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Grotte Cosquer : une merveille désengloutie

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Visite de Cosquer Mediterranee.

Le parcours reproduisant la grotte Cosquer au sein de la villa Méditerranée a fêté son premier anniversaire en juin. Un voyage immersif en préhistoire (de -33 000 jusqu’à -19 000 ans avant notre ère), qui retrace la découverte du site, faite par Henri Cosquer,  et reproduit tous les symboles laissés par l’Homme à cette époque. Un site qui, au long de cette première année, a accueilli plus de 800.000 visiteurs, et devrait approcher le million d’ici la fin de sa deuxième saison estivale.

Immersion en paléolithique supérieur

La visite débute par une descente virtuelle, en ascenseur, à -37 mètres sous le niveau de la mer, et  se poursuit ensuite par un parcours à bord d’un wagon dans une réplique des profondeurs de la grotte.  Prouesse technique, le parcours concentre les dessins et gravures reproduits à l’échelle dans un espace assez réduit, et  balade ainsi le visiteur jusqu’aux moindres recoins de la réplique. L’histoire de la découverte de la grotte sous marine ainsi que le commentaire des nombreuses traces humaines sont susurrés dans des « audio casques ». Et le  sens artistique de ces humains d’un autre âge, si proches de nous dans leurs aspirations et leurs questionnements, est terriblement émouvant.

Le travail apporté aux détails est titanesque, chaque peinture de main ou d’animal, chaque gravure, chaque reproduction de stalactites, de stalagmites ou autre concrétion atypique est au plus proche du réel. « La réplique est tellement pointilleuse, on se prend au jeu » affirme, Richard Strambio, Conseiller régional délégué au patrimoine et à la mémoire. « On est à la pointe de la technologie et si notre imaginaire prend le dessus, alors à ce moment-là l’effet de réel fonctionne ».

Chaque jour, depuis le début de l’été, les visites sont complètes dès la matinée. « Je pense qu’il y a un engouement pour la préhistoire, pour nos origines, dans une époque qui manque de sens » confie, Richard Strambio, « Comprendre le passé, c’est comprendre le présent et éclairer l’avenir ».

A la suite de cette immersion au sein de la réplique, un court-métrage d’une dizaine de minutes est projeté dans l’amphithéâtre, qui retrace la découverte de la grotte par Henri Cosquer, la curiosité qui l’a poussé à tenter cette exploration à cinq reprises avant d’arriver au cœur de la grotte… ainsi que tous les risques bravés lors de cette aventure ! Une obstination qui aurait pu lui coûter la vie, ou condamner définitivement l’entrée de la grotte par exemple…

Fragilité humaine

La dernière partie de la visite, dans le porte-à-faux de la Villa Méditerranée, présente des reproductions grandeur nature des animaux évoqués, en peinture ou gravure, dans la grotte et sa réplique. Que cela soient des prédateurs maintenant disparus ou des animaux pacifiques, la qualité du détail est une nouvelle fois bluffante, et leur taille impressionnante : la fragilité des humains, dominés par ces animaux d’antan est ainsi mise en perspective sensible, en particulier grâce à la reproduction à l’échelle d’une femme enceinte, enveloppée de fourrure.

Notre proximité avec ces humains du paléolithique supérieur apparaît aussi avec la reproduction de divers bijoux, simples et beaux, et d’instruments de musique, percussifs, vents ou cordes, devenus universels, comme une constante de notre humanité, à l’égal des dessins ornementaux.

Préhistos bord de mer

Mais c’est une barque qui occupe la majeure partie de la salle, rappelant la spécificité de la découverte de Cosquer par rapport aux grottes Chauvet, ou à Lascaux : si l’occupation du site Cosquer qui fut très longue, correspond à la fin de Chauvet (-33000 ans) et se poursuit au-delà de Lascaux (- 21000 ans), sa spécificité, outre ces millénaires d’occupation, est sa situation maritime. La barque en bois permettait d’accueillir, par exemple, de nombreux chasseurs partis en quête de nourriture.

La découverte de cette grotte révèle donc un écosystème et un mode de vie unique : les peintures attestent, par exemple, qu’il y a eu des pingouins en Provence ! Et les concrétions rocheuses produites au fil du temps, notamment ces « lustres »reproduits dans la réplique, doivent leurs formes au sel marin.

L’exposition dans le porte-à-faux se conclut par différentes cartes et animations démontrant le niveau de la montée des eaux qui ne cesse de s’accélérer au fil du temps et qui était déjà, au temps d’Henri Cosquer, une préoccupation centrale lors de ses explorations.

« L’accélération de cette montée des eaux, le réchauffement climatique est la problématique majeure de notre temps. On touche du doigt quotidiennement ce défi avec la grotte Cosquer, qui finira malheureusement engloutie par les eaux » affirme Richard Strambio.

