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L’Opéra de Marseille chérit ses Huguenots

Le grand opéra dispendieux de Meyerbeer a trouvé ses grands interprètes

Interrogé récemment au sujet du grand retour de Meyerbeer sur les scènes françaises, et plus particulièrement de ses Huguenots, Maurice Xiberras répondait que l’absence de cet opus magnum étaient avant tout due à l’absence d’interprètes adéquats pour ses rôles particulièrement exigeants. Et les vocalises acrobatiques, échevelées et truffées de virelangues – « plus blanche que la blanche hermine » – ont de quoi lui donner raison. Seuls des chanteurs et chanteuses doté·e·s d’un ambitus mais également d’une diction hors pair pouvaient s’affranchir d’un tel exercice, qui mobilise ses interprètes sur près de quatre heures et demie de spectacle. De tous les actes et quasiment de tous les plans, le Raoul d’Enea Scala possède le timbre et les qualités d’articulation idéales pour ce répertoire. Rare non francophone de la distribution, il brille pourtant sur les voyelles les plus nasales et sur les nombreuses consonnes, et sait déployer l’énergie et la fougue que réclament le personnage, seul protagoniste mobilisé sur les cinq actes. 

Peu de surprises

Ses camarades de jeu masculins brillent également sur des partitions très exigeantes : Marc Barrard est un comte de Nevers impeccable, et François Lis un comte de Saint-Bris de très bonne tenue. Nicolas Courjal ravit l’auditoire sur le moindre de ses airs, fort de graves assez ahurissants et d’une présence scénique inimitable, qui rend tangible l’évolution psychologique de son Marcel. La distribution féminine est peut-être plus brillante encore : habituée des lieux – et on ne s’en plaint pas ! – Karine Deshayes campe une Valentine irréprochable. Les performances vocales de la soprano roumaine Florina Ilie et Eleonore Pancrazi sont également ahurissantes, et insufflent ce qu’il faut d’ambiguïté au duo constitué par Marguerite de Valois et son page. L’orchestre, dirigé par José Miguel Pérez-Sierra, se révèle lui aussi très à l’aise sur ce répertoire qu’il commence à bien connaître.

Reste qu’on pourra trouver dommage que tant de grands musiciens et interprètes soient mobilisés sur une œuvre si peu riche en grands moments, scéniques comme musicaux. La mise en scène de Louis Désiré, épurée mais cohérente plastiquement parlant, ne rend cependant pas plus clair le déroulement déjà très confus du livret. Les émois des personnages, à mille lieues du sérieux que le sujet invoque – celui du massacre de la Saint-Barthélemy – n’atteignent jamais le spectateur. Parfois saisissante, la musique ne réserve cependant que peu de surprises… ou de moments de grâce.

SUZANNE CANESSA

Les Huguenots été donné du 3 au 11 juin à l’Opéra de Marseille
Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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