction du sensible

Car la vacance au ministère de la Culture est tout aussi tragique pour la République française. Là encore, cinq ministres se sont succédé depuis 2017 sans construire de politique, mais en détruisant systématiquement les acquis de la décentralisation. Les Directions régionales de l’État subissent un manque de financement chronique du ministère centralisateur, au profit d’un « pass Culture » très efficace pour les industries culturelles, mais nul en terme d’usage démocratique et de financement de la culture publique. Les festivals ont subi cet été des changements de dates qui ont fortement impacté leurs équilibres, et ne peuvent déclencher aucun levier ministériel pour ne pas sombrer, dans un contexte où le régime de l’intermittence est une nouvelle fois menacé.

Dieu, Jupiter et les capitalistes

Pendant ce temps, une campagne pour la restauration du patrimoine religieux des villages est lancée par la Fondation du patrimoine, financée conjointement par le ministère et par des dons de particuliers. Tandis que les écoles et les industries rurales ferment, les églises des villages sont restaurées, en dépit du principe de laïcité et d’égalité des religions – les villages comportent peu de temples, de synagogues, de mosquée ou de mandir. 

Plus grave encore, la politique des médias, gérée par le direction des industries culturelles du ministère, laisse le service public audiovisuel licencier les irrévérencieux de gauche, mais fait prospérer les incendiaires d’extrême droite, finance les grands groupes industriels propriétaires de presse, laisse disparaître, victimes d’une concurrence disproportionnée, les titres indépendants  nécessaires à la démocratie locale. 

La vacance de l’éducation, de la recherche et de la culture peut construire, si elle se poursuit, une société durablement décérébrée et insensible. Par le caprice d’un incendiaire qui a facturé la République et ne doit la survie de ses députés qu’à la mobilisation de la gauche. Encore vivante, malgré ses coups, elle n’acceptera pas plus longtemps son mépris.

AGNÈS FRESCHEL 

*L’évaluation internationale de l’OCDE constate année après année la dégradation du niveau des élèves français en mathématiques, compréhension de l’écrit et en sciences. Aujourd’hui elle est à peine au-dessus du score médian situé à 472 points, et figure après la Lettonie ou la Croatie. Elle est passée entre 2006 et 2023 d’un score de 505 à 474 (maximum 575, minimum 400), accusant la plus forte baisse des 81 pays évalués par l’OCDE.

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