De l’audace, toujours de l’audace

Ainsi, cette reconstitution de la grotte Cosquer est un travail qui a demandé plusieurs années de préparation jusqu’à sa finalisation le 4 juin 2022. De la déclaration d’une grotte faite par Henri Cosquer en 1991, à son authentification par Jean Courtin et Jean Clottes, puis à sa reproduction au sein de la Villa Méditerranée aujourd’hui, il aura fallu attendre certains progrès techniques, ou les provoquer, afin d‘analyser chacune des traces laissées par l’Homme sur les murs de la grotte, comprendre comment les conserver au mieux, puis comment les retranscrire sur les murs artificiels de la réplique.

« Je considère ce projet comme une prouesse de conception dans tous les sens du terme, un mélange de prouesse et d’audace » s’enthousiasme, Richard Strambio. « Henri Cosquer a eu l’audace d’enlever son scaphandre autonome, puis il y a l’audace de penser à faire cette réplique, l’audace architecturale sur ce surplomb, l’audace finalement de la restitution ».

« L’amateur d’histoire en moi est satisfait, les représentations de ces mains dans la grotte est capitale, c’est un symbole du passage de l’Homme on ne peut plus clair, nous approchons des 900.000 visiteurs et ça le mérite largement, au vu des moyens employés ».

« J’estime que Marseille n’est pas souvent prise au sérieux alors qu’avec cette découverte, nous sommes dans l’un des premiers sites de grotte orné d’Europe et du monde » s’emporte,  enthousiaste, Richard Strambio. « Nous avons aussi eu la visite du Président de la République dernièrement, ce qui nous permet de nous rendre compte de la pertinence de ce lieu » ajoute-t-il. « Sans oublier le Mucem qui fait rayonner cette ville au niveau international » conclut-il.

Un succès touristique souligné jusque dans les revues américaines !

Baptiste Ledon

grotte-cosquer.com

Un partenariat public privé réussi 

La Grotte Cosquer, ainsi que toutes les données recueillies depuis sa déclaration au DRASSM (Département des recherches archéologiques, subaquatiques et sous marines) par Henri Cosquer en 1991, appartiennent à l’Etat. Elle est menacée, à court terme sans doute, de disparition sous les eaux.

La Villa Méditerranée, beau geste architectural de Stefan Boeri, construite par la volonté de Michel Vauzelle alors Président de la Région PACA, appartient à la Région Sud aujourd’hui présidée par Renaud Muselier. Elle peinait à trouver une destination et est restée longtemps sous-employée, ou fermée.

Kleber Rossillon, société privée qui gère avec succès 12 sites touristiques et culturels sur le territoire français  (du Site de Waterloo au Château de Langeais en passant par le Train de l’Ardèche ), avait à son actif la réussite de la gestion de la Grotte Chauvet, remarquablement restituée et gérée.  Remportant l’appel d’offre régional en 2019, la société a su en deux ans réaliser un exploit scientifique et technique, avec la restitution et l’ouverture de Cosquer Méditerranée.

Grâce à 9 millions d’investissement de la Région Sud, Kléber Rossillon exploite donc le site avec un succès qui dépasse les prévisions, qui étaient de 700000 visiteurs par an. Inauguré après plus d’un an d’existence par le Président Macron le 23 mai 2023, il comptait déjà plus de 800000 visiteurs.

Pas de tarification sociale

L’attractivité touristique du site est indéniable même s’il n’entre pas dans le cadre du City Pass mis en place à Marseille. Mais les visiteurs locaux sont aussi au rendez-vous : le Pass culture, régional et/ou national ouvre la porte aux lycéens et aux plus de 14 ans, les ateliers et les expositions attirent les scolaires et les familles.

On peut cependant déplorer, sans s’en étonner, que les prix d’entrée restent ceux des attractions privés : 16 euros pour les plus de 18 ans, 5 euros à partir de 6 ans, 10 euros à partir de 10 ans. Et une absence de tarification sociale.

Les bénéficiaires de l’AAH, du RSA et les chômeurs, les moins de 18 ans, les étudiants de moins de 25 ans… entreront gratuitement dans les expositions et événements du Mucem, juste à côté, ou dans les musées de Marseille… Culture publique oblige !

SUZANNE CANESSA

Nelson Goerner l’enchanteur

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Nelson Goerner Aziz Shokhakimov Sinfonia Varsovia © Valentine Chauvin 2023

Deux concertos de Rachmaninov dans la même soirée, même pas peur ! L’immense pianiste Nelson Goerner interpréta les Concertos pour piano et orchestre n° 3 et 4 du compositeur russe aux côtés du Sinfonia Varsovia avec la puissance et la verve poétiques qui lui sont propres 

Une annonce en début de concert précisait le changement de programme : l’ordre chronologique serait bouleversé et le quatrième concerto précèderait le troisième, cette apogée du romantisme.

Certes, le quatrième concerto en sol mineur, est d’une facture très intéressante, se détache de l’humus romantique, esquisse de nouvelles voies, répond à des inspirations multiples, se fait l’écho des ébauches écrites en Russie (Rachmaninov le créera en 1927 à Philadelphie aux USA) et pourtant il est d’une grande sobriété par rapport aux œuvres précédentes. L’écriture somptueuse de la partition réservée à l’orchestre pour ce concerto mal aimé lui donne la capacité d’un dialogue foisonnant avec le piano. Et quel piano ! Une émotion à fleur de peau, sans excès, d’une élégance bouleversante… L’artiste soliste accorde tout son sens à l’œuvre, en dessine l’ossature, la transcende, alchimie virtuose qui sera mise au service du Concerto n° 3 en ré mineur. En tout cas, on est loin de la critique américaine qui affirmait « l’écriture orchestrale a la richesse du nougat et la partie de piano rutile de mille effets éculés » (in feuille de salle remarquablement concoctée par Marie-Aude Roux) ! 

