mercredi 2 octobre 2024
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Le jazz, musique des peuples

Dans Workers, le Kami Octet réécrit, en musique, une histoire des luttes sociales

« Ce disque rend hommage à toutes les personnes qui aujourd’hui comme hier se dressent et se sont dressées face aux prédateurs capitalistes, dont la voracité sans limite menace la pérennité de toute vie sur cette planète. » Ces mots de Pascal Charrier sont posés en exergue de son nouvel opus, Workers, sous-titré Une Musique Populaire, CD concocté avec le Kami Octet, groupe que le guitariste a fondé en 2011. En six titres, l’histoire sociale américaine et européenne passe à la moulinette du jazz dont les variations de jeu, d’inspiration, de répertoire, d’école même, épousent, comme un nouveau rituel les mouvements des masses. 

Le premier morceau/chapitre, Le bal du dimanche, offre un jazz très « classique », carré, joyeux, insouciant. La fête populaire prend des timbres plus graves avec The child, titre qui se réfère à un roman de Jean-Paul Dubois, évoquant un enfant mort, confie Pascal Charrier. Si on lui demande alors le symbolisme de ce passage, qui pourrait être mis en relation avec les élans et les échecs de certaines luttes populaires, étouffées dans l’œuf, il sourit, « vous pouvez en effet y penser. L’essentiel, c’est ce que la musique dit à chacun d’entre nous »…  Le jazz en tout cas est ici vécu comme une musique, de la grande musique, issue de l’expression populaire. 

Espoirs et déceptions 
Les superpositions de rythmes, les orbes des mélodies, le son qui s’incarne et s’évade en subtiles harmoniques, les timbres qui s’architecturent en constructions qui défient la pesanteur, brossent un univers sensible et foisonnant, vibrant de voix multiples qui racontent, murmurent, s’indignent, échos de toutes celles qui se sont tues et des paroles à venir. Le printemps, celui du mois de mai, éclot empreint d’une gravité première que soulignent les notes graves du piano (Paul Wacrenier) initial tandis que la contrebasse (Leïla Soldevila) muse, étonnamment légère, et que la voix d’Émilie Lesbros dessine un air insouciant. 

Parenthèse brève avant la grève, Strike : la machine impose la régularité de ses mouvements avant que tout se désorganise. « Workers never stop (…) / ça ne changera peut-être pas jamais… », la voix de la chanteuse se fait dure, soutenue par la batterie de Nicolas Pointard et les vents, Julien Soro (saxophone alto), Yann Lecollaire (clarinette basse) et Simon Girard (trombone) qui s’en donnent à cœur joie. C’est le corps de la manifestation qui instaure sa propre rythmique… Les déceptions s’écrivent dans La mémoire des vaincus (titre emprunté au roman de Michel Ragon) avant que renaisse L’espoir (clin d’œil à Malraux ?). Une pépite !

MARYVONNE COLOMBANI

Workers - Une musique populaire, Kami Octet 
Naï Nô/Inouïe
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