mercredi 2 octobre 2024
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Art lyrique et politique

L’Opéra Grand Avignon a fait briller les étoiles avec sa production de Tosca, d’une actualité toute en pudeur débordante

On oublie souvent que le grand opéra italien doit son succès à ses positionnements politiques populaires, aux révolutionnaires Guillaume Tell et Figaro de Rossini, au nationalisme républicain de Verdi, aux révoltes incessantes de Puccini face aux pouvoirs tyranniques, colonial, militaire ou policier. 

Chant d’amour et de liberté, Tosca est un brûlot qui représente, comme tous les opéras de Puccini, le désir féminin, le refus d’une sexualité contrainte, la joie sublime de l’amour partagé. À quelques heures de son exécution, le peintre républicain Cavaradossi allume les étoiles, glorifie la sensualité de Tosca, et proclame qu’il n’a jamais autant aimé la vie. À quelques centaines de mètres ,la pieuse Tosca exécute d’un coup de poignard assuré le tyran qui voulait la violer.

La musique de Puccini dans Tosca, plus encore que dans ses autres opéras, tisse un fil dramatique continu entre l’orchestre et les voix, qui se posent au-dessus de la masse instrumentale et des leitmotive : comme dans un opéra wagnérien, mais avec une grâce toute italienne, l’orchestre fait chanter les thèmes de chacun et annonce les changements de leurs états d’âme, au fil de la progression dramatique.

Exécution

L’intelligence de Jean-Claude Berutti est de mettre sa mise en scène au service de l’œuvre. Non pour disparaître, mais pour faire entendre la musique, et souligner, lorsqu’il le faut, le contexte historique et symbolique. L’enjeu de ce premier opéra du XXe siècle (créé le 14 janvier 1900 !), c’est le pouvoir dans la récente capitale italienne, qui se décide entre l’Église sant’Andrea, le Palais Farnese et le Château Saint Ange, c’est à dire entre la religion, le pouvoir et la prison. Sans autre décor que des projections d’images réelles, et mouvantes, de ces lieux, la mise en scène promène les personnages dans une église devenue un lieu d’art et d’amour, un palais où le tyran Scarpia pratique la torture et le viol, une prison qui entend le chant doux d’un berger, d’un amour puis, soudain la mort violente.

Dans des costumes et des éléments de décor simples, les solistes, le chœur et la maîtrise de l’opéra peuvent faire face aux exploits vocaux que la partition exige. Le Te deum qui couronne le premier acte et la cantate du deuxième tissent des superpositions complexes, et les duos, acrobatiques, n’offrent que peu de repos aux trois solistes principaux entre leurs morceaux de bravoure. 

L’horrible Scarpia, abuseur sans scrupule qui jouit de son pouvoir, est interprété avec une froide barbarie par André Heyboer, aux basses profondes et aux aigus faciles, dans une tessiture égale et puissante. Si Sébastien Guèze (Cavaradossi) est un peu inégal dans le recondita armonia qui ouvre comme un terrible mur d’escalade le premier acte, il est ensuite passionné dans ses duos, et sublime dans sa prison et le célèbre E Lucevan le stelle. Quant au rôle-titre, qui ne quitte presque jamais la scène au long des deux heures trente d’un opéra harassant, il est tenu par Barbara Haveman, dont la voix sûre sait incarner les élans tendres, les frayeurs jalouses, le baiser de mort, le rêve bucolique, l’horreur. Son Vissi d’arti, très attendu, a fait vibrer le public d’émotion.  

L’Orchestre national Avignon Provence, dirigé par Federico Santi, sait accompagner leurs élans  et impulser les siens dans les nombreux moments où l’orchestre prend la voix. Une production ambitieuse, dont on regrette une fois de plus qu’elle ne tourne pas sur les autres plateaux régionaux, et nationaux, qui pourraient la recevoir dans une économie raisonnée.

AGNÈS FRESCHEL

Tosca a été créé à l’Opéra d’Avignon les 5, 7 et 9 avril
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