Le Concerto n° 3 était porté par la verve intelligente de Nelson Goerner dont les mains volent littéralement sur le clavier, emporte l’orchestre dans sa fougue. Ses échanges de regards avec les instruments solistes qui dialoguent avec lui soulignaient l’osmose entre l’œuvre et les musiciens. Les cadences offertes au piano, démentes de difficultés (la première déjà monstrueuse est suivie par une seconde qui est un véritable Everest pianistique !), en laissent goûter toute la brillance. Si le thème initial est d’une allure simple, les superpositions de voix, la complexité de la structure, le tissage aux expansions chatoyantes, la richesse des motifs rythmiques, le foisonnement des variations pianistiques, tout concourt à l’expression d’un lyrisme aux formes multiples, envoûtant dans ses orages comme dans ses danses légères. Le jeu ancré et aérien du poète du piano qu’est Nelson Goerner subjugue, son sens aigu des nuances, ses phrasés signifiants, touchent, bouleversent, transportent, au point que l’on ne sait plus si l’orchestre dirigé avec passion par Aziz Shokhakimov le suit dans la finesse extrême de son interprétation. Les grands élans de l’ensemble suffisent à construire un écrin au sublime. On est submergé par la beauté. 

Alors que Rachmaninov, lors de la première représentation de son œuvre avait été incapable de jouer un bis, présentant ses mains meurtries au public, Nelson Goerner, après deux concertos virtuoses, eut encore la force de faire agir la magie avec le Nocturne n° 20 en ut dièse mineur (opus Posthume) de Chopin, l’essence même de la poésie !

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 12 août au parc de Florans dans le cadre du Festival international de piano de La Roque d’Anthéron  

La Roque, lieu de création

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La soirée du 9 août voyait son public, certes d’un nombre honorable, fortement réduit par rapport à celui de la veille qui ovationnait la jeunesse de Nathanaël Gouin, Alexander Malofeev, Aziz Shokhakimov et un programme dédié à Rachmaninov. La raison ? mauvaise sans aucun doute, mais les aprioris sont encore fortement ancrés, la musique annoncée était contemporaine… On pourrait arguer que le terme contemporain est synonyme « d’aujourd’hui » et s’étonner de la détestation de notre présent… Quoi qu’il en soit, il est des peurs tenaces et les « contemporains » du siècle passé sont toujours considérés comme « inaudibles, incompréhensibles, obscurs, inabordables », la liste des termes négatifs est longue ! Pour les chanceux qui ont eu la « témérité » de se rendre au concert « Passer au présent », Henri Dutilleux – à la découverte d’un compositeur : Florent Boffard et ses amis, la représentation est à marquer d’une pierre blanche, les quasi trois heures de spectacle passant comme un songe.  

Hommage à Dutilleux

Pédagogue hors pair (il fut nommé à l’École Normale Supérieure puis au conservatoire de Paris en tant que professeur de composition), compositeur internationalement reconnu, Henri Dutilleux a composé Mystère de l’instant pour vingt-quatre cordes, cymbalum et percussions en dix séquences ou fragments qui dansent entre polyphonie et litanie en épure. Les souffles animent les envolées des cordes que les notes cristallines du cymbalum viennent ancrer telles des gouttes d’eau dans la matérialité d’un temps insaisissable. L’indicible prend forme, l’air est en suspens, le monde se concentre dans les dessins de l’infime et ouvre à l’universel. « Ce à quoi j’aspire profondément, c’est, à travers la musique, à me rapprocher d’un mystère, à rejoindre les régions inaccessibles » expliquait le compositeur à la revue Zodiaque en 1982. Le Sinfonia Varsovia, dirigé avec une attention d’horloger par Andrew Gourlay, rendit avec une justesse inspirée cette œuvre d’une précision diabolique ainsi que le propos du compositeur français auquel il consacrera le dernier volet de la soirée avec Sur le même accord, nocturne pour violon et orchestre qu’Henri Dutilleux composa pour la violoniste Anne-Sophie Mutter. Partition redoutable construite sur une alternance de passages rapides et lyriques entièrement basés sur un accord de six notes, entendu au début de la pièce et manipulé de diverses manières. La jeune violoniste Liya Petrova relevait le défi avec panache et apportait sa verve passionnée à l’œuvre. 

