mercredi 2 octobre 2024
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Saura danse

Le Roi du monde, denier film de Carlos Saura tourné au Mexique avant la pandémie, sort enfin sur nos écrans. Un hymne aux danses et musiques populaires

Il n’est pas évident de filmer la danse, et d’y accrocher une fiction. Parce que les grands danseurs sont rarement de grands acteurs, les films de danse sacrifient souvent l’un ou l’autre. Mais pour Carlos Saura, dont la filmographie est depuis près de soixante ans habitée de musicalité et de la fluidité de la danse, la question ne se pose pas. Ou plutôt, s’est déjà posée, il y a longtemps, et fait toute la grâce du film. 

La comédie musicale, qui met en scène un metteur en scène et sa chorégraphe, a une dimension testamentaire, et distille avec légèreté les éléments d’une esthétique tout en racontant les étapes de la création artistique. Comment on pense un scénario, ses personnages, les acteurs qui les incarnent. Comment se déroulent les auditions des danseurs, les répétitions, les conversations en coulisses. Et, discrètement, les doutes du metteur en scène qui veut refléter la violence du monde, de l’histoire mexicaine, de son actualité mafieuse, mais veut aussi écrire une histoire d’amour, une fin heureuse, bref une comédie musicale.

Fluidité et jubilation
Ce cinéma de genre a toujours aimé les mises en abyme, les histoires qui s’enchâssent et racontent un autre film, une autre séquence, à l’intérieur de leur cadre narratif. Les procédés pour passer d’une fiction à l’autre sont plus ou moins directs et digestes, l’entrée de la musique agissant généralement comme le déclencheur de ce passage, dans un genre où il nous est demandé de trouver « naturel » de danser sur les berges de la Seine ou de trépigner dans une flaque d’eau. Mais dans Le Roi du monde, cette convention là n’est pas nécessaire : rien n’est crédible mais tout le film danse, la caméra autant que les corps ! 

La salle de théâtre, par un travelling où se profile une ombre, par un recadrage sur un reflet dans un miroir, passe d’un univers à l’autre comme on met au point son regard, ou comme on change de focale. Les fictions internes et externes se répondent et parlent, comme dans Carmen, comme dans L‘Amour sorcier, de la force tranquille et juste des corps dansants, des corps jeunes et populaires qui doivent, au Mexique, s’emparer de leur tradition au présent. 

Alors, peu à peu, la jubilation s’installe, et l’admiration. La prise de son rend tout audible ; les tubes mexicains (Fallaste corazón , No volveré ou El Rey de todo el mundo) composent une bande son d’anthologie. La danse, qui emprunte au classique, aux danses traditionnelles mais aussi au hip-hop et à la boxe, est magnifiée par la photo de Vitorio Storaro. Et des danseurs virtuoses, à l’éclatante jeunesse, jouent une partition collective, populaire et savante à la fois. 

SARAH LYNCH

Le Roi du monde (El Rey de todo el mundo) de Carlos Saura
Sorti le 23 novembre
Ce film a été projeté en avant-première en ouverture de CineHorizontes à Marseille et à l’Institut de l’image à Aix-en-Provence
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