mercredi 2 octobre 2024
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Un humour bien trop facile

Une année difficile, dernier cru des Toledano-Nakache, se révèle particulièrement amer

En près de deux décennies, le duo Toledano-Nakache s’est imposé comme un mètre-étalon de la comédie française. Il en a remodelé les codes, notamment sur le terrain particulièrement délicat du film choral, et ce pour le meilleur. Les deux cinéastes disposent en effet d’un don rare pour filmer le collectif et ses joyeux dérèglements : Le Sens de la fête, le mésestimé Tellement proches, ou encore Nos jours heureux comptent parmi les comédies populaires les plus enlevées et efficaces de ces dernières années. 

Le résultat est nettement moins convaincant lorsque le duo se pique de parler de social, ou carrément de politique. Par le biais intime d’En Thérapie et le truchement de comédiens  excellents la pilule passait encore ; mais on ne peut pas en dire autantd’Intouchables, Samba ou  du plus récent Hors Normes. Les protestations bienvenues d’associations d’autistes face à cette ode peu subtile aux éducateurs du Silence des Justes, auront tôt fait de rappeler où se place ce cinéma-là, né du désir surplombant de filmer la différence et l’inclusion à tout prix. Quitte à procéder par mariage de raison : entre neurotypiques et neuroatypiques, entre juifs et arabes, comme, au temps d’Intouchables, richesse et pauvreté, handicap et racisme … La pauvreté du regard, l’artificialité des échanges apparaît ici crûment, et avec elles le mépris pour ceux qu’ils exposent aux rires.

Rire des autres

Une année difficile est peut-être ce que le duo aura fait de pire : ici encore, on se targue de s’être documenté auprès d’associations, dont certains membres apparaîtront à l’écran. Crésus, œuvrant auprès de surendettés auxquels les géniaux Pio Marmaï et Jonathan Cohen prêtent leur bagout et leur fragilité. Mais aussi Extinction Rébellion, nettement plus chargée par les cinéastes, qui trouve dans les visages plus juvéniles et maniérés d’une Noémie Merlant particulièrement malmenéeet d’un Grégoire Leprince-Ringuet plus en retrait. Des cibles idéales pour cet humour qui ne s’apparente qu’à de la dérision. 

Car c’est bien de ces militants écologistes que l’on rira tout au long du film : de leurs origines bourgeoises mal dissimulées, de leur immaturité affective, et de leur indécrottable naïveté. Les endettés se révèlent certes plus humains, plus malhonnêtes, et par là-même plus sympathiques. Ils font cependant les frais d’un sadisme inédit des réalisateurs, heureux de filmer leurs économies de bout de chandelle, et même la prostitution à peine voilée de l’un d’entre eux, devenue objet de comique récurrent. Impardonnable. 

SUZANNE CANESSA

Éric Toledano et Olivier Nakache, Une année difficile, est sorti le 18 octobre
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Suzanne Canessa
Suzanne Canessa
Docteure en littérature comparée, passionnée de langues, Suzanne a consacré sa thèse de doctorat à Jean-Sébastien Bach. Elle enseigne le français, la littérature et l’histoire de l’Opéra à l’Institute for American Universities et à Sciences Po Aix. Collaboratrice régulière du journal Zébuline, elle publie dans les rubriques Musiques, Livres, Cinéma, Spectacle vivant et Arts Visuels.
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