Une musique d’auteurs vivants

Quel privilège d’applaudir les compositeurs des œuvres entendues ! Ce plaisir fut double : Julian Anderson était présent pour assister à l’interprétation de Litanies, concerto pour violoncelle et orchestre (2018-2019). L’œuvre a pris un tour particulier lorsque, alors en pleine écriture, son compositeur a appris l’incendie de Notre-Dame. La disparition un an plus tôt d’un collègue estimé (Olivier Knussen, compositeur et chef d’orchestre) a décidé du mouvement lent en sa mémoire. Le concerto est dédié quant à lui à au violoncelliste allemand Alban Gerhardt. Ce dernier sur la scène du parc de Florans interpréta avec une virtuosité inouïe cette pièce impossible qui semble explorer toutes les capacités du violoncelle dans un dialogue éblouissant avec l’orchestre, inventif, expressif, en une palette aux couleurs infinies.

Et une création mondiale

Auparavant, une création mondiale était offerte aux auditeurs. Le directeur artistique du Festival international de piano de La Roque d’Anthéron, René Martin, y tient beaucoup : « le festival ne serait pas digne de sa réputation s’il ignorait la création contemporaine et s’il ne la soutenait pas. Aussi, pour la première fois de son histoire, le festival a passé commande ».  

Philippe Schoeller dont les compositions pour le cinéma par exemple font l’unanimité présenta ainsi Hymnus pour piano et ensemble orchestral. Nourri de littérature, d’art, le compositeur, complice du pianiste Florent Boffard, dédicataire de l’œuvre, a conçu cette œuvre pour La Roque d’Anthéron, et le « plein air », d’où le choix du terme « hymne » qui « rend hommage à ce qu’il célèbre (…) ici, la Nature en elle-même. TOUTE la Nature, des atomes aux clusters de galaxies, des bactéries jusqu’aux grands vertébrés, sans oublier les oiseaux-lyres et les dauphins ». La feuille de salle rapporte les intentions du compositeur-poète dont la présentation est aussi un fragment de rêve. Sur scène des instruments à vent (six bois, six cuivres), « voix collective. Le Peuple. Sa noblesse essentielle », des percussions, des vibraphones et le piano, « grand maître de cérémonie, sobre, puissant et méditatif (…) jusqu’à des lancées Pollockiennes d’énergies totémiques, furie des mains virtuoses »… La nature connaît tous les paroxysmes dans les élans de « ce grand oiseau noir et blanc qu’est un grand piano queue de concert ». L’expressivité de l’ensemble, les variations subtiles des rythmes, des intentions, brossent une palette moirée de nuances et de sens, fluide dans ses respirations qui se mêlent au grand Tout. 

Si les soirées d’exception foisonnent à La Roque, celle-ci est sans doute la plus forte de sens et d’humanité.

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné au parc de Florans dans le cadre du Festival international de piano de La Roque d’Anthéron le 9 août.  

Virtuose ? Affirmatif !

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Soirée monumentale à La Roque : les deux jeunes pianistes, Nathanaël Gouin et Alexander Malofeev se partageaient le concert aux côtés du Sinfonia Varsovia galvanisé par son chef, Aziz Shokhakimov, pour la deuxième partie de l’Intégrale des Concertos pour piano de Rachmaninov.

En préambule, le Sinfonia Varsovia présentait une pièce de la compositrice polonaise Grazyna Bacewicz dont l’œuvre permet de retracer les remuements de l’histoire du XXème siècle (joug du Tsar russe, guerre de 1914-1918, Seconde Guerre mondiale, occupation nazie, régime soviétique stalinien…). Ces époques troublées marquent le travail de l’artiste issue d’une famille de violonistes. Ses partitions portent une attention particulière aux cordes. Son Ouverture pour orchestre symphonique de 1943 est amorcée par un motif rythmique de timbales qui sous-tendra discrètement toute la pièce dont les effets proches de ceux des films d’action, à grand renfort de croches, d’accélérations, de tempêtes qui s’apaisent avec une flûte des temps heureux de l’Arcadie antique et chantent avec le cor et les altos. La transparence des paysages pacifiques s’interrompt soudain avec l’irruption de l’Allegro dont l’énergie balaie tout sur son passage, au son des clairons que la texture dense des cordes souligne, défiant l’ennemi et surmontant toutes les catastrophes. 

Élégantes coutures

Après cette entrée en matière époustouflante, le Sinfonia Varsovia était prêt à accueillir le Steinway des concertistes. Le très subtil Nathanaël Gouin entrait en scène pour la Rhapsodie sur un thème de Paganini opus 43 de Rachmaninov qui peut être considérée comme son cinquième concerto, cousant (la rhapsodie du grec « ῥάπτω», coudre et « ᾠδή », chant) ensemble les onze premières variations en une section initiale, puis les 12 à 18 pour le mouvement lent, et les dernières constituant un finale. Il est souvent suggéré que le motif du Dies Irae que l’on retrouve dans cette pièce serait une référence au mythe selon lequel Paganini aurait vendu son âme au diable en échange de sa virtuosité et de l’amour d’une femme… La naissance de l’amour est reprise par le film de Tornatore, basé sur un roman d’Alessandro Baricco (Novecento), La légende du pianiste sur l’océan, qui mêle les accents poétiques de la variation XVIII et la rencontre amoureuse. Le soliste se glisse avec aisance dans les scansions oniriques de l’œuvre, y glisse un regard espiègle, en épouse les nuances, se laisse emporter dans la houle de l’orchestre en une musique d’une infinie délicatesse. Sa capacité à transcrire les moindres émotions était encore plus évidente lors des rappels, une sublime Romance de Nadir (Les Pêcheurs de Perles de Bizet dans un superbe arrangement du pianiste lui-même) et le Prélude n° 12 en sol dièse mineurde Rachmaninov. Il fallait bien un entracte pour se remettre afin de plonger dans le deuxième Concerto pour piano et orchestre en ut mineur opus 18 de Rachmaninov.

Duo de géants

Alexander Malofeev, familier de La Roque depuis ses treize ans, et suivi par un public qui se plaît à voir grandir ce grand artiste, s’attachait à l’interprétation du plus joué des concertos de Rachmaninov dont la conception a quelque chose d’assez romanesque : désespéré par l’échec de sa première Symphonie (les instrumentistes bâclent le travail, ne respectent ni les tempi ni les indications du compositeur et la plus grande partie de la critique l’éreinte), le compositeur se retire en lui-même, se réfugie dans l’alcool et ne crée plus durant trois ans. Nicolas Dahl, psychiatre spécialiste des désintoxications sous hypnose l’encourage à composer un concerto (n’y a-t-il meilleur remède que l’art ?). Le deuxième Concerto, dédié au docteur Dahl en remerciement, naît alors suivi par une période très féconde pour le compositeur. L’œuvre, aux multiples difficultés (dont celle des dixièmes à jouer d’une seule main), se raconte au fil de son écriture. Les célèbres premières notes du piano laissent ensuite le rôle central à l’orchestre dont il accompagne la mélodie jusqu’à son premier solo. La beauté, le lyrisme échevelé, les rêveries, les emportements, les nostalgies, sont déclinés avec une verve et une grâce bouleversantes. L’orchestre, dirigé avec une intelligente passion par Aziz Shokhakimov, puissant comme les orages d’une âme, devient un écrin aux élans pianistiques d’Alexander Malofeev dont le jeu lumineux transcrit les envols d’une partition qu’il sert avec enthousiasme et intelligence. Il séduira encore lors des bis avec le Prélude pour la main gauche opus 9 n° 1 de Scriabine et l’éblouissante Toccata en ré mineur opus 11 de Prokofiev qui décidément semble être l’un de ses morceaux de rappel fétiche : l’énergie mécanique et espiègle de cette Toccata avait conclu son concert soliste à la Maison du Cygne de Six-Fours-les-Plages en juillet dernier.  

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 8 août au parc de Florans, dans le cadre du Festival international de piano de La Roque d’Anthéron

De l’art pour tous, au cœur de Toulon

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Création d'un enfant, produite avec des matériaux de récupération.

C’est dans le cadre du dispositif « Quartier d’été » que l’atelier-galerie Globule a ouvert ses portes, au cœur de Toulon. Un projet qui a pour souhait de sensibiliser gratuitement un public qui n’a pas forcément accès à l’art, notamment les enfants issus de quartiers prioritaires, à travers diverses créations qu’ils produisent dans un temps imparti.

Chaque semaine, c’est un nouvel artiste et un autre groupe d’enfants, qui se mettent à l’ouvrage, afin de pouvoir exposer les créations lors d’un vernissage le vendredi, à partir de 18h. Les enfants ont au total, cinq sessions de deux heures chacune afin de réaliser ce qu’ils ont en tête. « La première semaine nous avions accueilli Charles-Arthur Feuvrier » explique, Maureen Gontier coordinatrice du projet. « Il s’est occupé à créer avec les enfants des structures à partir de morceaux de scotch et nous avons eu des résultats vraiment étonnants » s’enthousiasme-t-elle.  « La semaine suivante nous avions reçu Julie Gaubert, puis celle d’après Chong Zheng qui proposaient tout deux d’autres matériaux et une nouvelle approche pour la création ».

« Toute cette diversité d’artiste vient du travail effectué avec Metaxu, notre lieu de recherche de création et de résidence. Tout ce que l’on produit attire de nouveaux artistes et c’est principalement de cette manière que notre programmation se développe » conclut-elle.

Réunir, un objectif accompli

C’est dans le courant de la matinée que les enfants sont reçus afin de pouvoir commencer leurs créations. « Nous avons pris contact avec diverses structures sociales, notre but est de donner de l’intérêt à ce que l’on fait, aux quartiers éloignés des centre-ville, éloignés de l’art » explique, Maureen, Gontier. « Les enfants reviennent nous voir plus tard, ils rencontrent d’autres enfants venus d’autres quartiers plus aisés de Toulon qui ne se seraient pas rencontrés hors de ce cadre-là et tout l’intérêt est ici finalement ».

Baptiste Ledon.

L’atelier-galerie reste ouvert au public jusqu’au 12 août dans le centre de Toulon, sur la place du Globe.

Avec Hicham Berrada, les Pénitents prennent la lumière

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Les Pénitents bei les Mées

D’habitude, la technique du mapping vidéo trouve comme écrin des lieux créés par l’homme. On pense à la Fête des Lumières à Lyon, et ses projections sur les monuments de la ville, ou plus récemment aux Carrières des Lumières des Baux-de-Provence. Ce 14 août, sous l’impulsion de la mairie des Mées et du Cairn de Digne-les-Bains, ce dispositif est installé dans un des plus beaux sites naturels des Alpes-de-Haute-Provence : Les Pénitents des Mées, ces impressionnantes formations géologiques surplombants la vallée de la Durance. Pour réaliser cette œuvre de 3000 m2, c’est Hicham Berrada qui a été sollicité. Un choix logique, quand on sait que l’artiste franco-marocain s’illustre depuis plusieurs années dans le rapport entre art contemporain et science.

New York, Dubaï, Les Mées

Si l’idée de l’installation est venue de l’ancien maire des Mées, Gérard Paul, c’est Charles Garcin, directeur adjoint du Cairn, qui a pensé à Hicham Berrada pour créer cette installation. « En 2015 j’avais déjà travaillé avec Hicham, et je savais qu’il serait parfait pour ce projet », explique-t-il. Et pour cause, l’artiste, qui mêle dans ses œuvres art et science, comme dans ses tableaux « chimiques » avait notamment « travaillé au sein d’un groupe d’artistes et de scientifique au Palais de Tokyo (Paris) sur la morphogénèse [développement des formes et des structures des espèces vivantes, ndlr]. »

Un travail dont la notoriété a depuis fait le tour du monde, Hicham Berrada est devenu l’un des artistes d’art contemporain français les plus demandés. « D’habitude, pour voir le travail d’Hicham, il faut aller à New York, Dubaï, Sidney, ou à la Bourse du commerce à Paris. Le faire venir dans la commune des Mées, dans un événement populaire et gratuit, c’est quelque chose d’incroyable », se réjouit-il.

À ses côtés, Hicham Berrada a fait appel à un compagnon de longue date. Le musicien Laurent Durupt, qui présentera pendant l’installation vidéo une performance sonore. Notons aussi que cette soirée accueillera plusieurs animations, dont un marché d’artisans et de producteurs locaux. De quoi profiter de l’un des événements d’art contemporain les plus enthousiasmants de l’été, dans une ambiance populaire et décontractée. Pas si commun !

NICOLAS SANTUCCI

Lumières des Mées avec Hicham Berrada

14 août

Les Mées, Alpes-de-Hautes-Provence

les-mees.fr

Alchimies du soir

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L'extraordinaire n'aura pas lieu.

La douzaine de spectacles programmés Avant le soir par Renaud-Marie Leblanc dans les jardins des 1er et 7ème arrondissements continue d’attirer un public d’habitués et de nouveaux venus. Fidèles à tous les genres et registres – musiques comme théâtre – les groupes à géométrie variables échangent dès la file d’attente qui se forme une demi-heure avant le début des représentations. Sur tel spectacle vu la veille ou l’avant-veille, ou encore sur le prologue concocté par les jeunes diplômés de l’ERACM Athéna Amara et Joseph Lemarignier, qui sert de prélude à chaque représentation. Et sur la prochaine date à ne pas manquer, chaque spectacle étant joué trois fois.

Musiques à gogo

Le mois de juillet nous avait permis de découvrir le jazz urbain, free et électro du Trio Bloom, qui reviendra le 31 août au Square Labadié ; les musiques itinérantes du Collectif Transbordeur reviendront également le 23 août au Square Labadié et le 30 au Jardin Benedetti ;  le délicieux concert gustatif pensé par le violoncelliste Jean-Florent Gabriel et le chef cuisinier Louis Masson, qui signait le 7 août sa dernière représentation; les mélodies françaises de tous temps sublimées par le baryton Mikhael Piccone, la soprano Lucile Pessey et la pianiste Marion Liotard, à ne pas manquer le 18 août au square Labadié. Ne manquait à ce tableau qu’une nouvelle exploration des musiques du monde, dont la proposition du Duo 38 se revendique avec générosité. La chanteuse d’origine vietnamienne Juliette Towanda fait ainsi sienne le swing de Petite Fleur, mais aussi les berceuses de son enfance ; berceuses que le guitariste Gamal Darian teinte de rythmes et harmonies venues tout droit de son Argentine natale. Un duo plus que charmant, qui reviendra le 28 août faire chanter le square Albrecht.

Scènes de ménage

L’Édito du Bain Collectif, pensé autour de trois grandes thématiques du moment, aura lui aussi constitué un temps fort de cette programmation estivale. Côte à côte avec le très romanesque Fahrenheit 451 de la troupe du Badaboum Théâtre, très apprécié d’un public sensible à sa mélancolie mais surtout à son sens du théâtre et de la (science-)fiction : il saura captiver de nouveau le 22 août le public du jardin Benedetti. Le théâtre de cet été sait également se faire intime et poétique : la compagnie La Paloma a notamment su émouvoir avec son adaptation de La Pluie de Daniel Keene, à retrouver pour une dernière représentation le 17 août au square Albrecht.

Plus solaire, le très beau travail de la compagnie Soleil Vert sur En vie, texte d’Eugène Savitzkaya paru aux Editions de Minuit en 1995. Les qualités d’interprétation du couple constitué par Laurent de Richemond, également à la mise en scène, et Anne Naudon, y sont évidemment pour beaucoup. De même que la création sonore de Pascal Gobin, assez présente et respectueuse du texte pour en façonner l’ambiance et le propos. L’Extraordinaire n’aura pas lieu scrute avec acuité et douceur les porosités du quotidien, ce « trop-plein nécessaire » qui déborde de nos armoires. Jusqu’au névrotique « rapport avec les rats », que de charmants costumes viennent figurer en fond de scène, de part et d’autre d’un square Labadié qui nous apparaît alors sous un jour nouveau. Et qu’on a hâte de retrouver pour cette charmante proposition le jeudi 10 août.

Concerts et créations en vue

Outre l’exploration dansée de l’association Promenade d’artiste, à retrouver pour une dernière représentation le 9 septembre au square Albrecht, la création des Corps Parlants promet également de faire entrer la chorégraphie dans les jardins, en se revendiquant d’une démarche art-thérapeutique tout à fait nouvelle les 2, 3 et 8 septembre. La troupe de Didascalies & Co dirigée par Renaud-Marie-Leblancs’intéressera enfin avec Mirages du réel à la physique quantique les 16, 21 et 24 août.

À noter également : à deux pas des 1er et 7ème arrondissements, Culture au jardin revient ! fera dialoguer la poésie d’Arthur Rimbaud avec la musique de Mariane Suner le 10 août au Parc Pastré, en compagnie des comédiens Christophe Labas-Lafite et Stefan Sao Nélet. Un travail de longue haleine que les comédiens et la musicienne ont mené avec l’hôpital de la Conception un an durant.

SUZANNE CANESSA

Pluriversalisme contre climatofascisme

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Lédition 2022 du festival "Agir pour le vivant".

Le festival Agir pour le vivant, reprend fin août sur ses terres arlésiennes. Une manifestation en résonance avec un concept cher aux auteurs des éditions Actes Sud, qui l’organisent avec l’agence Comuna : « le vivant », pour ne plus dire « la nature », trop longtemps opposée à « la culture » dans nos civilisations occidentales.

Autre notion évoquée : celle du « pluriversel », dont s’empare la pensée décoloniale, pour critiquer l’exploitation de tout ce qui est à sa portée par le capitalisme, de ses origines à nos jours : humains (particulièrement les femmes), comme animaux, sous-sols, forêts, fonds marins… Un processus exponentiel, jusqu’à la situation actuelle catastrophique, avec pour perspective plus si lointaine une Terre rendue invivable, au sens propre, par la surchauffe, la pollution et la bétonisation.

Le plurivers, ce serait donc un monde où l’on prendrait en compte d’autres modes de vie que la prédation sans frein. Par exemple celui des peuples autochtones, sur tous les continents, ou des zadistes, ici.

Pirater l’écologie

Sont notamment invités cette année pour en parler, l’anthropologue américano-colombien Arturo Escobar, connu pour sa critique du développement économique, et Moira Millan, weychafe (guerrière) du peuple mapuche, à l’engagement anti-patriarcal. Ou encore Fatima Ouassak, politologue auteure d’un livre marquant paru récemment aux éditions La Découverte, Pour une écologie pirate, dans lequel elle défend un ancrage des questions environnementales dans les quartiers populaires, pour contrer le climatofascisme.

Plus de 150 intervenants seront présents, lors de multiples tables rondes, assorties de projections, spectacles et expositions. Avec un élargissement des points de rencontre : là où la première édition, en 2020, se déroulait principalement au Méjan, le festival se déploiera sur d’autres sites arlésiens, du Jardin des Alyscamps au Théâtre Antique, en passant par la place Voltaire. Et puisque rien ne vaut, pour défendre la terre et ses occupants, que d’y mettre les pieds, Agir pour le vivant s’achèvera le 27 août sur une balade dans le marais du Vigueirat, assortie d’une lecture d’extraits de Sur la piste animale du philosophe Baptiste Morizot, par la comédienne Clara Hédouin.

GAËLLE CLOAREC

Agir pour le vivant

21 au 27 août

agirpourlevivant.fr

La preuve par l’art

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Quel bel été ! Toutes les villes de la région, comme si elles s’étaient donné le mot, organisent des événements publics gratuits, expositions sur les cimes, ateliers d’art, concerts, théâtre, danse, à Aix, Marseille, Martigues, Vaison, Gap, Toulon… 

Il n’est pas une ville, un village, où un concert ne vienne agrémenter le jour du marché ou les soirées apéritives. Et dès le 16 août on pourra dénicher en librairies les premiers volumes de la rentrée littéraire, et dans nos salles de ciné quelques chefs d’œuvre que nous avons vus et lus pour vous. 

Dans ce contexte de partage entre touristes et habitants, entre générations, entre fans de culture et néophytes curieux, comment comprendre l’instauration progressive d’un état policier qui n’entend plus la rue, sinon pour la réprimer violemment ? Si les scènes de plein air attirent tant de spectateurs cet été, c’est parce qu’elles offrent des émotions et parlent des tensions sociales, comme la compagnie Hylel, Rara Woulib, les anciens de Zebda, ou Accrorap. 

Comment admettre alors que le Ministre de l’Intérieur défende inconditionnellement des prétendues forces de l’ordre qui tabassent, mutilent et tuent, alors même qu’aucun policier n’est mort dans une manif en France depuis plus de trente ans ? Comment comprendre que notre état de droit accepte que Bolloré, dont le projet politique est clair, refuse de s’engager, en reprenant le JDD, à ne pas diffuser de propos racistes, homophobes et sexistes ? Un état de droit accepte-t-il donc leur diffusion ? Une Ministre d’Etat nouvellement nommée à la politique de la ville peut elle y asséner des absurdités populistes sur les banlieues délaissées qu’il faudrait délaisser plus encore ?

Bolloré a compris que le combat était culturel, et qu’il devait s’emparer des esprits pour s’emparer du pouvoir. Notre résistance, nécessaire, vitale, aux idées fascisantes qui s’installent partout en Europe, passera par l’expression affirmée de nos valeurs, de nos cultures, de nos espoirs. Dans nos espaces publics, nos journaux, nos écrans, et nos livres.

Agnès Freschel

Jeux de mots et harmonies 

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Les titres des programmes du Festival international de musique de chambre de Provence ne cessent de déployer leurs facéties. Ce soir-là, le titre « De Cinq à Sept » s’imposait, non par l’heure du concert (23 heures), mais par la composition du programme qui convoquait sur la scène de la cour du Château de l’Empéri quintettes, septet et sextuor. 

La variété des œuvres proposées, l’allant et l’intelligence avec lesquelles elles sont interprétées, tout concourt à un concert éloigné de toute morosité. Les spectateurs affluent. Nombreux sont les « habitués », parfois depuis la fondation du festival. « On les a vus grandir, se marier, avoir des enfants, maintenant ils sont grands et ne viennent pas tous », sourient mes voisines qui affirment préférer cette manifestation à toute autre sur la région, tant par sa convivialité que par sa qualité : « ce n’est jamais trop long, » dit l’une, « et l’on ne s’ennuie jamais, renchérit la seconde, et ils sont si simples et sympathiques ! Tiens voilà la maman d’Éric ! (Éric Le Sage l’un des trois fondateurs du festival avec Paul Meyer et Emmanuel Pahud ndlr)» On se salue, les visages s’éclairent, le spectacle va commencer… On range la feuille de salle après l’avoir consultée une ultime fois, ainsi que ses commentaires aussi précis et alertes qu’intéressants (il n’est pas rare de rencontrer des collectionneurs de ces présentations friandes d’anecdotes !). 

Le Quintette opus 39 de Sergueï Prokofiev ouvre le bal, en un équilibre subtilement dosé entre hautbois (François Meyer), clarinette (Paul Meyer), violon (Maja Avramovic), alto (Gareth Lubbe) et contrebasse (Olivier Thiery). La complicité des musiciens s’amuse des aléas induits par les conditions météorologiques : lorsqu’une rafale s’acharne sur une partition et que la pince à linge (élément indispensable des représentations ventées), se refuse, une note tenue à l’unisson, fraternelle, attend l’instrumentiste qui lutte contre les éléments afin que tous reprennent ensemble. Espiègles, les archets miment les gestes des scieurs de long sur les cordes, les vents dansent, deviennent oiseau, se jouant des dissonances qui s’exacerbent, redessinant de nouvelles aspérités à la mélodie initiale, se muent en danse burlesque… La théâtralité de l’ensemble fait jubiler musiciens et public avant le bien plus sage Quatuor à cordes de Giuseppe Verdi qui affirmait « Je ne sais pas si le Quatuor est beau ou laid, mais je sais que c’est un Quatuor ! », réécrit par le bassoniste Morchedai Rechtman en Quintette en mi pour lequel le hautbois de François Leleux prend le relais aux côtés de Paul Meyer, Emmanuel Pahud (flûte), Gilbert Audin (basson) et Benoît de Barsony (cor). La fraîcheur de cette pièce résonne comme un véritable bain de jouvence avant l’entracte et le Septet Fantasia con fuga opus 28 du compositeur et bassoniste Edouard Flament, aux musiciens du quintette « verdien », s’ajoutent François Meyer, cette fois au cor anglais, et Astrig Siranossian (violoncelle). L’œuvre est brève (environ sept minutes) mais très fouillée, avec une multitude de rythmes, d’images, de modes, de nuances. Autre compositeur au nom peu familier des concerts, Ërno Dohnányi, pianiste et chef d’orchestre hongrois (1877-1960), était mis à l’honneur avec son Sextuor en ut majeur opus 37 joué avec vivacité par Natalia Lomeiko (violon), Lili Maijala (alto), Astrig Siranossian, Paul Meyer, Benoît de Barsony, Éric Le Sage (piano). Danses enjouées, airs populaires et chanson enfantine, rythmes de jazz comme pour une ancienne comédie musicale, se mêlent entre ombre et lumière, en un ensemble délicatement ciselé. Magie renouvelée de ce festival si atypique et si lumineux !

MARYVONNE COLOMBANI

Concert donné le 3 août au Château de l’Empéri